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Les seniors dans l’entreprise

Quel avenir pour les seniors dans l’entreprise ?

Mon travail d’artisan m’a amené à travailler la plupart du temps seul, parfois avec un compagnon. Cette solitude a pour revers de couper d’une certaine réalité sociale, d’autant plus accentuée par mon travail de boulanger qui m’obligeait à dormir le jour et travailler la nuit.

J’évoluais donc dans une société que je n’appréhendais que partiellement, surtout au niveau des rapports sociaux. Quand je fus amené à me reconvertir en tant que salarié, je fus confronté à un phénomène auquel je ne m’attendais pas et auquel je n’ai jamais pu faire face. Je me suis retrouvé au sein d’une entreprise et parmi des personnes toutes plus jeunes que moi. Cela peut paraître anecdotique mais, tout à coup, j’ai pris conscience d’un âge que je n’avais jamais intégré, tout simplement parce que je le vivais naturellement.

Cinquante-quatre ans ! Ce n’est pas vieux ! Tous les gens de mon âge se disent la même chose. On ne se voit pas prendre de l’âge, le corps et l’esprit se forgent petit à petit, chaque jour apportant sa dose d’expérience. Au fil des jours on intégre son époque, du moins le croit-on. Il est vrai que certaines valeurs deviennent plus importantes au détriment de l’évolution "technique" de la société, bien que cela ne soit pas vrai dans tous les cas. J’ai vite compris que le monde de l’entreprise générait une concurrence entre les individus telle que chacun se croyait tenu d’entrer dans un personnage fictif, faussant ainsi des rapports que j’avais idéalisés. Il me semblait que le fait d’évoluer au sein d’une équipe rassemblant des compétences identiques ne pouvait être que constructif et gratifiant. Contrairement à cela, la méfiance, la défiance, le manque d’écoute étaient le lot quotidien. La pression des dirigeants sur l’équipe aboutissait à une concurrence stérile consistant à reporter sur l’autre ses propres carences, ses lacunes. En ce qui me concerne, c’était insidieux, mais les remarques quant à mon âge sont devenues récurrentes. De simples plaisanteries au départ, elles se sont étoffées au cours des mois. Le ton est devenu plus cassant, plus direct. Ne pouvant attaquer mon travail, on m’attaquait sous l’angle de l’âge. Au point que je me suis mis à douter de mes capacités intellectuelles et physiques.

Cela m’a amené à réfléchir sur le rôle que pouvaient jouer au sein de la société des personnes de mon âge, arrivant au stade de la maîtrise de leur profession, au stade où elles peuvent, avec le recul, diffuser autour d’elles et en particulier aux plus jeunes, une expérience acquise au fil des années.Mais, au niveau de l’entreprise j’ai bien peur que cela ne soit utopique.

Une étude a été menée en 2006 concernant l’âge et l’entreprise dans la perspective eEuropéenne : elle évoque l’inversement de la pyramide des âges et ses conséquences. C’est au début des années 1990 que l’âge est apparu comme un point qui méritait une attention renforcée jusque dans les textes fondateurs de l’Union européenne. Elle a pour but de préserver les seniors, de garantir leur place dans la société et leur protection, interdisant toute discrimination fondée sur l’âge. On s’est aperçu du mérite de l’économie ancienne, n’oublions pas que l’on parle de personnes âgées de 45 ans ! L’âge en entreprise à cette époque était souvent associé à un ensemble de défauts, de carences, réels ou imaginaires. Ce qui a entraîné une perte du savoir-faire, de l’expérience tels, que les entreprises se sont retrouvées avec des collaborateurs, certes formés aux techniques modernes, mais sans réel facteur de cohésion. C’était la recherche de sang neuf.

Pourquoi un travailleur âgé ne pourrait-il pas apporter de sang neuf, d’une part par une démarche de formation mais aussi, et ce n’est pas le moindre, par sa vision de l’entreprise et de la société en général ? Les entreprises doivent intégrer la permanence des efforts de formation tout au long de la carrière de leurs employés. Celles qui procèdent ainsi disposent d’une main-d’oeuvre homogène, complémentaire et au sein de laquelle l’émulation est la règle.

Paradoxalement, alors que la moyenne d’âge des hommes et des femmes augmente régulièrement, la valeur du travail de ceux-ci est de plus en plus remise en cause, d’une part par les nouvelles évolutions technologiques et d’autre part par des techniques de management intégrant difficilement la notion de vécu des seniors. Compte tenu de l’impact sur l’emploi des générations du baby-boom, les seniors représentent encore un pourcentage important, surtout au sein des entreprises anciennes qu’ils ont accompagnées dans leur développement.

Je cite un paragraphe de l’étude faite par l’Insee :

"Un établissement de plus de dix salariés sur cinq du secteur privé sera à un horizon plus ou moins proche confronté au vieillissement de ses effectifs et à sa gestion. Cependant, il existe un décalage entre la réalité démographique et la façon dont les responsables d’établissement perçoivent le vieillissement de leur personnel. Peu s’en préoccupent et mettent en oeuvre des mesures destinées à prolonger la durée d’activité des seniors. S’il n’y a pas de discrimination avouée à l’encontre des plus âgés, de nombreux responsables continuent à les stigmatiser à travers des stéréotypes relatifs à leurs compétences et leur attitude au travail. Les établissements qui se penchent sur la question démographique sont en majorité de grandes unités qui vont être prochainement confrontées à des départs en retraite nombreux. Leur démarche n’est pas préventive mais curative."

Est-ce la société actuelle qui génére de telles situations où l’emploi n’est plus source d’épanouissement, d’application de connaissances acquises, pour au contraire, mettre en concurrence stérile des personnes, lesquelles, chacune à son niveau, pourraient apporter leur savoir-faire, mais aussi et surtout leur propre personnalité, leur propre sensibilité.

La discrimination s’étend insidieusement : la jeunesse, les vieux, les Noirs, les Arabes, les riches, les pauvres, les femmes, les chômeurs, les SDF, les gros, les petits, les handicapés et j’en oublie !


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13 réactions à cet article    


  • (---.---.38.189) 6 mars 2007 11:53

    A l’auteur

    Vu la médiatisation du problème, les seniors dans l’entreprise ont moins de souci à se faire à présent pour leur emploi qu’il y a 4 à 5 ans lorsque les grandes entreprises ont reçu feu vert pour se débarrasser discrètement des dixaines de milliers de seniors ( à partir de cinquante ans) qui distordaient leur « pyramide des ages ». Ce fut une « hécatombe » qui fut perpètrée dans une fenètre de tir allant de 2002 à 2004.

    Parmi cette seniors licenciés, peu ont pu retrouver une activité et sont soit à charge de la société soit à la retraite ou en pré retraite. Et les politiques jouent les étonnés en versant une larme de crocodile....

    Les difficultés pour les seniors de se réemployer ne tiennent absolument pas d’une quelconque discrimination, mais uniquement des dispositions du droit du travail et de celle de la fiscalité applicable aux entreprises.

    Quelle entreprise se livrerait à des embauches en CDI de seniors approchant 60 ans pour ensuite être pénalisées lors de leur départ ? Irréaliste.

    A noter que ces mêmes dispositions sont aussi un obstacle à l’emploi des jeunes, car le droit à l’erreur d’embauche pour les entreprises est très lourdement sanctionné.


    • diamant (---.---.91.129) 6 mars 2007 13:31

      Je ne vois pas de quelle loi vous parlez. Au contraire, embaucher quelqu’un proche de 60 ans permet de ne pas le garder longtemps.


    • motpassant (---.---.182.159) 6 mars 2007 17:05

      Avant de poster un commentaire il est bon parfois de réfléchir à ce qu’on dit.


    • motpassant (---.---.182.159) 6 mars 2007 17:10

      Je me suis trouvé à 54 ans dans cette « fenêtre de tir », je vais avoir 60ans et n’est pas sorti de la dépression qui a suivi cette mise à l’écart.


    • (---.---.7.126) 6 mars 2007 17:47

      Pas le temps de vous expliquer le droit du travail. Renseignez vous


    • (---.---.7.126) 6 mars 2007 18:24

      A Motpassant

      Beaucoup sont comme vous et ne s’en sont pas remis. Il en reste toujours et pour le moins une profonde amertume et le bon souvenir du responsable politique de l’époque qui a autorisé celà et du parti auquel il appartient.

      Parmi les « virés » pour seule cause d’age, quelque soient leurs performances, certains furent correctement traités et d’autres plus malheureux durent affronter des licenciements pour « insuffisance professionnelle » ....après 20 à 30 ans de bons et loyaux services, leur employeur tentant d’échapper aux indemnités pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse.

      Certains durent se battre contre leurs propres avocats vendus à l’employeur et qui tentaient de leur faire avaler un montant transactionnel minoré. Quelques uns se sont fait avoir, d’autres sont allés en justice.

      Fort heureusement les prud’hommes étaient là pour veiller au grain.


    • motpassant (---.---.182.159) 6 mars 2007 18:32

      Autant j’apprécie le média qu’est Agoravox, autant je trouve certains commentaires stupides. Le vôtre en est un bel exemple.


    • Briseur d’idoles (---.---.168.138) 6 mars 2007 12:41

      Tu veux qu’on passe du boulot au tombeau, d’une caisse à l’autre ?

      Ne fais pas de ton cas une généralité !


      • motpassant (---.---.182.159) 6 mars 2007 17:07

        Avant de poster un commentaire, il est bon de réfléchir à ce qu’on va écire.


      • Rocla (---.---.251.61) 6 mars 2007 13:16

        Bonjour Motpassant,

        Entre 1950 et 2007 , il y a tout simplement eu un changement de société . Imaginez ce qui pourrait se passer dans 60 ans . Petit moi-même en 1950 , un ancien de 60 balais était souvent vieux , dépassé , souffrant , éreinté ,comme seront dépassés ceux qui veulent mettre les seniors sur une voie de garage , mais ils auront le loisir de s’ en apercevoir dans pas longtemps , aujourd’hui on est comme un jeune , derrière un ordi , on communique sur internet , on imprime son billet de train à la maison , et on meurt preque en bonne santé .

        Dans votre lien Insee au chapitre « Décomposition de la part des seniors dans l’emploi et de l’ âge moyen des actifs salariés » j’ ai bien ri à la lecture des graphiques .

        Rocla


        • Claudius (---.---.38.237) 6 mars 2007 16:31

          Le retraite que je suis se sent un honteusement heureux d’etre « tire d’affaires » au vue de la difficulte pour les jeunes generations de trouver un emploi aujourd’hui .

          C’est peut etre l’objectif de l’envolee mediatique qui s’est un peu calmee de critiques contre cette generation qui a :« profite de tout et qui ne laisse que des dettes a ceux qui viennent »..

          Les seniors dans l’entreprise ? un peu meprises par les jeunes generations qui les considere depasses,au regard du cursus scolaires qui leur est demande pour acceder a un job qualifie, simple inflation des qualifications requises pour des taches qui n’en reclament pas autant ? .

          Malseant de declarer que le travail n’est pas une fin en soi quand tant de gens en recherchent ?


          • L'enfoiré L’enfoiré 6 mars 2007 21:15

            @L’auteur,

            Il y a une contradiction majeur entre la possibilité de trouver un emploi pour les seniors et ce que veulent les gouvernements : l’allongement de la carrière, la vie qui s’allonge à cause de la médecine. Un senior coûte plus cher qu’un nouveau. Il connait tous les rouages de la boite, donc pas de lézard. Une carrière, à quoi cela va se résumer dans le futur ? Etudes, apprentissage jusqu’à 30 ans. A partir de 45 ans, s’accrocher car le « low cost » est là et empêche de suivre la concurrence. 50-60 ans, zone de turbulences. Pour les travailleurs du manuel lourd, le désir d’écourter est bien naturel. L’autre bord, cela peut l’être aussi si les possibilités financières le permettent. Je trouve que pour ceux qui veulent continuer jusqu’au bout, un complément en provenance de l’état devrait s’envisager, complément à ce « trop payé » par rapport à plus jeune. Taxes et contributions compenseraient. A bos calculettes décideurs.


            • Sophie (---.---.160.176) 7 mars 2007 08:05

              Bonjour,

              Juste pour dire qu’aujourd’hui on devient « senior » à 40 ans, voire 35 dans certains secteurs. Quand on cherche un emploi, on le ressent très nettement : passé cette limite, vous êtes cuit.

              Juste pour dire que la discrimination n’est qu’une conséquence du chômage de masse : les employeurs n’ayant que l’embarras du choix, ils recrutent des moutons à 9 pattes (jeunes, blancs, beaux, malléables, diplômés, expérimentés, véhiculés, disponibles, résistants au stress...) pour le SMIC. Et les autres n’ont qu’à rester sur le bord de la route !

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