Les marchands de nuages
Elles apparaissent un peu brutalement au détour d’un virage, sur la route des vacances. Elles sont toujours quelque peu incongrues dans le paysage, comme deux mugs de café fumant que deux géants auraient oublié lors d’un piquenique au bord de la rivière.
Des fois, je me demande ce qu’en penserait un archéologue du futur, à 2 ou 300 000 ans d’ici, quand même le souvenir de notre civilisation aura disparu, peut-être même celui de notre espèce. Une sorte de temple ouvert vers le ciel, comme une offrande…
Cela m’avait fait la même impression de gigantisme à la fois futuriste et banal, sur la route de la Drôme, l’année dernière, le long du couloir du Rhône, le couloir des centrales nucléaires.
Loin des yeux, loin du cœur. J’allume mon ordinateur, je fais chauffer l’eau de mon thé, je jouis de ma douche chaude en oubliant régulièrement d’où tous ces bienfaits viennent en réalité. De bols géants fumants à l’air parfaitement inoffensif, mais qu’on préfère systématiquement dans le jardin du voisin, pourvu qu’il soit un très lointain voisin.
En passant au large de la centrale, on a l’impression qu’elle est en train de tricoter de petits panaches vaporeux qui vont nourrir la chape de nuages qui protègerait la contrée des ardeurs du soleil estival.
Derrière chaque centrale, il y a des rêves de logements abondants et médiocres dont les grille-pains préconisés à grands frais comme solution de chauffage propre et économique ne chauffent en réalité que les nuages, des cages à lapins tellement pourries qu’on entend quand le voisin du troisième se gratte l’oreille ou que celui du rez-de-chaussée tire sa chasse.
Après, on peut manifester autant qu’on veut : on a créé le besoin qui a créé le problème.
Loin de là, mais pas loin de chez moi, des gens se sont mis à penser que la meilleure façon de ne plus voir de centrales nucléaires sur la route des vacances ou celle du quotidien, c’était encore de ne pas avoir besoin de l’électricité qu’elles produisent. Alors, ils se sont mis à imaginer de nouvelles façons d’habiter, de nouvelles façons de construire ou de réhabiliter des logements à énergie positive où c’est le printemps toute l’année.
Mais ça, c’est une autre histoire que j’espère bien vous raconter à la rentrée sur Basta !
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