Les élus et les citoyens ont besoin du Référendum d’Initiative Citoyenne (RIC)
PREAMBULE
Ceux qui me connaissent le savent, je ne suis pas vraiment d’un profil que l’on retrouve, à priori, chez les Gilets Jaunes, et je n’ai jamais manifesté de ma vie. Je suis pharmacien, je n’aurai pas l’indécence de revendiquer quelque mesure qui puisse me profiter personnellement… C’est pourtant un mouvement dont je soutiens l’une des principales revendications : le dispositif du « RIC » et le besoin de vraie démocratie.
La seule revendication qui ne ressemble pas à une simple distribution de pain pour faire taire les trop bruyants « sans-dents ». Malheureusement pour le gouvernement, j’ai l’impression que ces sans-dents sont les directs héritiers des sans-culottes, or ces derniers ne se sont pas contentés d’une simple distribution de miettes…
On oublie souvent que le mouvement est aussi composé de la classe moyenne habituellement silencieuse, les médias et les politiques, comme un réflexe conditionné, s’évertuent souvent à donner les mêmes analyses à ce mouvement qu’aux manifestations traditionnellement très cloisonnées et instrumentalisées (socioéconomiquement et idéologiquement).
La distribution de 10 milliards d’euros, issus de nos impôts, est particulièrement symptomatique de ce réflexe, et obligatoirement cette distribution sans concertation ne satisfait personne.
Chacun y va de sa petite interprétation du mouvement, de sa revendication catégorielle ou personnelle : le pouvoir d’achat, la fiscalité, la précarité, l’emploi, les radars, les carburants, la rupture territoriale …etc. Toutes ces revendications sont légitimes mais il me semble que le RIC est la seule revendication qui s’applique absolument à tous.
C’est aussi très probablement la seule mesure qui pourrait restaurer la confiance envers nos élus. La confiance ne peut naitre que de la réciprocité, pourquoi ne pas faire confiance au peuple alors qu’on lui demande de l’être, aveuglement, envers ses représentants ?
Je suis français, né en France, j’ai toujours été résidant français.
Je suis également Suisse par ma mère et dispose donc du droit de vote en tant que Suisse de l’étranger.
J’entends actuellement énormément d’espérance et d’enthousiasme au sujet du RIC que, vous l’aurez compris, je partage !
Il y a également beaucoup de questions, de méconnaissance, et parfois de clichés ou de craintes sur la démocratie directe (partielle) : Quoi de plus naturel que d’avoir peur de ce qu’on ne connait pas. Ceci n’est en rien étonnant venant des français à qui on a martelé depuis l’école l’unique postulat "démocratie = élection".
Si je ne pouvais dire à mes compatriotes français qu’une seule chose : « quand vous entendez le mot démocratie, rappelez-vous bien ce que signifie ce mot et qu’il n’a jamais été question d’élection mais de droit de vote, de pouvoir de décision, d’expression formelle de votre avis, concernant une loi et non un représentant.
Faites l’expérience auprès d’un enfant et demandez-lui : Un cercle de 20 élèves veut prendre une décision démocratiquement : ils votent à mains levées et la majorité l’emporte… Si les 20 personnes élisent quelqu’un pour qu’il vote tout à leur place et que les élèves ne votent plus jamais après, Est-ce que c’est pareil ? Est-ce que c’est plus juste ?
L’élection et le vote sont profondément complémentaires mais ne sont pas synonymes. Quand le mot « démocratie » est prononcé cela devrait nous faire sursauter ! »
Lors que nous élisons quelqu’un, le but est très précisément de ne plus avoir à voter, nous abandonnons délibérément notre droit de vote, et ce, sans aucune contrepartie ou régulation. S’il n’est nullement question de voter toutes nos lois, nous pouvons exiger que cette délégation soit respectée le plus scrupuleusement possible quitte à reprendre la main sur certaines décisions.
Tout est histoire d’équilibre entre vote et élection.
J'ai acquis le droit de vote en Suisse sur une démarche volontaire en 2007… J’ai voulu voir et faire l’expérience de la démocratie, la vraie. Comment vous décrire le sentiment de l’aveugle (politiquement) qui, d’un coup, voit ? Et comment décrire la frustration lorsqu’on lui bande les yeux après ?
Avec ma culture pourtant bien française, dès l'instant où j’ai pu voter sur des choses, et non pour des gens, j’ai pris conscience que la Suisse me traitait comme un citoyen responsable « politiquement adulte », alors que la France ne voit en moi qu’un simple électeur, infantilisé, trop stupide pour décider voir même dangereux.
Quand on nous traite en adulte responsable on se comporte comme tel.
En cherchant à débattre de manière constructive, sans blocage partisan, simplement parce que nos réflexions ont un impact concret sur notre vote et sur la vie du pays, nous votons de manière responsable. Les votations sont toujours précédées de débats particulièrement riches et sains, beaucoup moins de postures partisanes, on peut être d'accord ou non avec des gens de bords différents. Il n'y a presque plus d'avis péremptoires (comme celui de beaucoup trop d’élus en France), les arguments sont exposés publiquement à la critique et à la contre argumentation. Plus d’effet en vase clos (discussion uniquement entre personnes de même avis) ou de discours sans conséquence (nos réflexions sont sanctionnées par le vote, et le résultat du vote est appliqué dans nos vie).
C'est le seul système démocratique qui permette de différencier un simple électeur d’un vrai citoyen.
C’est pourtant un système qui n’est pas incompatible avec le système représentatif. Bien au contraire, les deux systèmes ont besoin l’un de l’autre, c’est un équilibre. C’est parce que nous consentons à déléguer notre pouvoir politique aux représentants qu’il est nécessaire d’avoir aussi un mécanisme nous permettant de nous exprimer directement et de contrôler la représentation.
Dans le cas contraire, nous arrivons aux dérives et à la défiance envers les élus que nous connaissons aujourd’hui, avec des intentions de vote toujours plus élevées pour les extrêmes…
C’est vraiment un message à porter aux hommes politiques :
Les élus aujourd’hui ont besoin du RIC, plus que jamais, s’ils veulent restaurer leur légitimité et la confiance du peuple. Jamais nous n’avons connu une telle défiance vis-à-vis des politiques. Evidemment cette situation est multifactorielle (impuissance des élus, perte et transfert de souveraineté, situation économique, comportement de certains élus …Etc) mais la prise de décision contraire à la volonté du peuple en toute impunité a engendré 40 ans de frustration politique, les français se désintéressent des hommes politiques et des élections, c’est pourtant un peuple amoureux de LA politique justement.
Le peuple français semble aujourd’hui avoir pris conscience qu’un système les remettant au cœur de la politique est possible, et je pense que rien ne pourra plus arrêter cette évolution. Les français sont enfin prêts pour la démocratie.
On nous opposera toujours des objections basées sur la méconnaissance de ce système ou sur de simples clichés. Des clichés tant du côté des opposants que des personnes souhaitant sont instauration d'ailleurs.
Ma démarche est, je le pense, pure et bien loin des récupérations actuelles des RN, LFI et autres partis idéologiquement fermés.
Le RIC est un dispositif démocratique qui fonctionne partout où il est adopté. (USA, Suisse, Croatie, Italie…) Vous seriez surpris de constater à quel point il ne mène pas à la cacophonie ou au désordre mais plutôt à la stabilité et à la raison, on a pu éventuellement lui reprocher un certain immobilisme mais qui n’est pas incompatible avec les réformes et le processus parlementaire. En réalité on constate que les referendums d’initiative font bouger les choses quand le parlement n’avance pas, et au contraire, freinent parfois les ardeurs des parlementaires lorsqu’ils vont trop vite et trop loin.
Toute l’énergie dépensée lors de certaines manifestations serait redirigée vers quelque chose de plus constructif et qui déboucherait toujours sur quelque chose de concret... Sans les aspects délétères en terme économique et d’image pour la France : Même sans être adoptées les initiatives sont toujours une source de réflexion et de débat.
Malheureusement aujourd’hui, les manifestations et les blocages du pays sont nécessaires uniquement parce que les gens n'ont rien pour se faire entendre…
Chacun peut être favorable ou non à ce dispositif, je le respecte. Certains sont bien royalistes, ceux qui sont pour un système 100% électif ont le droit aussi de l’être ! Mais ils galvaudent le terme en le qualifiant de « démocratie » : Et bien souvent volontairement, à la manière de la novlangue (1984 George Orwell : principe qui consiste à associer un mot avec son contraire) de manière à ne pouvoir être dénoncé ou contredit. De la même manière une confusion est entretenue entre les notions de liberté d’expression, de débat et de démocratie ! la liberté d’expression n’étant finalement que la différence entre « tais toi ! » et « cause toujours ! ». Un débat est censé servir à donner le même niveau d’éclairage à l’ensemble des votants, il n’a aucune valeur si seulement une partie des participants ont la sanction du vote.
Au fond celui qui est contre le référendum d’initiative est contre la démocratie, c’est son droit, mais il doit l’assumer. Avec le débat sur le RIC, les masques tombent et il est extrêmement facile d’identifier celui qui est démocrate et celui qui ne l’est pas.
Si la démocratie directe est le vote des lois par le peuple et si l’élection consiste à confier notre pouvoir décisionnel à des gens en qui nous avons confiance, le RIC n’est qu’un intermédiaire.
La constitution devrait normalement encadrer l’exercice de la représentation et notamment rappeler que les élus sont nos représentants « obligés » et que nous ne sommes pas que leurs « administrés ».
La république Française, représentative, est un système exclusivement électif, c’est celui instauré sous notre actuelle constitution, c’est en fait celui pensé dès la révolution de 1789. Les écrits d’Emmanuel-Joseph Sieyès sont clairs, « la France n’est pas une démocratie et ne saurait l’être » : probablement pas dénué de bon sens dans la France de cette époque où moins de 25 % du peuple savait lire et écrire. Difficile d’instaurer une vraie démocratie et de faire adopter des textes de loi dans ces conditions.
Aujourd’hui nous sortons près de 80% d’une tranche d’âge avec le BAC ou assimilé, les générations plus âgées ont l’expérience, et parfois la sagesse.
Dans les pays ou s’exerce en partie la démocratie directe, les représentants y ont toujours une place déterminante et y sont beaucoup plus légitimes et respectés.
ELEMENTS DU DEBAT
Les objections au RIC que je liste ci-dessous sont celles régulièrement entendues lors des débats sur la mise en place d’un referendum d’initiative :
-« Le Referendum d’initiative est une boite de pandore, avec toutes sortes de dérives »
La plupart du temps ces remarques sont basées sur une connaissance partielle du système et une vision parfois fantasmée du dispositif d’initiative populaire.
Le premier constat est que le système actuel a institutionnalisé un nombre incroyable de dérives tellement plus scandaleuses que celles imaginées par la simple instauration du RIC. Par ailleurs Il n’y aucune dérive reprochée au RIC qui ne puisse également arriver par l’élection. A l’inverse le RIC évite un grand nombre de dérive de l’élection.
-Il n’est nullement question, avec le RIC, de voter 100% des lois, ni même plus de 10% ! Il s’agit d’auto déterminisme sur quelques grandes orientations du pays et du contrôle des pouvoirs. On parle d’une auto-saisine du peuple 1 ou 2 fois par an sur une dizaine de sujets grand maximum.
- « Il y a un risque de dérives populistes » :
Aujourd’hui, nous voyons des élus populistes qui sont élus partout dans le monde ! Cette situation est née du refus d’engager des questions qualifiées de « populistes » et de la frustration du peuple quant à sa représentation.
L’exemple le plus souvent pris est la peine de mort (ou plus récemment le mariage gay) brandi comme chiffon rouge par les opposants anti démocratie directe.
Vision fantasmée du dispositif de votation où le peuple impulsif pourrait décider en quelques secondes d’instaurer une mesure.
Les personnes qui affirment cela n’ont aucune idée de ce que pense vraiment le peuple ! Ce sont ces gens qui commencent leurs phrases par « les français savent que » « la majorité des français sont pour » parfois en s’appuyant sur des sondages, parfois juste en l’affirmant … Il faudra alors expliquer à la Suisse qu’ils sont stupides d’organiser des votations depuis des siècles, alors qu’il suffit de demander à ces « experts » ou de commander un sondage pour connaitre l’avis du peuple.
Si on en croit les sondages les plus récents, selon les sources, 60 à plus de 80% des français sont favorables à l’instauration du RIC, doit-on l’instaurer immédiatement sur cette base ? selon moi non, un référendum sur le sujet parait nécessaire.
- Les sondages sont des questions simplistes, posées à un instant T, à un panel restreint de personnes, qui doivent répondre immédiatement alors qu’ils n’ont pour la plupart jamais eu, ni à se poser la question, ni à en débattre, ni à s’exposer à la critique.
≠
- Le résultat d’une votation est l’avis de l’ensemble des citoyens sur un texte ou une question précise, avis éclairé à la lumière de tous les points de vue, lors d’un processus long où arguments et contre arguments sont exposés publiquement.
Voilà pourquoi les referendums partout dans le monde n’aboutissent pas à des décisions irrationnelles mais ont plutôt instauré des droits sociaux et abrogé des lois conservatrices (peine de mort, IVG, mariage gay, cannabis, etc.)
Par ailleurs aucun parti ne prône plus aujourd’hui le retour à la peine de mort, ni le retour sur le mariage gay, ces sujets sociétaux ne sont jamais mentionnés dans les doléances.
Juste pour information, la peine de mort a été retirée du code civil par initiative populaire en Suisse dès 1938.
Enfin et c’est le plus important, cette crainte de « populisme ou d’impulsivité émotionnelle » est basée sur la profonde méconnaissance du mécanisme du système d’initiative.
Au-delà même des garde-fous imaginables pour que les initiatives ne puissent nuire à la liberté, l’égalité ou à des acquis sociétaux, de toute façon, on ne pose pas une question aussi simple que « la peine de mort doit-elle être rétablie » ou « doit-on interdire l’immigration » ou « baissons les impôts » n’est soumise au vote :
Non, l’objet de l’initiative est UN TEXTE DE LOI ou CONSTITUTIONNEL, il doit donc être précis, complet, compatible avec les différents codes juridiques concernés et prévoir des garde-fous. Les initiants peuvent solliciter l’aide d’experts et de juristes pour la rédaction de ces textes. Aucun texte mal rédigé ou trop vague ne sera jamais adopté, ni d’ailleurs un texte trop alambiqué, incompréhensible où se cacherait des mesures dangereuses, il doit convaincre la majorité des citoyens et un texte qui aurait des dérives évidentes ne passerait jamais le filtre de la critique.
Les textes qui laissent la porte ouverte aux dérives sont systématiquement bloqués au niveau des pétitions et même si un très fort lobby permettait de passer cette étape, ils sont quasi systématiquement refusés au referendum.
Aspect important des initiatives, contrairement aux partis politiques qui détricotent les mesures des autres partis par pur positionnement idéologique et qui ne se désavouent quasiment jamais, les populations ne reviennent jamais sur une question si l’effet est bénéfique, et sait revoter différemment si l’expérience montre des effets manifestement délétères ou des dérives.
En ce sens, le principe d’initiative est auto-régulateur et auto-réparateur…
C’est pour cela que finalement peu d’initiatives sont acceptées et que l’immense majorité des lois votées par les peuples sont plutôt consensuelles, raisonnables et très rarement contestées.
De même pour le caractère potentiellement « émotionnel » de certains votes. Le processus long, en 2 étapes de filtration, associé à une longue période de débat et de réflexion, rend les résultats basés sur l’émotion extrêmement peu probables (et je le rappelle il s’agit de voter un texte de loi dans son intégralité non sur une simple « idée »).
Enfin il reste toujours la possibilité au gouvernement, dans les votations, de proposer un texte intermédiaire pendant le processus. (Un contre-projet)
Le terme « Populiste » englobe tellement de choses, notamment lorsqu’une idée est partagée quasi unanimement sauf par les partis élus majoritaires.
Il s’agit en réalité d’une des plus grandes dérives du système électif d’aujourd’hui, et très certainement ce qui a conduit à l’abstention, au désintérêt pour l’élection, à l’illégitimité des élus et enfin à la montée des parties alternatifs ou extrêmes.
-« Nous avons été élus « démocratiquement », rien n’empêche tout un chacun de se présenter, présentez-vous si cela est si facile ! »
Nous voulons des représentants ! Je ne nie pas la difficulté d’être un élu, de faire campagne et parfois passer des années avant d’obtenir un mandat, mais les élus ne disposent pas pour autant d’un chèque en blanc, du moins ils ne devraient pas !
Il y a par ailleurs d’innombrables biais dans l’élection qui expliquent que les citoyens ne se sentent plus représentés, même par ceux à qui ils ont donné leur suffrage.
En premier lieu il y a évidemment l’écart entre la légalité et la légitimité, le vote blanc non pris en compte et l’abstention sont telles que nous avons maintenant des présidents qui représentent moins de 20% du corp électoral.
Ensuite, un électeur doit choisir généralement un candidat, présenté par un parti, sur quelques points de son programme : 2 ou 3 propositions qui lui semblent prioritaires, et doit donc obligatoirement faire d’immenses concessions sur d’autres thèmes. Qui dans ce pays est d’accord avec plus de 50% d’un programme politique d’un parti ?
Il y a également une course à la démagogie : qui pourrait aujourd’hui se faire élire sans promesses alléchantes ? Même si en réalité certaines ne peuvent être tenues.
Il y a aussi les mesures qui ne sont pas mentionnées dans le programme, soit parce qu’impopulaires, soit guidées par l’entourage de l’élu.
Or certaines questions, certains thèmes, sont abandonnés par les partis dominants et pris en otages par des partis idéologiquement « extrêmes » ou marginaux. Et à force d’être déçu, les gens finiront par élire ces partis…
Enfin il faut un financement de campagne ainsi qu’une forte exposition médiatique : tellement évident que je ne m’étalerai pas sur les risques de dépendance, de conflit d’intérêt et de redevabilité …
Comme déjà dit, on ne peut ne pas se dire démocrate et qualifier l’avis du peuple de mauvais, il faut avoir confiance en l’intelligence collective ou alors s’en remettre à un autre régime que la démocratie.
Le peuple peut mal élire ses représentants, par déception, par dépits, par négligence, par colère, par manipulation, mais s’il est concentré sur une question pendant une période suffisamment longue, en ayant accès aux arguments contradictoires, aucune raison qu’il ne vote pas de manière rationnelle et pragmatique.
-« Les votations suisses sont parfois votées avec une faible participation »,
Oui absolument, pour certains sujets mineurs, c’est une démocratie mature (+ de 125ans) et les sujets deviennent de plus en plus précis, le tout associé à une autodiscipline qui fait que les gens se renseignent avant de voter, ou ne vote pas. Contrairement à l’élection ce n’est pas problématique pour les Suisses.
Par contre, pour les grands enjeux, la participation est plus que massive (>75%). L’instauration d’un RIC en France ne devrait pas aborder de sujets mineurs avant une ou plusieurs décennies, et qui oserait prévoir une faible participation ?!
-« Il faut associer le RIC a l’obligation de voter »
Ceci est non seulement inutile mais dangereux :
1/ inutile parce que l’instauration du RIC mettra d’abord en débat les questions essentielles et aura probablement une participation forte.
2/dangereux parce que cela forcerait (à long terme sur les sujets mineurs) les personnes à voter sans avoir exploré la question et s’être forgé un avis basé sur la connaissance acquise au court des débats.
Il faut faciliter le vote : la Suisse pratique le vote électronique et par correspondance courrier, mais surtout le vote « à l’avance » (avant le dernier jour du scrutin). Il faut également faciliter la compréhension de l’enjeu, c’est ce que fait la Suisse en distribuant un matériel complet de votation. (Accessible sur admin.ch)
-« La suisse est un petit pays, une pays homogène » :
-sur la complexité d’organisation du RIC sur une population nombreuse : Des pays de taille comparable arrivent à organiser des referendums régulièrement sans problème (Allemagne, Californie, Italie). Les votations peuvent se faire à l’avance, par internet, par correspondance ou dans l’isoloir. Nous avons les technologies nécessaires pour organiser un vote sécurisé et simplifié.
-sur la complexité du pays : Il y a probablement plus de différences entre 2 Suisses et leurs 4 langues officielles… ou entre 2 américains. Les décisions prisent par referendum d’initiative n’y sont jamais contestées.
Il est cependant indéniable que la structure Suisse est différente, très décentralisée, grâce au principe de subsidiarité. Néanmoins on constate que les Français sont bien dans le même état d’esprit : S’ils accordent encore leur confiance aux maires et aux élus locaux, c’est de moins en moins vrai au fur et à mesure que les centres de décisions s’éloignent.
- « La majorité écrase les minorités. »,
La constitution peut tout à fait prévoir qu’aucune proposition portant atteinte à la liberté d’une minorité de citoyen ne puissent être déposée, qui de toute façon, après débat, ne ferait pas majorité.
Le RIC permet aux minorités de mettre en débat certains sujets de manière transparente et apaisée. Une décision prise à la majorité par votation sera beaucoup moins contestable.
Même sans forcément aboutir à une nouvelle loi, une minorité initiant un projet avec l’appui de quelques centaines de milliers de personnes peuvent imposer la mise en débat d’une question à l’ensemble des français !
En Suisse par exemple, les écologistes pourtant minoritaires ont pu faire passer des lois, et parfois leurs initiatives, même sans être adoptées, ont été prises en considération par le conseil fédéral qui a pris des mesures et proposé un contreprojet faisant avancer les choses dans le sens des initiants.
Les initiatives permettent de donner une visibilité aux minorités, pas la visibilité que veulent bien leur donner les dirigeants, mais bien leur propre visibilité : obtenue de manière apaisé, sans conflit sociaux, manifestations, violence ou blocage du pays.
Le RIC permet aussi de rejeter des mesures farfelues ou représenter par des gens dont l’idéologie est incompatible avec la majorité des citoyens.
Aujourd’hui, les sujets concernant les minorités mis en discussion sont uniquement ceux que veulent bien mettre nos députés ! Avec le système 100% représentatif, le pire est qu’une majorité ne se sent plus représentée, les gouvernements s’évertuant à se faire réélire en donnant aux seules minorités bruyantes, visibles ou influentes, l’argent de l’immense majorité silencieuse. Ceci ne peut conduire qu’au rejet des élites et parfois malheureusement de ces minorités.
-« On le voit bien avec le Brexit le RIC est dangereux » :
Le Brexit montre effectivement que sortir de l’UE est compliqué, on peut l’interpréter comme étant une erreur d’en sortir, ou d’y être entré ? On imagine bien que l’UE n’avait aucun intérêt a facilité une sortie en douceur … Même sans parler de rétorsion ou de représailles de l’UE, il y a surtout la classe politique anglaise qui s’évertue à torpiller la décision populaire de l’intérieur.
Enfin si personne ne nie que la sortie et les quelques mois ou année suivant le Brexit seront difficiles, personne ne peut prédire comment se portera l’Angleterre dans 5 ou 10ans.
Le référendum en grande bretagne a été initié par James Cameron, il n’était pas d’initiative populaire. Quoiqu’il en soit, et sans juger du fond, si l’adhésion à l’UE est bénéfique et indispensable, les défenseurs ne devraient pas avoir de mal à trouver les arguments et convaincre la majorité des citoyens.
- « il y a un risque de manipulation de l’opinion »
L’opinion est manipulable lorsqu’il n’y a aucun débat, lors que le processus de décision est trop court ou lorsque que l’exposition médiatique des différentes opinions n’est pas équilibrée.
Le risque de manipulation est d’ailleurs beaucoup plus important lors d’une élection que lors des débats centrés sur un thème précis.
En prenant le referendum de 2005 et la quasi-unanimité des médias et de la classe politique majoritaire on est en droit de se demander où était la manipulation ? La réponse devrait donc, quand elle ne va pas dans le sens voulu, être considéré comme manipulée ?
Il y a effectivement un risque de manipulation quand la quasi-totalité des médias mainstream sont la propriété d’une poignée de personnes physiques et qu’ils diffusent tous les mêmes informations avec les mêmes opinions au même instant ? On constate qu’une défiance tenace s’est installée envers les médias traditionnels.
Les referendums d’initiatives doivent être encadré de manière indépendante afin de veiller à ce que les débats soient équilibrés.
-« Les élus ont un intérêt à empêcher l’institutionnalisation d’un tel système » :
Je sais à quel point se présenter face aux électeurs et assumer la représentation est un véritable engagement, parfois sacrificiel.
Les représentants sont des personnes à qui nous consentons à confier, à déléguer, notre puissance politique. Il n’est nullement question de supprimer la représentation mais de déléguer notre pouvoir politique à 90% plutôt qu’à 100% rien de plus.
Il ne serait pas raisonnablement possible de voter toutes nos lois, ni même plus d’une dizaine.
Il y a une sorte de peur (infondée) de la part des élus qui voient une menace pour leur propre existence ou qui pensent être les seuls détenteurs de la bonne morale. Cette conviction est par ailleurs véhiculée auprès des élus par des personnes ayant un intérêt personnel ou professionnel à conserver un système 100% représentatif.
En effet, au-delà de certains élus eux-mêmes, il y a aussi toutes les personnes qui les entourent, qui les conseillent et les influencent : imaginez le changement de pratique pour eux, il ne s’agirait plus de convaincre uniquement quelques élus dans les couloirs ou lors de réunions organisées dans les assemblées mais de convaincre le grand public, finalement de faire le même travail en toute lumière et exposé à la contre argumentation…
C’est le passage d’un lobbying de couloir à un débat public national.
Le changement fait peur pour 2 raisons :
- La peur que ça ne marche pas.
- La peur que cela fonctionne…
De ces deux causes, c’est bien la seconde qui effraie le plus, car si la première est rationnelle et réversible, la seconde non. On constate aussi que ceux qui ont peur de la seconde essayent toujours de convaincre les autres en se basant sur la première.
- « Le peuple français n’est pas assez intelligent » …
Ni plus ni moins que les autres peuples ayant adopté ce dispositif. Les français ne sont plus les illettrés du XVIIIème siècle. Pour information, les Suisses poursuivent une scolarité moins longue que la plupart des français. Mécaniquement, le peuple fera une proposition de loi sur un sujet qu’il est susceptible de comprendre et maitriser ou il s’opposera à une mesure qui a eu manifestement un effet délétère sur lui (la majorité).
- « les français sont trop ‟cons” ! » :
Combien de fois ai-je entendu ça ? Sur quelle base ? est-ce un vraiment un argument ? si les français sont trop cons sur quel critère dois-je écouter et croire celui qui l’affirme ?!
Evidemment j’entends cela de la part de gens qui ont un niveau d’étude et/ou social « convenable », chaque fois que j’explore leur point de vue je n’obtiens jamais de réponse claire. J’imagine que ces gens s’estiment intelligents, et qu’ils considèrent donc que plus de 50% des français sont non seulement moins intelligents qu’eux, mais aussi trop idiots pour leur confier le droit de vote référendaire. Alors comment ces personnes peuvent-elles encore vouloir maintenir le suffrage universel ?! Ces « gens intelligents » laissent donc 51% des ‟cons” choisir des représentants pour eux ? (Ce qui me semble bien pire en réalité)
Ces personnes souhaiteraient donc confier les décisions aux plus intelligents, aux meilleurs d’entre nous ? En grec ancien, le meilleur se dit « àristos », ces gens ne souhaitent pas que le « démos » gouverne mais veulent véritablement une aristocratie.
Le terme « ostracisme » a été inventé en grec antique pour qualifier le bannissement des personnes qui cherchaient à obtenir un pouvoir personnel en remettant en cause la démocratique. Preuve que les hommes avaient, dès l’antiquité, identifier à quel point la soif de pouvoir et le mépris de ceux qui s’estiment meilleurs étaient une menace pour la démocratie.
- « Certains sujet nécessitent une expertise » :
Absolument, mais les députés n’ont pas spécialement d’expertise sur les sujets qu’ils légifèrent (sauf parfois à être issu de la société civile et du domaine en question). C’est ce qui explique que les décideurs s’entourent de spécialistes, d’influenceurs, qui malheureusement ne sont pas dénués d’intérêts. Pourquoi les citoyens ne seraient pas capables d’entendre et comprendre les arguments de ces experts ? Quoiqu’il en soit les initiatives ne portent que sur des sujets généralement compréhensibles par le plus grand nombre.
Les élus ou les gouvernants ont une connaissance du fonctionnement des institutions qui est non seulement utile mais primordiale pour mettre en application la décision d’un vote. On imagine bien qu’avec le RIC ils garderont toute autonomie sur les décrets d’application et les arrêtés en lien avec les textes adoptés !
- « La Suisse à une culture et ce sont des gens éduqués » :
La Suisse n’a rien de parfaite, elle a également des partis très différents, les Suisses ne poursuivent pas des études plus longues, il y a des ruraux, des ouvriers, des chercheurs, des infirmières, des patrons, des éboueurs, des écologistes, des socialistes, des catholiques, des musulmans, des capitalistes, des populistes… Ce qui fonctionne dans leur système n’est pas lié au peuple mais au mécanisme de votation.
Les Suisses ont certes un sens aiguisé du civisme et de l’exercice démocratique… Doit-on considérer les français comme des éternels cancres ? depuis quand jugent-on les élèves sans ne les avoir jamais laisser essayer et éventuellement recommencer ?
- « La démocratie directe aboutira à des lois d’extrême gauche ou d’extrême droite »,
C’est fascinant de voir certains partis (LFI / RN) promouvoir ce dispositif en espérant que l’issue des votations leur soit favorable.
Comme si l'instauration du RIC devait aboutir à tout ce qu'on veut ! En théorie des textes de loi sur tout type de sujet pourraient être déposés, mais en pratique, au contraire, il y a une forte probabilité que la masse majoritaire, raisonnable, silencieuse, qui bosse et qui vit en société conduise à des décisions raisonnables ! Il est assez détestable de les voir s’approprier le RIC, et le décrédibiliser par la même occasion. Les détracteurs du RIC n’en espéraient pas tant.
-« Ce sera l’anarchie, on votera tous les dimanches, la révolution permanente, les élus seront tout le temps révoqués…etc »
Le RIC doit être un instrument de dissuasion, ce qui signifie que les politiques devront prendre en compte l’opinion des citoyens, s’ils le font, aucune raison que les initiatives soient contre productives. On est en droit d’espérer un changement radical du comportement des représentants, selon le même principe ayant motiver nos représentants à implanter des radars automatiques sur nos routes.
En fonction des objets des initiatives on peut imaginer d’innombrables règles, organes de régulation, garde fous et mécanismes permettant au système de ne pas engendrer des situations de cacophonie politique : Il ne sert néanmoins à rien de réinventer ce qui existe déjà !
-Les pétitions, le nombre de signatures pour déclencher le referendum : Sur ce point la difficulté à rassembler des signatures dépend moins de la population totale que du nombre de pétitionnaires (qui récoltent les signatures), il ne sert donc à rien de mettre un nombre trop élevé de signatures au risque de ne laisser la possibilité de mettre en débat uniquement des sujets supportés par de forts groupes d’intérêts voir des partis politiques puissants. Le seuil permet le premier filtre contre les initiatives farfelues mais ne doit pas réserver l’initiative aux plus puissants. Ensuite le nombre total de signature peut être le critère de sélection des initiatives lorsqu’elles sont nombreuses.
-Le « délai de refroidissement », le temps entre le dépôt d’initiative, la récolte des signatures et le vote.
- le plafond des votations : limiter les dates et le nombres d’objets mis en votation.
Il est tout à fait possible de définir une limite maximale du nombre d’initiatives à soumettre au vote : ce principe permet notamment d’appliquer un seuil de signature plus faible et de prioriser les initiatives récoltant le plus de signatures. On peut tout imaginer : Une ou deux dates dans l'année et un maximum de 5 ou 10 objets à voter.
- la majorité au 3/4 : imaginable pour la révocation par exemple, il pourrait être justifié qu’une très large majorité soit nécessaire. La meilleure arme de dissuasion est celle dont on ne se sert pas.
- L’équité des débats, la surveillance du processus, l’impartialité des médias et des instituts de sondages.
- Des organes de régulation impartiaux, indépendants et partiellement citoyens.
- « Les français ne répondent pas à la question qui leur est posée »
Il a un aspect « plébiscitaire » lors des référendums de la Vème république, c’est d’ailleurs comme cela que le général De Gaulle avait pensé ce type de referendum descendant. L’initiative des dirigeants et la faible valeur juridique du résultat, uniquement consultatif, rend ce phénomène plébiscitaire tout à fait possible même si pas automatique : Lors du dernier referendum contre la constitution européenne en 2005, la question posée était claire et adossée à un texte détaillé, rien ne permet d’affirmer que la composante plébiscitaire ait joué un rôle déterminant. Le non-respect du résultat de ce referendum est d’ailleurs une véritable plaie béante pour la démocratie française. C’est souvent un argument pour disqualifier le résultat d’une consultation lorsqu’elle ne va pas dans le sens du commentateur.
S’agissant du RIC, le peuple ne se peut pas s’auto plébisciter.
-« La constitution est un texte trop compliqué »
Il suffit de prendre la peine de la lire pour comprendre qu’en quelques articles notre impuissance citoyenne est gravée dans le marbre… Et à quel point elle instaure une surpuissance présidentielle faite par et pour le General de Gaulle.
Le processus constituant ne doit pas être confié aux personnes dont l’exercice est justement régi par la constitution. C’est pourtant ce que les français ont laissé faire.
Monsieur Macron parle d’un contrat avec les français or la constitution est bel et bien l’unique contrat formel entre citoyens et représentants… A-t-on déjà vu un contrat valable rédigé et signé par un seul des co-contractants ??
Personne ne porte d’intérêt ni ne lit la constitution : il y est pourtant écrit (article 89) que sa modification doit être ratifiée par referendum (parfait !) ou 3/5eme du parlement rassemblé en Congrès…(plus besoin de referendum)
Dès les premiers mots de l’article 3 :
« La souveraineté nationale appartient au peuple » (parfait !) « Qui l'exerce par ses représentants » .
Oui ça ne tient qu’à ça ! Le referendum y est mentionné mais ne peut être sollicité que par le président et n’a qu’une issue consultative.
La constitution américaine, même imparfaite, commence en préambule de manière particulièrement évocatrice : « We ,the people »
CONCLUSION
Entendons le peuple qui gronde ! Je pense que nous avons tous en tête l’histoire de notre pays.
La Révolution Française a permis l’abolition de la monarchie pour un système représentatif, un véritable progrès pour la France qui avait alors été un phare pour l’Europe !
Ne sous-estimons pas ce qui se passe aujourd’hui.
La classe dirigeante, menacée aujourd’hui comme jamais depuis la révolution, peut encore sortir par le haut en étant à l’initiative de l’instauration du RIC.
L’instauration d’un réel système démocratique, le premier en France, serait pour notre pays une avancée historiquement aussi importante que celle de 1789.
Nul doute que le monde aura les yeux tournés vers nous, cette fois avec probablement beaucoup d’admiration !
Pour nos enfants, espérons juste que nous saurons tous accompagner et faciliter cette inexorable évolution dans l’apaisement et non par la révolte.
Aurélien C.
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