Les dictatures « librement » consenties
Diriger un peuple nécessite de pouvoir lui demander des efforts quelquefois terribles afin d’assurer sa survie à long terme. Après des millénaires d’ordre patriarcal, un système social de type maternel s’installe dans lequel l’ordre ne règne plus par la force mais par la persuasion, sans être moins contraignant.
LES DICTATURES « LIBREMENT » CONSENTIES
Jacques-Robert SIMON
En 1914, un jeune Serbe de Bosnie assassine l’héritier au trône d’Autriche-Hongrie. Un émoi considérable s’empare des classes dirigeantes qui voient là une occasion de satisfaire d’autres appétits. Il serait intéressant de déterminer le pourcentage des 1,45 millions de poilus qui vont perdre leur vie dans les années qui vont suivre qui connaissent les droits de filiation des souverains Autrichiens et le pourquoi des multiples alliances nouées entre Nations. Pour ceux qui décidaient de la mort des autres, la guerre avait maintes justifications, pour les poilus il fallait seulement défendre la Patrie et obéir. Le gouvernement Français de l’époque était dirigé par des membres du Parti Radical (laïque, opposé au collectivisme), le Parti Républicain-Socialiste (non Marxiste, non réformiste), les Radicaux indépendants (refusant les alliances à gauche). Ce type d’organisation politique dénué de tout idéal ne pouvait pas fournir un cadre où ce serait exercé une passion collective. C’est donc bien l’esprit patriotique, et lui seul qui permit aux dirigeants de conduire toute une classe d’âge au massacre : il y aura 30% de la population active de 18-65 ans qui disparaîtra. L’horreur de la seconde guerre mondiale ajoutée à celle de la première marquera les premiers pas d’une autre façon de dominer.
De tout autre dictatures, celle-là « librement » consenties, vont se mettre peu à peu en place après l’effondrement de l’empire soviétique en 1989. Sur la scène internationale, les États-Unis se présentent comme les champions d’une démocratie qu’ils perçoivent comme un bien d’exportation car elle est porteuse selon eux de valeurs universelles. La chute du communisme ne suffisait pas il fallait répandre les bienfaits États-Uniens dès que possible. La force militaire ne fut pas mise de côté, leur budget militaire en 2015 est de 600 milliards de dollars, quatre fois plus que la Chine, neuf fois plus que la Russie, mais un complément d’âme était indispensable. Le monde des jouissances au moindre effort, celui des désirs instables devait non seulement s’ouvrir au plus grand nombre possible mais aussi être encadré par des préceptes de pensées débarrassés d’idéologies, de philosophies hors d’âge : le patriarcat doit s’effacer au profit d’un système matriarcal, la raison n’est plus qu’un appendice de l’émotion.
Tout doit être fait pour satisfaire des consommateurs même repus. De l’immédiate après-guerre jusqu’au milieu des années 1970, les Etats-Unis vont affirmer leur prééminence économique en profitant de l’élan économique impulsé lors de la seconde guerre mondiale qui laissa à peu près intactes leur tissu productif. À partir des années 70, les dettes publiques et privées des états augmentent considérablement. Ce qui aboutit en 2010 au constat de l’insolvabilité des USA : il devient incapable de rembourser sa dette (107,3% du PIB). Il n’est pas le seul puisque les pourcentages de PIB de dettes publiques sont pour le Japon 242,3 % du PIB ou 174 % pour la Grèce. Cette insolvabilité n’est pas seulement nationale, elle comporte aussi un volet extérieur : le total des avoirs détenus par des étrangers aux USA est énorme et la majeure partie est constituée par des produits financiers. On est de plain-pied dans la jouissance à crédit, une jouissance de papier qui ne repose sur aucun bien matériel. Mais cette jouissance de papier permettait de prouver le caractère bénéfique du système politique proposé.
La société de consommation est financée par le crédit dans une limite difficile à discerner où se mêle la confiance et les rapports de force entre États et entre États et investisseurs. Les dettes ne reposant sur rien de physique, il ne s’agit que de jeux guerriers d’écriture. Les transactions dans l’économie dite réelle, représentent 60-70 fois moins que de l’ensemble des transactions (financières et réelles). Le monde économique s’ébat dans une réalité virtuelle dans lequel la distinction entre vrai et faux, rêve ou réalité, juste ou injuste n’a aucun sens.
L’hydre veut étendre ses non-sens à encore plus de pays, en fait à tous. La guerre économique et le respect par les autres de ses propres résolutions sont utilisés à cet effet. Des « combattants de la liberté » sont mis en avant dans les pays à domestiquer. Il serait pour le moins étonnant que, quel que soit le pays visé, vous ne trouviez pas des dissidents, des rebelles prêts à s’insurger dans les médias de leur sort et celui de leurs semblables. Les médias ouvrent leurs antennes à ces « résistants » qui même si ils ne réussissent pas modèlent une opinion. Les réseaux sociaux offrent de nouvelles possibilités dans ce registre.
Mais le dessein va au delà de luttes subalternes de pouvoir, il s’agit de changer de civilisation en remisant les attributs masculins aux oubliettes pour promouvoir un système matriarcal jamais expérimenté jusqu’alors. Il faut des armes puissantes pour abattre une société peu amène : le féminisme et le droit des homosexuels sont à cet égard irremplaçables. Les moyens patriarcaux classiques de domination : le culte du chef, les ordres n’admettant aucune contestation, les internements, la torture, les éliminations physiques, n’ont plus cours. Le système matriarcal préfère la suggestion répétée à l’envi, l’auto-contrition, l’enlisement dans l’ordinaire, l’envasement dans le politiquement correct. Et puis le féminisme ne recouvre a priori aucune idéologie : son identité seule importe. Les droits de l’Homme incluent normalement les revendications de tous les sous-groupes humains rendant inutile voire dangereux de faire des subdivisions. Mais l’angle d’attaque du féminisme permet d’éviter l’antagonisme essentiel entre le capital et le travail, essence de la lutte des classes : les femmes travaillent pour le bien de tous en changeant la nature des rapports de forces . Le système capitaliste accueille tout ce qui conduit à une division entre exploités comme une bénédiction. L’instinct de la mode, de plaire conformément au goût d'une époque devient un phénomène collectif via la société, le regard qu'elle renvoie, les codes qu'elle impose et le goût individuel, tout ceci contribue à façonner de nouvelles façons de penser politique.
Et la multitude suit des préceptes qui sont d’autant plus pieusement suivies que nul ne les énonce clairement réalisant ainsi ce que Pier Paolo Pasolini avait prédit il y a plusieurs dizaines d’années : « une fièvre d’obéissance à un ordre non énoncé. » « Les formes de manipulation et d’assujettissement plus enveloppantes et plus insidieuses qui trouvent leur modèle inconscient dans l’emprise maternelle sont désormais jugées plus performantes et donc préférables aux anciennes formes patriarcales de domination. » (Patrick Buisson). Rien ou pas grand-chose n’est interdit mais ce qui est recommandé l’est par tronçons facilement ingérables au prix de suggestions mille fois répétées. Il faut gommer la réalité pour faire place à un ressenti accepté, la morale est remplacée par la moraline qui met en avant des droits, jamais des devoirs, droits des minorités, droit des femmes, droit de l’Homme dans le sens juridique du terme. Tous ces rapports entre Hommes ne relèvent plus de l’amour non quantifiable mais du droit aux injonctions négociables. Tout absolu est suspect d’hérésie et écarté du devant de la scène.
9 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON