Les programmes du primaire ou la mauvaise blague de Xavier Darcos
A l’heure où les pas de Neil Amstrong sur la Lune sont sagement rangés dans les tiroirs de l’histoire, les programmes scolaires d’antan réapparaissent bizarrement à la surface.
En effet, Xavier Darcos soumet à l’avis des enseignants de nouveaux programmes du primaire qui sont dignes du XIXe siècle. A tel point qu’on pourrait se demander si le ministre ne se serait pas laissé tenter par une nostalgie culturelle ou encore s’il n’a pas finalement traduit du latin un manuscrit endormi depuis des siècles dans les caves de son ministère.
Les programmes de l’école primaire ont effectivement besoin d’un toilettage pour libérer les énergies et mieux préparer les enfants aux défis de leur époque, mais ils n’ont assurément pas besoin d’un retour à des formats d’éducation élimés.
Sous prétexte que la violence dans les collèges explose, que l’orthographe se perd et que La Marseillaise est sifflée dans les stades de France, le gouvernement éradique des programmes les activités créatives et les notions d’ouverture sur le monde auxquelles les enfants sont initiés.
Si, en effet, les programmes de papy produisaient des titulaires de certificats d’études primaires au verbe éloquent, aux capacités de calcul mental développées et répondant à une discipline de fer, combien d’enfants restaient aux bords du chemin ?
Evidemment une certaine forme de violence et d’ignorance se développe au sein d’une minorité de jeunes ; violence et ignorance largement relayées par une société friande de ce type d’actualité. Faut-il pour autant jeter le bébé avec l’eau du bain ?
Tous les parents savent que la voie pour libérer l’agressivité des enfants est de leur offrir une activité physique. Le système scolaire français est parmi les systèmes d’éducation des pays développés celui qui propose le moins de sport. Or, les vertus du sport sont multiples tant au niveau de l’apprentissage des règles de vie qu’à celui de l’évolution psychomotrice des enfants. Ce n’est pas par des actes gadgets comme demander aux élèves de se lever pendant La Marseillaise (qui soit dit au demeurant est un hymne violent) qu’on inculquera aux enfants des valeurs comme le respect et la citoyenneté.
Xavier Darcos souhaite recentrer les programmes sur les mathématiques et le français. Certes les mathématiques sont le seul système cohérent créé par l’homme, mais la prédominance des mathématiques et du français dans le système scolaire français a créé des générations de technocrates clonés de type polytechniciens ou énarques incapables d’imagination pour trouver des solutions originales aux problèmes de leurs concitoyens.
S’il semble évident que la maîtrise d’une langue structure l’esprit et lui offre la possibilité de se développer et de s’ouvrir à d’autres horizons, cette maîtrise ne doit pas se faire au dépens d’autres apprentissages qui deviennent impératifs au XXIe siècle comme le développement émotionnel et la capacité d’adaptation et de communication dans des espaces multiculturels.
En effet et au-delà du développement intellectuel proposé par le gouvernement, le développement émotionnel passe par la capacité de l’enfant à s’émouvoir et à ressentir et maîtriser son empathie. Si l’émotion au XIXe siècle passait par la littérature, ce n’est largement plus le cas aujourd’hui et le ressenti des enfants se transpose sur d’autres supports beaucoup plus visuels et transmettant des émotions surfaites. Le recours à l’histoire de l’art ou aux textes classiques pourrait sembler très fade aux enfants et il n’y a pas plus nuisible à l’apprentissage que la fadeur des contenus qui provoque l’ennui.
Le français et les mathématiques sont nécessaires, mais aussi l’art graphique, le développement multimédia, la communication audiovisuelle, les langues et le sport quotidien. Le programme semble lourd, mais une approche globale intégrant l’ensemble des apprentissages sous forme de projets à l’image des programmes de maternelle peuvent apparaître comme un début de solution.
La créativité du corps éducatif (parents et enseignants), des spécialistes du développement psychomoteur et de la société civile assistés par des experts en approche structurée de projets de développement sont à même d’aboutir à une démarche définissant les besoins globaux d’apprentissage des enfants en proposant un programme digne de notre époque et des générations futures.
Le gouvernement a, à mon avis, bâclé ce dossier et retenu des approches réchauffées pour des problématiques nouvelles. Le sujet est trop sérieux pour l’aborder aussi légèrement et les pistes d’approfondissement sur le sujet existent. Il y va de la capacité des générations futures à relever les défis de plus en plus complexes qui se présentent à elles. Certains défis sont déjà d’actualité, la responsabilité du gouvernement est d’y répondre.
Il est temps que les Français reprennent à leur compte cette phrase pleine de sagesse de Jiddu Krishnamurti : « C’est parce que nous sommes si desséchés nous-mêmes, si vides et sans amour que nous avons permis aux gouvernements de s’emparer de l’éducation de nos enfants et de la direction de nos vies ».
Smile Talk
7 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON