Les militants NPS doivent se poser la question du vote Fabius
Militant et responsable fédéral NPS, j’ai attendu la fin de la délibération collective au sein du courant pour m’exprimer. D’abord, parce que dans la période de « décantation » qui a précédé, je voulais prendre le temps de débattre dans le courant et de me forger une conviction. Ensuite, parce que je ne pouvais pas concevoir de prendre publiquement une position tranchée et de mettre ainsi devant le fait accompli les militants de ma section qui m’ont confié certaines responsabilités.
Le temps est maintenant venu pour tous les socialistes de choisir un candidat pour l’élection présidentielle de 2007. Ce choix sera forcément un choix par défaut pour les militants NPS, car nos dirigeants nationaux ont choisi de ne pas ajouter aux divisions du parti.
Les trois candidats à l’investiture semblent tous capables de porter les couleurs du Parti socialiste, de la gauche, et de gagner en 2007. Mais, de mon point de vue, ces candidats ne se valent pas tous : ils n’ont pas tous mené les mêmes combats politiques depuis le 21 avril 2002, ils n’ont pas tous la même relation au projet, ils ne font pas tous les mêmes déclarations publiques dans les débats du moment (pouvoir d’achat, GDF, immigration...).
Le NPS est aujourd’hui partagé sur la question, mais il a réussi à prendre une décision cohérente et qui préserve l’avenir : liberté de vote et d’expression, le courant ne s’engageant derrière aucun candidat.
Le 16 novembre, je ne ferai pas, comme d’autres camarades NPS, le choix de Ségolène Royal.
C’est pourtant un choix respectable et compréhensible : Ségolène Royal bénéficie aujourd’hui d’une forte popularité et d’un engouement médiatique. Ceux qui la soutiennent font un choix tactique simple : soutenir celle qui semble avoir le plus de chances de gagner l’investiture et donc, mécaniquement, la présidentielle.
Cependant, sur le fond, la candidature de Ségolène Royal ne peut être satisfaisante pour les militants NPS.
- Elle est celle qui prend le plus de distances avec le projet des socialistes.
- Elle ne parle pas des questions essentielles pour la gauche : emploi, croissance, pouvoir d’achat, rôle de l’État et responsabilité du politique, construction sociale de l’Europe...
- Elle prétend briser des tabous en remettant en cause les valeurs de gauche et en s’installant dans la sphère idéologique de la droite. Malgré ses dénégations à Vitrolles, choisir comme thèmes principaux la sécurité et l’immigration revient à brouiller le clivage gauche-droite.
- Elle laisse ouverte la question de l’alliance au centre, déjà défendue par Michel Rocard, en 1988.
- Elle suscite la défiance des organisations syndicales et de jeunesse par ses prises de position sur la carte scolaire, l’encadrement militaire des jeunes délinquants, le syndicalisme de masse...
Sa stratégie est peut-être efficace pour se distinguer dans le parti et obtenir l’investiture. Cependant, elle rendra difficile le rassemblement de la gauche et la victoire en 2007.
Je ne ferai pas non plus le choix de la candidature de Dominique Strauss-Kahn.
Comme toutes les autres, cette candidature est crédible, et peut-être a-t-elle, plus que d’autres, un sens dans le paysage politique du Parti socialiste. Dominique Strauss-Kahn incarne un social-libéralisme à la française finalement assez classique.
Les militants NPS ont eu avec lui une claire confrontation idéologique et aujourd’hui encore, nous ne partageons pas de nombreux aspects de sa ligne politique. On peut encore constater qu’au cours de cette campagne interne, il a refusé de se recentrer dans le parti.
Il exprime trop souvent ses réserves sur le projet, et sa hiérarchisation des priorités semble porteuse de trop nombreux renoncements à venir (sur le dossier EDF-GDF, par exemple). Alors qu’il se présente comme le plus européen de tous, il reste flou, et donc inquiétant sur la question de la relance européenne.
Enfin, la liste de ses soutiens montre bien qu’il continue d’incarner la « deuxième gauche », rocardienne, rêvant de l’alliance au centre.
En conscience, je fais donc le choix de Laurent Fabius.
Au congrès du Mans, nous n’avons pas voulu d’un courant qui soit une écurie présidentielle, réunissant la motion 2 et la motion 5. Il ne peut maintenant être question de se diluer dans le courant fabiusien. Je reste un militant NPS, attaché aux valeurs de mon courant, et respectueux de son indépendance. La réserve qui a été la mienne jusqu’à aujourd’hui constitue le meilleur gage de cet attachement. Il n’y aucun risque pour que la démarche de soutien à la candidature Fabius aboutisse à la disparition du NPS. Personne dans le courant n’est prêt à lui signer un chèque en blanc.
Pourtant, aujourd’hui, l’évitement de Laurent Fabius qui dure depuis le 29 mai doit prendre fin, puisqu’aucune candidature n’émerge de nos rangs. Je fais donc le choix de celui qui partage depuis près de trois ans la quasi-totalité de nos positions politiques : questions sociales, Europe, rôle de l’État...
Quant au procès de l’insincérité : j’avoue que je préfère me poser des questions sur la sincérité de quelqu’un qui défend, à peu près, les mêmes positions que moi, que de n’avoir aucun doute sur une candidate qui accumule les déclarations à rebours du Parti socialiste et de la gauche. Il ne s’agit pas d’oublier le Laurent Fabius ministre de l’Économie et des Finances de 2000 à 2002. Mais prenons acte de son évolution, et soyons sûrs d’ailleurs qu’un courant comme NPS a joué un rôle dans cette trajectoire politique. C’est pour cette raison que les militants NPS qui soutiennent cette candidature doivent rester à distance de son courant. Comme pour n’importe quel candidat, toute démarche de soutien n’a de sens que dans l’indépendance, et l’exigence.
J’exprime aujourd’hui ce choix de la candidature Fabius pour :
1 ) faire savoir publiquement que le NPS ne s’est pas rangé derrière Ségolène Royal
2 ) convaincre les cadres du NPS qui voteront Fabius qu’ils doivent faire connaître largement ce choix pour influer sur le vote du 16 novembre
3 ) convaincre les militants du NPS qui partagent la ligne mais ont des réserves sur l’homme
4 ) en empêcher d’autres d’avoir comme seule issue d’intégrer les comités de soutien à Fabius et de progressivement quitter le courant
5 ) participer à la création d’un rapport de forces sur notre ligne pour peser ensuite dans la campagne nationale qui commencera en janvier et dans le gouvernement de gauche que nous appelons de nos vœux pour l’été 2007.
Pour le NPS, le vote Fabius est un vote utile. Sans prétendre engager l’ensemble du courant, d’autres responsables NPS doivent affirmer publiquement leur choix pour lui donner plus de force. Nombreux sont ceux qui disent qu’ils voteront pour lui dans le secret de l’isoloir. Est-ce suffisant ?
Peser pour le rassemblement de la gauche et le respect du projet, maintenir à l’intérieur du parti un pôle de gauche capable d’influencer profondément l’action du prochain gouvernement dirigé par les socialistes : voilà le mot d’ordre pour le NPS dans les mois qui viennent. Si, finalement, Ségolène Royal est investie par le Parti socialiste, tous les militants NPS feront sa campagne avec zèle, dévouement et exigence. Et dans tous les cas, ils participeront activement à la victoire de la gauche en 2007. En attendant, c’est de campagne interne qu’il s’agit : nous devons continuer à y porter résolument et efficacement nos idées.
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