Les pauvres survivront !
Lorsque l’on imagine le triste avenir de la race humaine, de multiples scénarios catastrophes viennent à notre esprit sans trop de difficulté : mort du soleil, épidémies dévastatrices, guerres nucléaires ou dérèglements climatiques majeurs, tout est possible et rien est inévitable. Sorte de déluge apocalyptique, il se pourrait bien qu’un jour nos descendants soient confrontés à la fois à un retour à un état primitif de leur environnement et à l’impossibilité de se servir des restes de leur passé, les connexions ayant pour la plupart disparues.
La simple coupure de courant engendrée par une tempête provoque déjà parmi les populations des drames qui montrent bien à quel point l’homme s’est éloigné des priorités humaines : incapable de faire un feu comme de changer une ampoule, la plupart peuvent se trouver rapidement dans une situation périlleuse. Cette situation peut faire sourire les anciens scouts, mais le problème est plus grave que cela : un tremblement de terre d’envergure, un accident nucléaire ou une guerre auraient des conséquences bien pires que ces mêmes évènements auraient provoqués il y a soixante ans. Que ferions-nous sans les secours de l’Etat, de la force publique ? combien sont capables aujourd’hui de traire une vache, de ferrer un cheval, de monter un mur ou de conserver la nourriture ? Qui sait retourner un champ, faire pousser des légumes ou tuer un poulet ?
Les hommes d’aujourd’hui savent comment faire fonctionner la machine qui va déplumer le poulet, ou regarderont sur internet à quelle période poussent les tomates, mais que seraient-ils capables de faire si tout avait disparu autour d’eux ? pas de portable, pas de moyen de transport, pas de frigo, pas de supermarchés, pas de gaz, combien se trouveraient rapidement en danger de mort ?
L’éducation est ainsi faite qu’au lieu d’apprendre à compter l’homme est désormais contraint d’apprendre à utiliser la machine qui va compter pour lui. La technologie a tellement complexifié chaque tâche pouvant être réalisée par un individu (afin qu’elle réalise la tâche de plusieurs ou plus rapidement) que le seul apprentissage de cette technologie demande une formation tout aussi longue. D’ailleurs, il faudrait pour comparer, par exemple, savoir combien de vaches auraient pu être traies par un homme s’installant à vingt ou 25 ans dans son exploitation (après études) s’il avait commencé artisanalement à le faire dès son jeune âge…
Les gouvernements, dans leur course à la croissance et aux profits, ont ainsi privilégié les études longues et poussées, de plus en plus spécialisées, de sorte que d’une part le temps finisse par manquer pour expliquer le raisonnement conduisant aux mécanismes de fonctionnement d’une technologie donnée (on fait apprendre par coeur à l’élève le fonctionnement : il ne pourra ensuite que transmettre cette information à ses descendants, mais sera incapable d’en expliquer le mécanisme), et d’une autre qu’un individu seul ne puisse réaliser certaines tâches sans la contribution de plusieurs autres spécialistes (par exemple la voiture, mécanique plus électronique).
Les politiques, sans penser un seul instant qu’il puisse leur arriver une quelconque calamité soudaine et imprévue, ont eux-mêmes saboté toute possibilité de sauvegarder l’histoire des hommes. Aveuglés par leurs désirs de puissance, ils ont systématiquement poussés les hommes à la dépendance envers la collectivité, en tentant d’étouffer tout désir d’indépendance autarcique : pour que personne ne soit en mesure d’échapper au contrôle étatique, chaque individu est de près ou de loin lié à l’Etat, que ce soit par l’énergie ou la santé, le social ou internet, l’école ou le travail.
Mais le jour où le pire surviendra, il semblerait que (à moins que tout cela ne soit vraiment bien organisé par les élites) ce ne soient pas les riches qui survivent le mieux aux cataclysmes futurs. Les pauvres, obligés par leur misère à la débrouillardise, seront sûrement les mieux armés pour des temps difficiles. Capables de l’ingéniosité nécessaire à la survie, les pauvres seront les seuls à ne pas avoir appris à compter ni sur la société, ni sur la technologie.
L’Histoire oubliera alors ceux qui n’ont pas été capables de savoir où se trouvait l’essentiel, à savoir être en mesure de vivre sans dépendance même si c’est avec peu. Un jour viendra ou l’homme remplacera la machine, et ou l’argent ne se mangera plus. Dépêchons-nous de devenir pauvres, car les enfants auront toujours faim !
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