Lettre ouverte à M. le professeur Matthieu Poux au sujet de l’Atlantide
Monsieur le Professeur,
Cela fait plus de 20 ans que je dénonce publiquement par conférences, ouvrages publiés, articles, lettres, les erreurs de localisation de Bibracte, de Gergovie et de l'Atlantide, ne suscitant que scepticisme et moqueries de la part des archéologues. Vous-même, dans votre ouvrage intitulé "Corent. Voyage au cœur d'une ville gauloise", vous ironisez : "Le site de Gergovie a été "délocalisé" à plusieurs reprises... éminence du Crest (identifiée par certains auteurs à l'Atlantide de Platon !)".
Responsable des fouilles archéologiques en Auvergne, vous avez été et vous êtes toujours, avec M. Vincent Guichard, Directeur du centre archéologique européen, spécialiste de l'âge du fer, des autorités écoutées dans votre profession, auprès des médias et des différents ministres de la Culture dont, apparemment, vous inspirez les réponses "langue de bois" au journal officiel.
Nous vous demandons, une nouvelle fois, de bien vouloir prendre en considération nos arguments pour la localisation de l'Atlantide que moi et les commentateurs d'Agoravox qui me soutiennent situons en Auvergne. Nous les réaffirmons ci-après en répondant aux 24 critères exigés par la conférence internationale qui s'est tenue à Milos en 2005. https://fr.wikipedia.org/wiki/Atlantide
Nous vous demandons de bien vouloir faire connaître vos arguments archéologiques qui s'opposeraient toujours à cette localisation.
Je note que vous ne vous êtes toujours pas exprimé, comme promis, après la découverte d'un important système de stockage du début de l'âge du fer qui contredit votre thèse d'une Gergovie en bois qui ne daterait que de - 140.
I. La métropole atlante ne devrait être localisée que là où existait une île et où des parties de cette île peuvent encore exister.
Vous êtes beaucoup trop catégorique concernant la signification que les anciens grecs donnaient au mot île. Anatole Bailly, dans son Abrégé du dictionnaire grec-français, Hachette, 1901, est plus nuancé. Il traduit le mot grec ancien "νῆσος, nễsos" non seulement par île, mais aussi par presqu'île. Par ailleurs, quelle est la représentation que ces anciens grecs pouvaient se faire de notre continent ouest-européen sinon celle d'une terre encore peu connue entourée d'eau ? Que ce soit les explorateurs carthaginois d'avant Platon (mort en - 348) ou l'explorateur grec Pythéas d'après, il est clair que leurs intentions étaient de contourner, au sud l'Afrique, au nord l'Europe, avec l'idée que c'était des îles, de très grandes îles. L'ambition de Pythéas était sans doute de contourner l'Europe par l'océan atlantique mais il n'est pas allé au-delà des mers glacées du nord et a dû rebrousser chemin.
Dès les temps lointains, on faisait la différence entre la mer intérieure plutôt calme et navigable et la mer extérieure qui ne l'était pas. Les anciens grecs s'imaginaient une véritable muraille rocheuse qui séparait le monde connu du monde inconnu des dieux. Cette barre rocheuse s'étendait depuis l'Atlas marocain, au sud, jusqu'au pays des volcans d'Auvergne, au nord. Et, au milieu, il y avait un trou, une bouche, bref ce que nous appelons un détroit par où on pouvait passer d'une mer à l'autre.
2. La métropole atlante devrait avoir eu une géomorphologie spécifique, composée d'anneaux concentriques alternés de terre et d'eau.
Le mot "métropole" est équivoque. Il s'agit là, non pas de tout le territoire, mais plus précisément de la capitale de l'Atlantide, la ville où siégeait le pouvoir royal (suivant ma thèse : à Gergovie, sur la hauteur fortifiée du Crest, près de Clermont-Ferrand). Platon n'est évidemment jamais venu sur place. Pour rédiger son Critias et son Timée, il ne disposait comme sources que de quelques rares témoignages d'explorateurs. C'est forcément à partir de ces témoignages qu'il a imaginé la capitale atlante. Et en effet, les ruines du Crest toujours existantes, le dessin du héraut d'armes Guillaume Revel et le vieux cadastre montrent trois enceintes qu'on peut considérer comme concentriques. En revanche, Platon a manifestement imaginé des enceintes d'eau qui n'ont jamais existé tout en en donnant une largeur et une profondeur tout à fait irréalistes.
3. L'Atlantide devrait avoir été située au-delà des Colonnes d'Hercule.
Platon écrit que l'île se trouvait "avant le détroit", en grec : "πρό στόματος". J'ai été très étonné quand j'ai cherché à approfondir le sens du mot grec que l'on traduit par "avant". Le mot grec "πρό" ne peut avoir, en effet, qu'un sens temporel et en aucun cas un sens de lieu ; exemple : "προ μεσημβρίας", l'avant-midi ou avant la peste. Il faut donc lire "avant qu'existe le détroit", ce qui, je l'avoue, est assez curieux ; quoique, selon Pomponius Mela, cette brèche entre l’Europe et l’Afrique aurait été tranchée par Hercule, donc tardivement. Disons qu'il l'a ouvert à la navigation. Mais même si l'on veut donner au mot "avant" un sens de lieu, il aurait fallu comprendre que l'île, presqu'île ou partie du continent entourée d'eau, se découvrait AVANT que l'on franchisse le détroit, autrement dit, que c'était la Gaule d'avant la Gaule.
4. La métropole atlante était plus grande que la Libye, l'Anatolie, le Moyen-Orient et le Sinaï réunis.
La phrase de Platon est la suivante : Cette île était plus grande que la Libye (l'Afrique) et l'Asie réunies. Cette description correspond tout à fait à l'image "surdimensionnée" que les Anciens se faisaient alors de la Gaule et de l'Espagne. Il en était encore ainsi dans la carte antique de Peutinger.
5. L'Atlantide doit avoir abrité une population instruite avec des qualifications en métallurgie et en navigation.
1000 ans avant notre ère, six siècles avant Platon, les voies de l'étain sillonnaient la Gaule. La place centrale du commerce de l'étain était Alashiya, l'île de Chypre, alias Alasiya, alias Alasia, ainsi nommée à l'âge du bronze, mots très proches de l'Alésia d'Alise-Sainte-Reine, et encore plus de l'inscription qui y a été trouvée : ALISIIA, avec ses deux i. Chypre/Alashiya, point de départ logique des voies de l'étain et point de retour. Le marchand naviguait jusqu'à Marseille, remontait le Rhône et la Saône, passait à Tournus, s'arrêtait à Cabillodunum/Taisey - l'Alésia de Diodore de Sicile, métropole de la Celtique - remontait la Thalie jusqu'à Aluze, autre Alésia, puis s'engageait dans la vallée luxuriante de la Cosane pour rejoindre, par la Brenne, Alise-Sainte-Reine, l'Alésia des Mandubiens, lieu de la bataille de César... et ainsi de suite jusqu'à la (Grande) Bretagne et à ses mines d'étain.
6. La métropole atlante devrait avoir été assez facilement accessible d'Athènes par la mer.
Les 9000 ans auxquels Platon fait remonter le début du conflit entre les Grecs conduits par Athènes et les Atlantes sont une fantaisie de l'auteur, Athènes n'ayant été fondée qu'en 800 avant notre ère. Une Athènes antérieure qui aurait disparu dans un cataclysme est une figure de style dans une interprétation de l'histoire bien particulière -celle de Platon - qui n'a plus cours de nos jours. Le conflit dont il s'agit ne peut être que celui qui opposa, en Méditerranée, les Grecs aux Phéniciens, mais aussi, à ceux qui sont descendus du centre de la Gaule pour les défendre. Les Grecs de Phocée ont supplanté les Phéniciens à Marseille vers 600 avant J.C..Les Celto-Ligures mentionnés dans les textes qui se sont opposés à leur expanson sont, en réalité, des Ligures de la côte que des Celtes de l'intérieur sont venus secourir et renforcer. Le conflit donna lieu en 509 à la signature d’un traité entre une Rome pro-grecque et une Carthage pro-phénicienne dont Polybe nous a conservé le texte. Il se serait donc apparemment terminé en 509, soit 161 ans avant que Platon meurt - en 348 - mais pour le philosophe, ce fut une victoire, non de Rome, mais d'Athènes.
7. À l'époque, l'Atlantide devrait avoir été en guerre avec Athènes.
Quand Platon écrit que "Nos écrits disent l'importance de la puissance étrangère que votre cité (Athènes) arrêta jadis dans sa marche insolente sur toute l'Europe et l'Asie réunies, lançant une invasion depuis l'océan Atlantique, il ne peut s'agir que des expéditions celtes en Italie et en Centre-Europe du IVème siècle ou d'avant. Quant à la puissance étrangère qui conduisait ces expéditions, ce ne peut-être que Gergovie dont Strabon a souligné la puissance en écrivant - livre IV, II, 3 - que son territoire s'étendait à l'origine jusqu'à Narbonne, jusqu'aux frontières du pays massaliote... jusqu'à l'océan et jusqu'au Rhin.
8. La métropole d'Athènes doit avoir subi à l'époque une destruction physique dévastatrice sans précédent.
Pure invention.
9. La métropole atlante devrait être entièrement ou en partie sous les eaux.
Ce que dit vraiment Platon : Plus tard, il survint des tremblements et des inondations extraordinaires ; dans un seul jour et dans une nuit désastreuse, toute la race de vos guerriers fut engloutie en masse sous la terre, et l'île Atlantide disparut submergée par la mer. Aussi de nos jours, il est impossible de traverser et d'explorer la mer à cet endroit, à cause de la vase profonde.
Je fais l'hypothèse logique que Platon a été induit en erreur par le rapport d'un ou d'autres navigateurs. En effet, il est très possible qu'en voulant retrouver l'estuaire de la Loire pour redescendre le fleuve jusqu'au pays arverne, des navigateurs se soient égarés dans le marais poitevin. C'est non seulement possible mais probable, sachant que la navigation de cette époque se faisait par cabotage en s'accrochant à la côte. Se basant sur une probable fausse information, sachant par ailleurs par des rapports antérieurs que le pays arverne était un pays de volcans, on comprend que Platon ait imaginé une érupton volcanique dans laquelle la cité aurait disparu.
10. La métropole atlante a été détruite 9000 "années égyptiennes" avant le vie siècle av. J.-C.
Pure invention.
11. Le port de la métropole atlante était à 50 stades (7,5 kilomètres) de la ville.
Ce que dit Platon : Près de la mer et au milieu de l'île était située une plaine, qui passe pour avoir été la plus belle de toutes les plaines et remarquable par sa fertilité. Près de cette plaine, à cinquante stades plus loin et toujours au milieu de l'île, il y avait une montagne peu élevée.
Cette plaine est la plaine de la Limagne. La montagne peu élevée est la montagne de la Serre qui se trouve effectivement à 50 stades, soit environ 7km,5. C'est sur l'éperon de cette montagne que se dresse la ville fortifiée du Crest que j'identifie à Gergovie.
12. L'Atlantide a eu une densité de population élevée, assez pour entretenir une grande armée (10 000 chars, 1 200 bateaux, 1 200 000 hoplites).
Ce que dit Platon : cette plaine était unie et régulière, mais d'une forme oblongue... . Elle avait la forme d'un tétragone carré et oblong ... elle était oblongue en son ensemble. Cela correspond bien à la forme de la Limagne... On faisait deux récoltes par an, ce qui est très possible vu sa fertilité... les divisions avaient chacune 10 stades de côté (traduction Luc Brisson, soit 1km 852), et l'on en comptait en tout soixante mille.
Dans les vastes plaines de la Limagne, déclare l’archéologue Vincent Guichard, la situation est tout autre (que dans le reste de la Gaule) : on observe un réseau incroyablement dense de hameaux plus modestes, éloignés de 2 à 3 km, qui se partagent la mise en valeur des terres. De 1km 852 à 2 km, avouez que la marge d'erreur est très acceptable. La plaine de la Limagne était donc déjà cadastrée à l'époque de Platon.
Chaque chef de division devait fournir la sixième partie d'un chariot de guerre, afin que le nombre en fût de dix mille ; en outre deux chevaux avec leurs cavaliers, un attelage de deux chevaux sans le char, un combattant en char armé d'un petit bouclier, un cocher pour conduire les chevaux, deux fantassins pesamment armés, deux archers, deux frondeurs, des soldats armés à la légère pour lancer des pierres et des javelots, trois de chaque espèce (cela fait six) et quatre matelots pour une flotte de douze cents vaisseaux : telles étaient les forces militaires de la capitale.
En ne tenant pas compte du sixième d'un chariot de guerre, et des deux cavaliers, cela fait 14 combattants par division, soit une armée selon Platon de 840 000, ce qui est, évidemment peu plausible. Mais si on admet que la plaine rectangulaire de Platon devait plutôt se rapprocher de 50/20 km, mesures très approximatives de la plaine de la Limagne, cela nous donne une armée de 7 000 combattants, ce qui est plus réaliste, toutefois sans compter les apports extérieurs.
Conclusion : la plaine de la Limagne est bien celle de l'Atlantide réelle. Celle de Platon est une extrapolation qu'il a faite pour l'étendre à l'échelle de la Gaule, dans une représentation théorique.
13. La religion atlante comportait le sacrifice de taureaux.
Oui, mais les sacrifices n'avaient pas lieu au Crest mais à Corent où les vestiges abondent.
14. La destruction de l'Atlantide a été accompagnée d'un tremblement de terre.
Non ! cf 9. Les vestiges sont toujours là mais le lierre est en train de les faire disparaître
15. Après la destruction de l'Atlantide, le passage des bateaux a été rendu impossible.
Voir 9, mon hypothèse du marais poitevin.
16. Les éléphants étaient présents en Atlantide.
Mon hypothèse à ce sujet est que les Gaulois avaient une prédilection pour cet animal "exotique" qui avait accompagné Hannibal lors de son passage en Gaule. Il est représenté dans certains chapitaux. A moins qu'il y ait eu confusion avec le boeuf de Lucanie, nom ancien de l'éléphant, nom qui figure dans la fresque du Ier siècle d'avant J. C., à Gourdon, dans l'inscription "Luca Bos".
17. Aucun processus physiquement ou géologiquement impossible n'est en cause dans la destruction de l'Atlantide. ???
18. Des sources chaudes et froides, avec dépôts de minerais, étaient présentes en Atlantide.
Ce qu'écrit Platon : Poséidon fit jaillir de la terre deux sources, l’une qui répandait une eau chaude, l’autre une eau froide... Les deux sources, l’une chaude, l’autre froide, ne tarissaient point, et l’agrément et la salubrité de leurs eaux les rendaient admirables pour tous les usages. Alentour, on avait construit des maisons et planté des arbres qui se plaisent près des eaux ; on avait laissé des bassins découverts, d’autres étaient fermés pour les bains chauds qu’on prend en hiver : il y en avait pour les rois, pour les particuliers et pour les femmes ; d’autres étaient réservés aux chevaux et aux bêtes de somme. Et tous étaient ornés d’une manière convenable. L’eau sortait de ces bassins pour se rendre au bois sacré de Neptune, où elle arrosait des arbres de toute espèce, auxquels la fertilité du sol donnait une beauté et une hauteur prodigieuses...
Ce qu'écrit Sidoïne Appollinaire décrivant Avitacum, alias le Crest, alias Gergovie : Au sud-ouest, les bains s’accrochent aux racines de la falaise boisée. Quand on coupe du bois de taillis sur le plateau, on le jette en bas. Les tas glissent tout naturellement le long de la paroi et tombent pratiquement dans la bouche des fours. Parties de là, les eaux ressurgissent, brulantes, dans le sanctuaire du temple (cella) auquel est accolée la salle des parfums. Les deux pièces sont de superficie équivalente si on fait abstraction de l’hémicycle de la partie basse prévue pour recevoir l’eau, et forment un tout. Le flot bouillonnant jaillit dans l’hémicycle en hoquetant, après s’être entortillé dans les tuyaux de plomb souple qui traversent les murs...
A cette basilique (basilica) est annexée, du côté de l’Orient — c’est Sidoïne qui parle — une piscine non couverte, ou si tu préfères le mot grec, un baptisterion. Ce baptisterion peut contenir 175 000 litres d’eau. Ceux qui veulent s’y rendre en sortant du bain chaud, dans lequel ils se sont purifiés et lavés, passent par l’une des trois ouvertures voûtées qui s’offrent à eux au milieu du mur. Ces trois passages voutés ne sont pas soutenus par de simples piliers, mais par de véritables colonnes que les architectes les plus savants appellent : colonnes de porphyre.
19. La Métropole atlante était située sur une plaine côtière de 2 000 × 3 000 stades, entourée par des montagnes tombant dans la mer.
Extrapolation théorique de Platon.
20. L'Atlantide commandait d'autres États pendant la période.
21. Les vents en Atlantide venaient du nord (seulement dans l'hémisphère nord).
22. Les roches en Atlantide étaient de diverses couleurs : noir, blanc, et rouge.
24. L'orichalque.
Aucune contradiction. Tout concorde. Voyez égalemenr mes autres articles. Cf mon article adressé à Mme la Ministre de la Culture, toujours sans réponse et sans effet. http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/l-atlantide-gergovie-bibracte-177218
Emile Mourey, 21 aût 2016.
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