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Accueil du site > Tribune Libre > Lettre ouverte à M. Nicolas Sarkozy, président de la République.

Lettre ouverte à M. Nicolas Sarkozy, président de la République.

A l’occasion de sa visite en Corse ce jour, mardi 2 février 2010, un texte adressé au président de la République, sous forme de lettre ouverte. Nicolas Sarkozy, entouré de quatre ministres, arrivera à Ajaccio ver 12 heures, où il s’exprimera sur les questions de l’insertion des jeunes et du développement durable. Il repartira vers 17 heures, après le lancement officiel de la campagne des Régionales devant les militants de l’UMP. Une rédaction rapide, en raison de la proximité de l’évènement, mais qui tente de soulever quelques points essentiels, concernant l’affaire Colonna,l’éducation et l’exercice du pouvoir.

M. le Président,

Vous serez cet après-midi à Ajaccio, où vous prononcerez notamment un discours sur le développement durable. Il n’est pas inutile de rappeler que l’île qui vous accueille possède une longue tradition républicaine. Pascal Paoli et Napoléon, même si leurs itinéraires respectifs ont divergé très tôt, en demeurent les plus éminentes figures. Le premier a doté la Corse indépendante d’une Constitution démocratique, avec séparation des pouvoirs, au beau milieu du dix-huitième siècle ; alors qu’en France régnait encore le bon plaisir du monarque absolu. Le second, lui, pourrait rendre bien des comptes devant le tribunal de l’Histoire. Que n’a-t-on pas dit, par exemple, sur le rétablissement de l’esclavage aux Antilles. Nul ne saurait cependant lui retirer l’essentiel : le Code civil, c’est-à-dire la consécration de l’égalité devant la loi, appliqué dans presque toute l’Europe après la Révolution ; en particulier sur des territoires jusque là soumis au servage.

En tant que président de la République, vous êtes aujourd’hui l’héritier de ces deux hommes, et en quelque sorte le dépositaire temporaire (le temps d’un mandat) de l’idée républicaine elle-même. Or, que nous enseigne-t-elle ? Que celui qui gouverne est au service de l’intérêt général, au lieu que la chose de tous soit à son service, et qu’il doit garantir à chacun le bon usage des institutions. Dans une démocratie libérale telle que la nôtre, ces dernières sont légitimes uniquement tant qu’elles assurent le bien commun et les libertés individuelles, et qu’elles permettent le vivre ensemble. Ne vous étiez-vous pas engagé à rendre la République "irréprochable" ?

Malheureusement, nous en sommes loin. Votre engagement impliquait le respect de la séparation des pouvoirs et de l’égalité devant la loi. J’attends que le ministre de l’Intérieur que vous avez été et qui a lui-même bafoué l’une et l’autre, en qualifiant naguère un individu d’"assassin" avant tout jugement, soit désavoué par le garant des institutions que vous êtes désormais. Car comment l’enseignant que je suis par ailleurs pourrait-il expliquer à ses élèves la présomption d’innocence et l’Etat de droit si le chef de l’Etat les ignore ? Et comment un lien de confiance pourrait-il subsister entre la République et les nouvelles générations, si les pratiques de ses représentants contredisent les principes inculqués aux représentés ?

L’école, justement. Votre engagement impliquait également la restauration de l’autorité du professeur. Dans une lettre adressée "aux éducateurs", vous assuriez avec force qu’il était du devoir des adultes d’apprendre aux enfants que "la parole de l’élève n’équivaut pas à celle du maître". Mais lorsqu’une enseignante, à l’instar de ce qui vient de se passer dans un établissement parisien et qui tend à se banaliser en province (y compris en Corse), voit son travail mis en cause par une classe simplement parce qu’elle exige d’avoir les conditions pour transmettre les savoirs (interdiction des bavardages et de l’usage des téléphones portables pendant le cours), comment croire que les conditions d’enseignement se soient améliorées ? Là aussi, j’attends que vous teniez ce que vous aviez promis, au lieu de promettre ce que vous ne pouvez tenir. Et si un recteur, nommé en conseil des ministres, couvre de telles dérives, alors j’attends que vous le rappeliez à l’ordre, voire que vous le révoquiez (puisque vous révoquez bien les préfets qui ne garantissent pas la docilité de la foule sur votre passage).

Je m’interroge quant à la légitimité d’un système dans lequel les actes et les pratiques sont à ce point éloignés des paroles et des principes. Je ne vois nul président de la République, mais un monarque ; nul Etat de droit, mais le droit du plus fort ; nul gouvernement par la loi, mais un régime d’arbitraire. Aussi, cette République que vous présidez a-t-elle encore un sens ?

Veuillez agréer, M. le Président, l’expression de mes doutes les meilleurs.

Daniel Arnaud

Philosophe et professeur de Lettres à Ajaccio (Corse-du-Sud). Auteur de : La Corse et l’idée républicaine, Paris, 2006 ; Dernières nouvelles du front, choses vues dans un système éducatif à la dérive, Paris, 2008.

Tribune visible également sur : http://generation69.blogs.nouvelobs.com/ (à partir de 11 heures).


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13 réactions à cet article    


  • Gabriel Gabriel 2 février 2010 13:39

    Avec votre lettre aucun risque, il se torche avec, il ne sais lire que les chiffres sur papier bancaire !


    • ZEN ZEN 2 février 2010 18:50

      Pardon, 666, la Corse n’ a pas produit que Pasqua, etc... mais aussi sampiero et , accidentellement un certain Napoleone Buenaparte
      Je suis allé 2 fois en Corse
      Je suis rentré vivant ! smiley
      J’aimerais m’y installer , mourir à Calvi (de mort naturelle !)
      Merci qui, sampiero ?
      Restons zen smiley


      • non666 non666 2 février 2010 19:47

        Je sais bien zen, le le chariais un peu.
        En ais je trop fait ?

        Bon ceci dit, c’est vrai que c’est beau la Corse.
        Pas autand que la Bretagne, mais jolie quand meme....


      • Massaliote 3 février 2010 10:17

        C’est bien dommage qu’il ne puisse pas se réincarner Napoléon. En voila un qui aurait remis de l’ordre en Corse et sur le continent. Rêvons un peu. Les « nationalistes » au pas et la racaille éradiquée...


      • ZEN ZEN 2 février 2010 19:12

        sampiero
        Je croyais le Roy compatissant
        Lorsqu’un Français souffre, Nicolas pleure avec lui ...
        Bientôt tu verras que le Roy finira par voter contre Sarko aux prochaines élections...
        Restons zen smiley


        • ZEN ZEN 2 février 2010 19:47

          sampiero
          J’ai parfois l’esprit un peu « tordu »
          Mon ironie s’adressait à 666
          Je voulais parler de mon amour de la Corse, tout simplement..
          Cordialement
          Restons zen smiley


        • tvargentine.com lerma 2 février 2010 19:19

          Je connais la Corse et j’aime ce pays qui a su se défendre contre les techno-structures qui cherchaient à bédonner ce pays

          Les Corses sont un peuple et ils sont des citoyens français et je ne comprend pas le contenu de l’article publié tellement il est de nature corporatiste

          Un éléve du 93 aura moins de chance de réussir qu’un élève en Corse car les moyens sont sans commune mesure ,déjà par le nombre d’élève par classe et aussi par l’environnement qui est naturel et non bétonné

          http://www.tvargentine.com


          • Yvance77 2 février 2010 20:02

            De la groupie de Pipole 1er je cite : « et je ne comprend pas le contenu de l’article publié tellement il est de nature corporatiste »

            Si seuleument tu avais fait une seule fois l’effort de comprendre, il y a longtemps que tu aurais ouvert les zoeils sur l’ordure qu’est cette sombre merde qui gouverne en France.

            A peluche


          • Daniel Arnaud Daniel Arnaud 2 février 2010 21:51

            Un article corporatiste ? Non, citoyen justement !

            Ce n’est pas parce que j’enseigne aussi que j’ai choisi de centrer mon propos sur l’école ; mais bien parce que l’école représente un enjeu essentiel dans toute démocratie. C’est le moyen d’instruire un peuple, donc de former des esprits éclairés, et capables de faire preuve d’esprit critique. Pascal Paoli, un homme des Lumières, en avait bien conscience en créant l’université de Corte. A l’heure où on parle de « développement durable », il serait bon de se rappeler que ce dernier ne recouvre pas seulement la protection de l’environnement. Il inclut également la question éducative, parce que c’est en formant les hommes qu’on peut inscrire le progrès dans la durée.

            Or, l’école est en crise, comme en témoigne de nombreux ouvrages publiés par des professeurs depuis quelques années. Je pense notamment à La Fabrique du crétin, par Jean-Paul Brighelli, ou encore à Ces profs qu’on assassine, par Véronique Bouzou. Le système reste profondément inégalitaire ; les conditions d’enseignement se dégradent ; et l’institution, par souci de « ne pas faire de vagues », a davantage tendance à lâcher ses agents qu’à les soutenirs. Peut-être, me direz-vous, tout cela est-il vrai en banlieue parisienne (vous évoquez le 93) mais pas en Corse ?

            En fait, je me méfie des clichés, que ce soit dans un sens ou dans l’autre. Sampiero, qui est intervenu plus haut, rappelle à juste titre combien les poncifs sur notre île sont nombreux.
            Ils le sont également, malheureusement, concernant le continent. J’ai eu l’occasion d’enseigner dans le 94, par le passé. Et j’ai pu constater que lorsqu’une agression avait lieu dans un établissement scolaire de 600 élèves, cela ne signifiait pas pour autant qu’il y avait 600 élèves avec un couteau entre les dents ; qu’on pouvait même y rencontrer des classes agréables ; que l’un des effets positifs de la « mauvaise réputation » des habitants du Val-de-Marne, c’était de bénéficier de ZEP où les effectifs étaient limités à 24 élèves par section... Bref, tout est relatif !

            Et inversement, il existe dans des régions réputées « calmes » des collèges et des lycées qui connaissent eux aussi leur lot d’incidents (avec le couvert d’une administration qui fait tout pour éviter que ça se sache). Je crains que la Corse ne fasse pas exception. Certes, le tissu social a sans doute permis de retarder l’arrivée de certaines difficultés.
            Cependant, il faut savoir que la population y est aujourd’hui urbanisée (plus de 70 % des insulaires vivent en agglomération, on est loin du cliché du « village ») ; que les villes présentent leurs inégalités sociales (la difficulté à se loger et la précarité ne sont pas absentes) ; que l’échec scolaire et les incivilités se développent ; et que beaucoup d’enseignants ici commencent à éprouver le même ras-le-bol qu’ailleurs (même s’il règne encore un tabou autour de ce phénomène)...

            Pour toutes ces raisons, il ne m’a pas semblé illégitime (et encore moins « corporatiste ») de m’étendre sur l’école en interpellant Nicolas Sarkozy. Parce que c’est un enjeu clef dans une République, et pour l’avenir de la Corse.


          • achille 2 février 2010 19:30

            A cette article fondé à juste titre, je conseillerais de lire celui de Ramon Lacontessa moins indulgent avec Napoléon Bonaparte qui a inspiré Hitler, et De Villepin, mais surtout qui a envahi son propre pays pour une puissance étrangère...la France. http://www.el-dia.com/actualites-2153.php


            • Annie 2 février 2010 21:19

              Alors là, cela me fait bien rire la question de l’identité nationale, tous Français sauf les Corses et ses Corleone, et ensuite qui sont les prochains sur la liste ????? la Bretagne peut-être, ou bien le Larzac et ses producteurs de fromages de chèvre. Il suffit de gratter un peu.


              • Christoff_M Christoff_M 3 février 2010 08:15

                Le nain qui se prend pour l’héritier de Napoléon...

                Visite ses « terres » bientôt achetées avec ses « amis » parisiens et de Neuilly, Clavier, people et autres, par l’intermédiaire de sociétés immobilières anonymes protégées par le pouvoir...

                cela va prendre du temps mais la transformation en petite cote d’azur bis prend forme, il suffit d’implanter des colons, on sait d’ou vient l’idée de la clique que représente Sarkozy sous couvert de président « français » et « européen » de jolis termes bien usurpés, quand on voit le gros Bertrand enfler tous les jours de suffisance à la tête de l’UMP, parti « populaire » comme celui de « Berlusconi »...

                Ah c’est bien d’endormir les gens avec une histoire remaniée version Drucker fille et Gallo, version niaise pour people et populace !!
                En attendant l’usurpateur des urnes au pouvoir, aura vite fait avec ses talonnettes de se prendre pour le descendant de Napoléon !! ses petits périples lui permettant de redorer l’histoire, à quand un nouveau manuel scolaire avec l’an zéro qui démarre avec l’election de Sarkozy et de sa clique d’avocats affairistes au service de la mondialisation de notre chère patrie ou de ce qu’il en reste.....


                • caramico 3 février 2010 11:10

                  Je retrouve à travers les mêmes poncifs le comportement qui se veut « supérieur » de nos soi-disant élites parisiennes, envers la « province », qui n’ est après tout, que la France dans son ensemble, de peu de poids médiatique face à cette pustule géographique (voir Google Earth) , Paris, où se concentre souvent le meilleur, mais également le pire.
                  Et tout ça est exacerbé par un Président autocrate, mais pas seulement (voir l’affaire PS vs Frêche).
                  Nous les provinciaux nous nous sentons méprisés, et réagirons à ces affronts.

                  Un petit bonjour nostalgique au Lycée Fesch et à Ajaccio où j’ai des souvenirs d’un autre âge.

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