Les OGM en bio
Des agriculteurs bio américains expriment depuis maintenant plusieurs années leur opinion que bio et OGM ne sont pas incompatibles. Le règlement bio américain (programme NOP de l’USDA) est aussi ferme que le règlement européen à ce sujet, les OGM ou produits dérivés d’OGM ne sont pas certifiables en bio. À part quelques exceptions, comme des médicaments vétérinaires, car de plus en plus de principes actifs sont des molécules fabriquées par des bactéries modifiées génétiquement.
Avant de partir sur ses grands chevaux en criant « Monsanto mon salaud », il faut d’abord savoir ce que sont les OGM et même, comment on obtient de nouvelles variétés de plantes.
L’époque ou Madame ou Monsieur de Vilmorin caressait langoureusement le pistil mâle d’une variété de plante sur les étamines femelles d’une autre pour obtenir un hybride unique aux caractéristiques précises est révolue depuis longtemps, même si elle est toujours pratiquée à petite échelle. L’excellente pomme Chantecler, un croisement entre une reinette et une golden est un exemple relativement récent d’une telle reproduction sexuée.
De nos jours, beaucoup de semenciers travaillent à l’amélioration des variétés plutôt que la création de variétés aux caractéristiques différentes, disons recherche appliquée plutôt que recherche théorique. Les deux ont cours, pour des objectifs différents, et ne font généralement pas appel à la reproduction sexuée.
La méthode principale de création de nombreuses nouvelles variétés de plantes potagères consiste à soumettre l’ADN des plantes à un stress intense, en vue de forcer des mutations à un taux accéléré. Les plantes résultant de ces mutations sont ensuite cultivées et évaluées, et il se trouve peut-être dans le lot une nouvelle variété ou deux intéressantes commercialement, pour une commercialisation directe, ou pour une propriété qui pourra être introduite dans d’autres variétés, une sorte de banque génétique. Cette mutagénèse peut être induite par un bombardement de rayons X ou par des opérations chimiques, certaines pouvant d’ailleurs agir sur une séquence spécifique de gènes plutôt qu’au hasard. Dans tous les cas, le patrimoine génétique original est altéré, il s’agit d’une modification génétique, et d’ailleurs les plantes obtenues par mutagénèse sont considérées comme des organismes génétiquement modifiés (OGM) par le nouveau règlement européen sur l’agriculture biologique.
La technique la plus récente a connu beaucoup d’évolutions depuis ses débuts dans les années 1970. Il s’agit des plantes que nous connaissons sous le nom d’OGM, la technique de génie génétique ou transgénèse. À l’époque, la chirurgie de précision sur les brins des chromosomes n’existait pas, on y allait carrément au bazooka. Pratiquement littéralement, puisque des balles d’ADN recouvert d’or étaient tirées à coup de revolver sur les chromosomes, en espérant, 1) que la séquence d’ADN présente dans ces balles s’accroche quelque part dans le chromosome, et 2) quelle s’accroche au bon endroit, pas en détruisant un gène important de la plante originale. Un seul nouveau gène ne produisant pas suffisamment de la nouvelle protéine désirée, il fallait répéter l’opération jusqu’à ce que suffisamment de copies du gènes réussissent à s’infiltrer dans l’ADN. Ce procédé générait énormément de perte. C’est par exemple comme cela qu’on a amélioré le riz doré Golden Rice en Golden Rice 2, qui produit beaucoup plus de pro vitamine A que son prédécesseur, il suffit juste de consommer sa dose normale de riz et non plus plusieurs kilogrammes pour obtenir sa dose journalière de vitamine A.
Récemment, une nouvelle technique est apparue, Crispr, surnommée le ciseau génétique, car il permet à très peu de frais et à coup sûr de couper un chromosome à un endroit particulier de son génome, d’y insérer un brin d’ADN clandestin, et de recoller tout le chromosome ni vu ni connu.
Tout ça est évidemment très simplifié pour aller plus directement à l’argument principal : Wikipedia ou les sites de vulgarisation scientifique vous permettront d’aller plus loin.
Pourquoi des OGM en agriculture biologique ?
Il existe en fait plusieurs raisons. La principale est un principe de base de l’agriculture biologique : éviter les pesticides de synthèse. Obtenir des nouvelles variétés de plantes résistantes aux pathogènes permet d’éliminer ou de réduire l’usage de ces pesticides, qu’ils soient de synthèse ou naturels. Le cuivre est par exemple toléré en AB, malgré sa toxicité pour le sol et les vers de terre, par exemple. Pouvoir s’en passer aurait donc des conséquences immédiates très positives pour toute l’agriculture, pas seulement l’AB.
La deuxième raison est que les OGM modernes (Crispr) produisent en une seule génération des plantes strictement identiques génétiquement à l’original, avec juste la nouvelle séquence de gènes en plus, insérée à un endroit précis du génome.
L’alternative en mutagénèse contrôlée n’est pas aussi « propre », et l’équivalent en reproduction sexuée est absolument impossible à réaliser, car la reproduction croisée implique par définition le mélange d’une moitié du génome mâle avec le génome femelle. On ne va donc pas récupérer juste le gène de résistance à la rouille quand on croise un blé productif mais non résistant avec un blé résistant, on récupère également des centaines de gènes indésirables, qu’il faut ensuite régresser au cours de cultures et sélections sur plusieurs années, sans compter les gènes aux effets « invisibles » pendant cette période.
La technique actuelle Crispr élimine beaucoup des interrogations sur les premières techniques de transgénèse. Le principe de base reste d’insérer un gène, dont le rôle est simplement de produire une protéine précise, d’un organisme à un autre, ce qui peut être d’une variété de blé à une autre, mais aussi d’un règne à un autre, par exemple d’une tourterelle (animal) à une pomme de terre (végétal). Il faut toutefois ne pas s’effrayer, le gène produisant cette protéine précise est le même, qu’il provienne d’une bactérie ou d’un champignon. Il n’y a donc aucune différence lorsqu’on l’insère, qu’il provienne de la même espèce de plante ou d’un animal.
Monsanto a totalement saboté l’image de marque des OGM dans le monde, c’est un cas d’étude étonnant où ils ont fait absolument tout ce qui était en leur pouvoir et même plus pour détruire leur propre raison d’être, en employant des pratiques et des déontologies douteuses qui ont fait l’amalgame entre leur société et les OGM, en ne communiquant pas ou mal sur les OGM, tant au niveau du grand public que des agriculteurs, etc.
Je ne pense pas que le grand public bio ou pas soit prêt à accepter les OGM de sitôt, malgré l’inoffensivité de la technique moderne Crispr mais je pense qu’à terme, il faudra se poser la question, car il ne faut pas nourrir bien que quelques privilégiés, mais il faut nourrir bien une population en pleine croissance et en réduisant et optimisant les surfaces cultivées.
C’est un petit article vite écrit pour transmettre ce que j’avais sur le cœur, et il n’engage que moi. Je souhaite simplement savoir s’il rencontre un écho parmi les personnes qui se sont fait leur propre recherche et éducation sur les OGM plutôt que de ne faire que suivre le courant de nos réseaux quelque fois un peu intransigeants. L’AB est également ouverte, progressiste et innovante (voir les nouveaux outils et techniques utilisés en bio), j’espère qu’elle évoluera sur ce point des OGM également.
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