Les sociétés arabes et la démocratie
Un récent reportage de la BBC montre que les Arabes ont perdu confiance dans la stabilité économique de la démocratie. Le rapport est basé sur une étude du réseau Baromètre arabe, qui a interrogé quelque 23 000 personnes dans neuf pays arabes. Selon la plupart des participants, l’économie ne fonctionne pas bien en démocratie.
Quant aux tendances sociétales arabes, les résultats ne sont certainement pas surprenants. En fait, beaucoup de choses ont changé dans la conscience collective arabe depuis 2011. À cette époque, certaines sociétés arabes entretenaient les illusions diffusées par les organisations régionales et les États connus.
En conséquence, certains de ces pays sont tombés dans un piège de conflits et de chaos qu’il est encore difficile de contrôler.
D’autres sont restés piégés dans des pratiques qualifiées de « démocratiques » par leurs propriétaires, tout en mettant en danger les ressources des sociétés et leur droit à utiliser leurs ressources à bon escient au profit du développement, de la construction et de la reconstruction.
Cette enquête montre que l’opinion publique dans le monde arabe s’est fondamentalement éloignée du concept de démocratie par rapport aux résultats d’une enquête similaire menée en 2018, et il semble y avoir une nouvelle conviction que la démocratie n’est pas une baguette magique qui peut être utilisée pour tout régler dans ces pays.
Cela constitue en soi un modèle de changement social provoqué par la réalité et l’expérience humaine. En fin de compte, les gens jugent ce qu’ils retirent réellement de leur engagement politique. Ils reconnaissent que tout système de gouvernement est en définitive un moyen d’atteindre le développement souhaité et la stabilité politique, sociale, sécuritaire et économique.
Je n’écris pas ici pour confirmer ce que la plupart des sociétés ont exprimé dans l’enquête, mais pour essayer de lire systématiquement ce qui se passe et d’apprendre de ces résultats. Il est connu que les sociétés ont une conscience innée dont la profondeur et la pertinence sont supérieures à celles des connaissances théoriques.
Il est donc naturel que l’attitude à l’égard de la démocratie change aussi radicalement. La montée des crises et des pressions économiques et de vie que connaissent actuellement de nombreuses sociétés arabes n’est pas la cause de l’effondrement de la croyance de longue date que la démocratie est la solution.
Plutôt, la scène arabe dans certaines parties et régions reflète les conditions de sécurité difficiles et complexes dans les pays qui souffrent de divisions sectaires, factionnelles et partisanes désastreuses sous la bannière des pratiques démocratiques.
Toutes les nations, sociétés et peuples ont des particularités qui méritent une attention particulière, notamment le système de gouvernement approprié à chaque état ou société.
Les valeurs politiques sont différentes et varient selon la culture, la coutume, l’histoire et le développement de la vie politique et sociale. Il n’existe pas de valeur ou de système politique qui convienne à tous les États ou qui soit applicable à toutes les communautés.
Par exemple, l’expérience des États asiatiques montre que l’adoption de valeurs et de formes de gouvernement occidentales n’est pas la seule voie vers la construction nationale, la croissance économique, la compétitivité mondiale, la sécurité et la stabilité. Bien sûr, embrasser ou désavouer la démocratie a peu à voir avec les Arabes ou qui que ce soit d’autre.
Les mécanismes de gouvernance et de politique, comme nous l’avons dit, varient d’une société à l’autre et d’un peuple à l’autre. Les gens ont suffisamment de connaissances pour comprendre les variables qui les entourent à l’échelle globale. Cela explique le changement de l’opinion publique dans le monde arabe en faveur de la démocratie qui a commencé en 2018.
Les résultats de ladite enquête montrent un lien étroit avec les suites du chaos et des troubles qui ont éclaté en 2011, alors que les manifestations, les effets et les conséquences de ce passé récent persistent dans certains pays, tandis que d’autres sociétés arabes continuent de faire les frais des pertes subies dans divers domaines et secteurs de développement.
9 réactions à cet article
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Normal que les arabes ne croient pas à la stabilité économique de la démocratie, on n’arrête pas de leur dire que la démocratie, c’est mal. Les Wahhabites pensent que le calife doit être choisi par un petit groupe de « sachants ». Les Frères Musulmans appellent à l’élection, mais uniquement pour prendre le pouvoir et rétablir le califat. Quand aux chi’ites, ils pensent que le président doit être nommé par l’Ayatollah...
Donc lorsque l’on pense tout ce mal de la démocratie, il ne peut se trouver des arguments allant dans le sens des bénéfices. De toutes façons les musulmans n’ont pas la liberté de penser, c’est assimilé à de l’apostasie et parfois puni de mort. Et comme la plupart des musulmans n’ont pas envie de mourir, il pensent comme on leur dit de le faire, même se cela fait le lit de l’obscurantisme.
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Toute organisation idéologique qu’elle soit religieuse, politique ou autres est vouée à la perversion, y compris la démocratie, et ceci pour une raison bien simple, une fois l’organisation en place et bien établie, les instances dirigeantes prendront toutes les mesures assurant la pérennité de l’édifice et de leur position par la même occasion, l’élan originel passera au second plan.
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Arrêtez de nous gonfler avec les « Sociétés arabes » ! Ce terme ne veut rien dire. C’est un amalgame qui masque non seulement des divergences, mais aussi des incompatibilités gommées pour des raisons géopolitiques.
Le terme « monde arabe » utilisé par les grands médias et les diplomates des états dominants (cf IMA) est constitué de vingt-deux pays regroupés au sein de la « Ligue des états arabes » qui cherche sa légitimité dans une idéologie fabriquée.
Cet univers bricolé présente une grande diversité dans les paysages, le peuplement, les modes de vie et les cultures. Le point commun, c’est que l’arabe classique est la langue officielle de ces pays même si d’autres langues sont utilisées dans la vie quotidienne comme le berbère, le kurde on encore le wolof, et même si cette langue officielle est aussi éloignée de ses dérivés actuels que le latin est éloigné du français, du roumain et de l’espagnol.
Si l’islam s’est imposé comme religion majoritaire dans ce qui est aujourd’hui le « monde arabe », la population totale de ces pays ne représentent qu’un quart des musulmans dans le monde.
Le monde arabe n’est pas peuplé que d’Arabes et les Arabes ne sont pas tous musulmans.
Alors, utiliser ce terme comme s’il s’agissait d’un ensemble cohérent est une imposture, une variante de l’idéologie qui tourne autour de l’idéologie du « choc des civilisations » inventé par Huntington pour justifier des affrontements dont les causes ne sont ni culturelles, ni religieuses, ni linguistiques, mais politiques et économiques.
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@Séraphin Lampion
L’Arabe classique n’est pas la langue de ces pays car personne ne parle l’arabe classique, la langue du Coran qui contient pour une bonne moitié des mots en Araméen. Cette langue était autrefois parlée dans le Nord de la Syrie et non dans la zone de La Mecque. En fait un syrien, dont la langue est la plus proche de l’Arabe classique, aura du mal à comprendre un Egyptien et ne comprendra à peu près rien de l’Arabe parlé en Algérie. Au 7ème siècle, la langue arabe était un ensemble de dialectes qui variaient d’une tribu à l’autre. Le pré-islam est un judéo-christianisme dont l’origine est dans la secte des Nazaréens (naṣārā) qui parlaient le Syro-araméen. Il est est logique que leur vocabulaire religieux se soit retrouvé dans le Coran avec d’autres mots d’origine étrangère (Injil vient du Grec, il existe également des mots d’origine éthiopienne ou Hébreu (Muḥammad provient de l’Hébreu ’îsh hamudôt, un titre honorifique qui n’a jamais été un nom avant le 8ème siècle, y compris sur les inscriptions du Dôme du Rocher en 692). -
@Pascal L
Merci pour ces précisions. On peut en conclure que les « sociétés arabes » ne sont pas plus arabes que les peuples parlant des langues romanes ne sont romains !
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@Séraphin Lampion
"une variante de l’idéologie qui tourne autour de l’idéologie du « choc des civilisations » inventé par Huntington
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Et c’est tout à fait normal puisque c’est de cette partie du monde musulman dont nous subissons la pression migratoire et démographique.
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@Séraphin Lampion
Exact. Le pays comptant le plus de musulmans au monde c’est l’Indonésie qui n’a rien d’arabe ! (en 2010, 270 millions d’habitants dont 87 % de musulmans).
Ma compagne y avait fait un séjour et avait trouvé des gens très tolérants, bien loin du wahhabisme, mais avait noté quand même quelques signes de dégradation de cette tolérance. Depuis, à-coup d’attentats, entre les séparatistes de Papouasie et des groupes liés à l’État Islamique, ça ne s’est pas arrangé…
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Une anecdote récréative de l’ambiance dans l’algérois des années 70.
Lors du voyage officiel de Giscard à Alger 74/75, le tricolore était réparti le long du parcours officiel ( route moutonnière, avenues principales...).
Quelques algérois se sont interrogés au pied d’un drapeau : « Les Français sont revenus ?! »
Une étudiante algérienne m’avait révélé :
« l’Algérien de la rue pense que Socialisme est synonyme d’Indépendance ».
Chacun peut en déduire ce qu’il voudra...
N.B. : Il est important de faire le distinguo entre Algériens et algérois... les gens de la Miitidja ignoraient (à mon époque) que la moitié-sud des 2,5 millions de km2 est peuplé de gens à la peau noire. « Kahlouchine » comme ils les dénomment...
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Il faut d’abord définir ce qu’est une démocratie au sens occidental , car sous l’URSS, la RDA( Allemagne de l’Est) se disait République démocratique allemande) et pourtant elle n’avait rien de démocratique. D’autres satellites de l’URSS , se disaient socialistes et populaires. Rien de socialistes et de populaires.
Je pense que les pays Arabes , ne peuvent pas êtres démocratiques, pour l’instant , cela, sera possible dans plusieurs décennies , Inchallah ! Pour la bonne raison que tous les pays arabo-musulmans ( exception du Liban ) ont l’islam comme religion d’Etat.
Or une démocratie c’est d’abord la séparation des trois pouvoirs , exécutif , législatif et juridique, cela est très difficile dans l’islam, car le rapport entre la politique et la religion est inséparable. Dans les pays arabo-musulmans, Il faut appliquer les lois révélées ou inspirées par la révélation. Dans une démocratie le point central est la volonté des hommes et non la volonté transcendantale. Il y a une tradition historique et également une structure de pensée et une organisation du savoir qui ne permettent pas , encore une fois a ces pays de séparer la religion de la politique.
Donc il faut cesser de parler de ce« grigri » occidental lorsqu’il s’agit des pays arabo-musulmans Ce que veulent les peuples de ces pays avant tout , c’est une bonne gouvernance sans corruption ni népotisme , pouvoir travailler pour vivre et faire vivre sa famille , se loger , se soigner et s’éduquer, le reste viendra après. La chine n’est pas démocratique , que je sache ?
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