Les incertitudes de la science face à la grippe porcine engendrent-elle une pandémie psychique ?
L’OMS a relevé le niveau d’alerte à 5, autrement dit, en langage décodé, la pandémie n’est pas encore présente (niveau 6) mais imminente, ce qui signifierait inéluctable avec une monté en puissance dont le timing combine la vitesse d’incubation et le taux de transmission d’homme à homme. Mais que sait-on de ce virus au juste ?

Pour l’instant, le virus de la grippe mexicaine de 2009 n’a eu des conséquences sociales majeures que dans le pays où le premier foyer fut constaté, le Mexique. Dans les autres pays, même avec des cas identifiés et au Etats-Unis un décès avéré, pas de mesures à grande échelle. Mais, nous dit-on, le plan anti pandémie est opérationnel et prêt à être déclenché. Et si tel est le cas, autant dire, avec un doux euphémisme, que ça va nous faire drôle. Imaginez la suppression des transports en commun, puis de toutes les manifestations publiques, excepté la dernière journée de ligue 1 jouée à huis clos, sans spectateurs et les supporters du champion 2009 privés de manifestation. Le reste concerne les mesures d’ordre sanitaires, hôpitaux encombrés, inquiétude généralisée, tamiflu pour tous et masques pour respirer. Cela ressemble à un scénario catastrophe. A se demander si, au nom du principe de précaution, les mesures contre la pandémie ne créent pas plus de dommage à la société que cette pandémie dont on ne connaît pas grand-chose sur la dynamique de propagation et la dangerosité.
Au Mexique, 150 morts et quelques milliers de gens supposés infectés. Puis, disent les autorités sanitaires, seulement 8 décès avérés. Et les 142 autres alors ? Eh bien des cas suspects. L’OMS affirmait il y a peu 148 cas avérés dans le monde dont huit mortels. Selon le numéro deux de l’OMS il semble que le virus se transmet d’une personne à une autre. Merci pour ces précisons. Il semble… cas suspect… il apparaît… il se pourrait… verbes au conditionnel… on est très avancé. A cela s’ajoute de possible rétention d’information pour des raisons non médicales. Le Mexique prévoit un tarif pour la grippe égal à 0.3 points de PIB. Les esprits apocalyptiques y verront une série de fléau s’abattant sur le monde. Climat, finance, pandémie… c’est pour quand la fin du monde ? Pourtant, le 27 avril, Jean-Philippe Derenne, coauteur de Pandémie, la grande menace (Fayard), évoquait encore lors d’un chat sur Libération une alternative entre le début d’une pandémie ou un feu de paille. Ce qui montre les incertitudes d’une science dépassée par le virus selon les mots d’E.F. dans un billet écrit dans ce même journal Libération. Les experts manquent cruellement d’information. L’âge des personnes décédées laisse planer une inquiétude puisqu’un rapprochement a été fait avec la grippe espagnole de 1918 mais aucune instance n’a pu établir le potentiel de virulence de cette grippe qui chaque année, est annoncée avec un degré de dangerosité variable. Certaines années, le virus est carrément méchant.
Une chose est sûre, c’est que la science ne sait pas grand-chose sur ce virus et d’ailleurs sur l’interaction entre le virus et l’organisme. Pourquoi il mute et surtout, pourquoi il apparaît, infectant certaines personnes et pas d’autres, et parmi celles infectées, pourquoi les unes résistent et les autres meurent ? D’autres interrogations portent sur d’éventuels processus de synchronicité, par exemple, le virus du Sida aurait eu deux foyers, comme du reste celui d’Ebola en 1977. La science piétine mais ce que demandent les populations, c’est surtout une protection de l’Etat. La question dérive sur le principe de précaution, la maîtrise de la communication, l’acceptation par les gens de mesures restrictives draconiennes, l’effet de panique. Bref, un problème sanitaire devient un problème de société. Les comportements irrationnels sont prévisibles, même si le principe de précaution apparaît comme raisonnable.
Cette pandémie, possible, probable ou certaine, nous renvoie cruellement à l’état de nos connaissances scientifiques. La science, qui devait tout résoudre, y compris le cancer, comme l’avait décrété Nixon il y a quarante ans, injectant des milliards de dollar pour un échec cuisant, cette science semble impuissante, malgré tous ces chercheurs et ces millions dépensés. La vie n’est pas vraiment comprise par les scientifiques qui pourtant, se sont donné corps et âme à la paillasse. Dans ce contexte d’incertitude, l’irrationnel est souvent de mise. Nous pourrions évoquer la peur de l’avion, elle aussi irrationnelle. Et là, sans aucune raison puisque les statistiques indiquent que l’avion est plus sûr que le train, lui-même plus sûr que l’autobus. On peut donc combattre l’irrationnel. Mais dans le cas de la pandémie grippale, il n’y a pas de statistiques précises, de données chiffrées sur les risques encourus, le devenir de la propagation, la maladie, les morts, les malades… bref, les sociétés doivent apprendre à gérer un événements en présence d’un déficit énorme d’informations scientifiques. Ce n’est pas habituel et c’est même troublant, nous renvoyant à quelque « humilité face à la nature » dirait le sage sirotant son café au comptoir.
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