Les imprimantes 3D et le déclin de l’industrie
On parle depuis longtemps de l'ére post-industrielle dans laquelle nous serions déja. Pourtant, si le rôle de l'industrie est allé en décroissant en occident, ceci est du au fait qu'une grande partie de la production industrielle était réalisée dans les pays émergents. L'arrivée des imprimantes 3D pourtant va révolutionner la production d'objets physiques. En détruisant totalement le lien entre les mains de l'homme et les objets qu'il consomme, l'ére de l'impression 3D va créer une révolution sociale au moins égale à celle que fut la révolution industrielle.
C'est quoi une imprimante 3D ?
Une imprimante 3D est un appareil qui se comporte comme une imprimante, sauf qu'elle peut superposer de fines couches de matériaux les unes au dessus des autres pour construire à la demande des piéces. Il suffit de relier un PC équipé d'un logiciel de CAO à une telle imprimante et celui ci peut imprimer la piéce mécanique de son choix.
Cela n'est pas de la science fiction, ce genre de machines existe depuis les années 90. Elles se perfectionnent par contre de plus en plus, certaines savent imprimer des circuits électriques fonctionnels, et d'autres savent travailler avec de nombreux matériaux. L'industrie les utilises déja pour réaliser des prototypes avant de lancer une production de masse.
Au cours des années 2000, le prix de ces machines a baissé et une nouvelle application commence à rentrer dans les habitudes. Un magazin de meubles "design" situé à Amsterdam vous permet par exemple de choisir votre meuble sur catalogue. Ils sont ensuite imprimés sur place. Cela permet aux propriétaires du magazin d'offrir un vaste choix de meubles sans grandes contraintes. Si ceux ci ne plaisent pas ils ne seront jamais fabriqué. Vous pouvez également remporter un fichier chez vous, le customiser ou même fournir vos plans au magazin qui vous imprimera votre meuble sur place. A l'heure ou la standardisation envahit l'ameublement au travers des chaînes comme Ikea, ce positionnement ravit les clients et les designers.
Les imprimantes 3D sont un sujet de recherche active. Ce dont on est sûr, c'est que les coûts et la vitesse d'impression vont augmenter à grande vitesse dans la décennie à venir. D'ici à 2020, il est fort probable que leur utilisation soit compétitive sur des moyennes séries, une fois l'avantage du coût de transport pris en compte.
En quoi l'imprimante 3D va révolutionner l'industrie ?
L'industrie consistait jusque à présent à fabriquer efficacement des piéces standardisées. Cette démarche a réussi au point de quasiment éradiquer l'artisanat. Mais petit à petit les industries se sont éradiquées entre elles et il en a résulté une standardisation de plus en plus grande des objets en vente ainsi qu'une baisse du choix proposé au client final. Couplé à des capacités de production de plus en plus grandes, ceci a créé une baisse de valeur de l'objet physique dans la société. Le poids financier des meubles, de la vaiselle, de l'habillement et de façon générale des objets manufacturés diminue dans le budget des ménages. Les industriels se retrouvent à se battre sur le seul terrain du prix et sur ce terrain, la fabrication dans des pays à faibles coûts de main d'oeuvre est la seule option. Dans le même temps, si la CAO a mis le design industriel à la portée de beaucoup d'entreprises, configurer une chaîne de montage garde un coût tel que réaliser des expérimentations sur des designs innovants n'est à la portée que d'une poignée d'entreprises. Et même pour les entreprises riches, le risque les fait souvent hésiter.
L'arrivée de l'imprimante 3D promet de changer cela, vu qu'elle va permettre de produire des piéces uniques et des petites séries pour un coût largement plus faible que celui de l'artisanat. A terme, il est même probable que des pièces de série soient "imprimées" et assemblées par des installations spécialisées.
Ceci va changer plusieurs choses :
- Tout d'abord, l'utilisation d'une imprimante 3D étant très peu intensif en main d'oeuvre, la relocalisation de la production va se faire de fait. Bien sur, cela ne créera pas d'emploi chez nous (ou très peu), mais cela va en détruire énormément dans les pays à faible coût de main d'oeuvre.
- A partir d'un certain point, il sera envisageable d'avoir les imprimantes 3D dans l'arriére boutique du magazin et les objets vendus pourront être produits sur place en quasi flux tendus. Et c'est la que vous attaquez un important centre de coût : la chaîne logistique. Le volume de marchandise qui transite par les ports devrait ainsi aller en diminuant, de même que la consommation d'hydrocarbures nécéssaires à cette activité. Les grandes surface elles vont probablement se doter d'un atelier d'impression attenant et imprimer les articles au fur et à mesure qu'ils sont vendus : le scannage aux caisses pourra déclencher automatiquement la commande d'impression.
- Le marché des objets physiques devient de fait dominé par la propriété intellectuelle et devient confronté au mêmes problémes que d'autres marché : le premier est le piratage.
- Un mouvement similaire au "logiciel libre" devrait permettre de partager les plans d'objets complexes et d'y apporter des améliorations. Le client final ne paie alors plus que son impression.
Alors d'une certaine façon, le lieu de production se rapproche du lieu de vente, les piéces redeviennent uniques ou en petite série. On se rapproche de l'artisanat que l'on avait quitté à la révolution industrielle. Sauf qu'il n'y a plus besoin de savoir faire particulier pour produire des objets physiques. Il faut juste de la matiére premiére et de l'énergie, il n'y a plus besoin d'humain. En fonction des coûts des machines, et de leur rapidité, il sera potentiellement possible d'arbitrer pour les faire fonctionner aux heures ou les énergies renouvelables sont abondantes.
En quoi l'imprimante 3D va changer la société ?
L'imprimante 3D va interagir avec la mondialisation :
- D'un coté en réduisant les échanges marchands.
- De l'autre en augmentant les échanges culturels. Un bon produit pourra rapidement voir son design exporté à l'autre bout du monde. Il sera fabriqué sur son lieu de vente. Le risque pour le designer est nul.
L'imprimante 3D va interagir avec l'emploi en détruisant massivement des emplois industriels, para-industriels et artisanaux. La catastrophe sera nettement plus grande dans les zones géographiques encore dépendentes de boulots industriels "bas de gamme". En Europe c'est plutot les emplois liés à la chaîne logistique qui vont être menacés, l'industrie restante étant plutôt haut de gamme et non concurrencable par les imprimantes 3D à court terme.
En terme purement esthétique, le spécial va redevenir la règle et les gens vont probablement mettre un point d'honneur à avoir des objets originaux chez eux. Une poignée de designers "stars" feront probablement des grosses fortunes en offrant leurs objets, même s'ils souffriront du piratage.
Le rêve de Marx
D'une certaine façon l'imprimante 3D est le rêve de Marx. Son coût est déja abordable et elle va permettre de produire une variété de biens physiques quasiment sans aucun travail humain. Ceci est à rapprocher de l'expérience hollandaise annonçée ce jour : Un hamburger crée à partir de cellules souches de viande qui promet d'offrir de la viande sans avoir besoin de travail agricole complexe. Lorsque ces deux innovations seront arrivées à maturité, on va se retrouver avec une large partie de l'humanité désoeuvrée et avec les moyens financiers de leur offrir le minimum vital. La création d'un revenu universel sera alors la seule solution pour permettre à ces gens de vivre. Ce débat ne pourra être évité.
Car en même temps que le monde approche du stade ou il n'aura plus besoin de se préoccuper de la production d'objets physiques et de nourriture, les métiers intellectuels seront mis au défis par l'arrivée de la singularité qui devrait arriver de façon convergente. Les progrès de l'intelligence artificielle ont été très rapides ces derniéres années. En couplant ces progrès avec la technologie du cloud-computing, il est clair que de nombreux emplois administratifs intermédiaires auront totalement disparus d'ici 2030. Et le couplage d'une intelligence artificielle avec des capacités de production laisse entrevoir des possibilités étonnantes.
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