Les problèmes de l’abattage rituel
« Dans notre pays, chaque année on tue 1 milliard de poulets et de lapins, 25 millions de porcs, plus de 6 millions de bovins, et 4 millions de moutons. Un rapport confidentiel rédigé par dix experts et hauts fonctionnaires du ministère de l'Agriculture jette une lumière crue sur l'abattage rituel tel qu'il est pratiqué en France. Remis aux autorités en novembre 2011, le document a été soigneusement enterré. Il est vrai que cet audit de 54 pages émanant du Conseil général de l'alimentation contient une vérité qui n'est pas bonne à dire : les Français ont progressivement, et sans le savoir, été mis au régime halal. » Le Point du 8/03/2012
Ce rapport pointe le décalage entre les besoins réels en viande halal et le nombre de bêtes abattues. Alors que la demande en viande halal ou casher devrait correspondre à environ 10% des abattages totaux, on estime que le volume d'abattage rituel atteint 40% des abattages totaux pour les bovins et près de 60% pour les ovins. Ce qui ne devrait être qu'une dérogation s'est généralisé.
Examinons les problèmes posés par la polémique actuelle.
1 La souffrance des animaux.
Les réactions des vétérinaires sur la souffrance animale engendrée par l'abattage rituel sont unanimes, rapporte l'Œuvre d'Assistance aux Bêtes d'Abattoirs (OABA) :
• "Ces pauvres bêtes étouffant et souffrant pour rien ne peuvent que révolter un homme en général et un vétérinaire en particulier, habitué qu'il est à diminuer la douleur de ses patients grâce aux anesthésiques et antalgiques." (Président du Syndicat des Vétérinaires de la Région Paris Île-de-France, décembre 2010).
• "Les vétérinaires demandent le recours à des méthodes permettant de mettre un terme à la longue agonie des animaux égorgés lors des abattages rituels" (Motion du Syndicat national des vétérinaires d'exercice libéral, octobre 2010).
• "Du point de vue de la protection des animaux et par respect pour l'animal en tant qu'être sensible, la pratique consistant à abattre les animaux sans étourdissement préalable est inacceptable, quelles que soient les circonstances" (Fédération des vétérinaires d'Europe en 2006 ).
• En 2004, l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) émettait un avis selon lequel "en raison des graves problèmes de bien-être animal liés à l'abattage sans étourdissement, un étourdissement doit toujours être réalisé avant l'égorgement".
2 Les risques alimentaires.
Aujourd'hui, comme l'indique le rapport, plus de la moitié des bovins, ovins et caprins tués en France le sont suivant un mode d'abattage "rituel", halal ou casher. Ce qui signifie que les animaux sont saignés alors qu'ils sont encore conscients. Au-delà de la souffrance animale, l'abattage rituel pose parfois aussi un problème d'hygiène, avec à la clé un danger de contamination par Escherichia coli et des risques pour la santé humaine.
« Des pratiques liées à la mise en œuvre du rituel d’abattage peuvent avoir des conséquences en termes de salubrité et de sécurité des carcasses. Nous pouvons citer à ce titre le tranchage de la trachée et de l’œsophage qui peut provoquer le déversement du contenu gastrique (voire pulmonaire) sur les viandes de tête, de gorge et de poitrine. La pratique de la betiqua (inspection dans le rituel casher) peut avoir deux inconvénients majeurs : lorsque la betiqua est réalisée sur des carcasses au sol, la peau de l’animal peut être souillée. Ensuite, on note que la boutonnière réalisée en vue de l’inspection des viscères peut provoquer une fragilisation des attaches des viscères et un risque accru d’éviscération ratée avec souillure de la carcasse. »
Pascale Dunoyer, Chef du bureau des établissements
d’abattage à la Direction Générale de l’Alimentation.
Bulletin de l’Académie Vétérinaire de France, 2008.
3 Les taxes islamique et rabbinique.
Les musulmans considèrent la viande casher comme Halal, parce que la viande casher traite tous les aspects et points de l'abattage Halal. Elle peut être consommée par les musulmans sans crainte de commettre un pêché. De plus comme les juifs, les musulmans ne consomment pas de porc.
La viande Halal est différente de la viande casher sur quelques points non-négligeables,
Toute la partie "basse" (bassin et membres inférieurs) d'un ovin ou bovin ne peut être consommée, elle n'est pas casher, or cette partie est consommée chez les musulmans. C'est une des raisons pour laquelle un juif ne peut consommer une viande Halal, car il ne peut y avoir de gigot ou cuissot casher par exemple.
Après le dépeçage de la bête, le rabbin inspecte les organes vitaux : le cerveau, le foie, les poumons. Si l'un de ces organes est malade ou présente des signes suspects, cet animal ne sera pas consommé, il ne sera pas casher. Cette inspection qui est précisément décrite dans la liturgie juive, est essentielle et différencie radicalement une viande casher d’une viande qui ne l'est pas. C'est ce deuxième point qui détermine l'impossibilité pour un juif de consommer une viande halal ou non casher.
Le coût de la certification halal, d’un montant de 10 à 15 centimes d’euros par kilogramme de viande, est répercuté sur le consommateur. Les responsables des cultes concernés le reconnaissent eux-mêmes. Les consommateurs ont le droit de le savoir », souligne Nicolas Dhuicq (député UMP). Les organismes concernés affirment que la taxe halal ne sert pas à financer des mosquées mais à rémunérer leurs employés et à payer leurs charges. En France, des arrêtés publiés en 1994 et 1996 ont agréé les trois la grande mosquée de Paris, la mosquée de Lyon et d’Evry en tant qu’organismes religieux autorisés également à percevoir la taxe islamique liée au halal.
La taxe rabbinique perçue par l'autorité religieuse qui attribue le certificat de cacherout, a été évaluée en 2000 par le Gouvernement français à 8 francs (1,2 €) par kilogramme de viande bovine commercialisée et constituerait environ la moitié des ressources du Consistoire central.
4 Le problème économique.
Le marché du halal est en plein boom, il affiche une croissance nationale de 15% par an.
En comparaison, le marché du casher est bien plus mal en point. L’explication est simple :
la taille des marchés. La communauté juive compte près de 700 000 membres, contre 5 millions pour la communauté musulmane. Le marché halal représente un potentiel de 5,5 milliards d'euros de chiffre d'affaires. Le halal intéresse désormais de plus en plus des grands groupes comme Duc, Fleury Michon et Pierre Martinet….
Pour les abattoirs, abattre uniquement en rituel évite les changements de chaîne d'abattage et permet de rentabiliser les carcasses. La loi ne mentionne pas que les dérogations à l’étourdissement doivent correspondre à une consommation effective de viande rituelle. De ce fait, les abatteurs n’ont pas à se préoccuper de la destination des carcasses, qu’il s’agisse du marché conventionnel ou du marché rituel.
Dans un rapport rédigé par le COPERCI (Comité permanent de coordination des inspections : Inspection générale de l’Administration, Inspection générale de l’Agriculture, Conseil général vétérinaire) remis en septembre 2005 à Messieurs les ministres de l’Intérieur et de l’Agriculture, il est précisé qu’une part « non négligeable de la viande abattue rituellement est vendue dans le circuit classique, sans mention particulière ». Selon une enquête IFOP de décembre 2009, 72% des français sont opposés à la dérogation permettant l’abattage d’animaux sans qu’ils soient étourdis contre 24 % des français qui acceptent de consommer de la viande issue d’un animal abattu sans étourdissement préalable. Le rapport du COPERCI ne fut jamais rendu public. Le sujet reste sensible. Les producteurs de viande comme les industriels craignent de voir les clients se détourner d'une viande abattue rituellement, reconnaît la Fédération nationale de l'industrie et du commerce en gros des viandes (FNICGV).
C'est la raison pour laquelle les abattoirs israélites refusent avec force la mise en place d'un système de traçabilité. Des représentants de la communauté juive se sont lancés dans un lobbying actif dans les couloirs de Bruxelles pour enrayer un autre lobby celui des « défenseurs des animaux ». Un lobby d’ailleurs bien utile aux consommateurs musulmans. En France les autorités juives ont compris qu’elles ne peuvent plus se passer du halal pour sauver le casher.
5 Pour conclure.
Il sera difficile de trouver une solution qui satisfasse tout le monde dans la situation actuelle. Cependant, on peut imaginer une évolution dans les pratiques de l’abattage rituel qui prenne en compte à la fois les souffrances animales et les risques alimentaires mis en évidence par la Direction Générale de l’Alimentation et l’Académie vétérinaire de France.
De toute façon, les viandes rituelles, comme tous les aliments qui font l'objet d'un processus significativement distinct de fabrication, devraient être tracées et identifiables de la même manière que les produits bio. La traçabilité ne sépare pas, elle éclaire les choix que nous sommes obligés de faire sur la base du travail réalisé sur les produits et non sur de chimériques différences identitaires.
Georges Leroy-Robert
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