Lettre ouverte d’une net-militante, « venue de nulle part », à François Bayrou
Depuis le mois de janvier, pour vous soutenir comme beaucoup d’entre nous, j’ai été présente sur le net sans discontinuer et également sur le terrain depuis les législatives. J’ai tellement été en phase avec votre discours que je me suis engagée sans compter dans cette belle aventure qu’est devenu le Mouvement Démocrate. Les déceptions pourtant n’ont pas manqué. D’abord votre non-élection malgré vos près de 7 milllions d’électeurs suivie des trahisons de vos ex-amis ralliés à Nicolas Sarkosy. Ensuite la non-élection de ma candidate que j’ai soutenue (réunions, tractages, permanences...). Egalement notre sous-représentation à l’Assemblée nationale malgré les suffrages exprimés. Vinrent ensuite les sempiternelles querelles UDF/MoDem auxquelles mon département n’a pas échappé : je me suis attachée à créer ce lien et la chose est, me semble-t-il, aujourd’hui assez bien engagée.
Cet été, votre silence de plus de deux mois a sucité des attentes, des incompréhensions voire des impatiences de la part de certains. Mon optimisme m’incitait à calmer les esprits, sur le net comme sur le terrain. Je vous ai écrit, vous m’avez répondu. C’est dire votre proximité avec les militants.
Mon implication s’est faite naturellement, progressivement, sans questionnements superflus car vous aviez réveillé en moi, comme nombre d’entre nous, cet esprit citoyen anesthésié depuis longtemps, ou depuis toujours. Mon bonheur de participer activement pour faire passer votre message suffisait à mon engagement total et sans réserve. J’étais d’autant plus heureuse que Seignosse allait marquer le point de départ de la construction de ce Mouvement Démocrate, ce qui me donnait le sentiment de participer à un événement unique, historique, auquel j’allais prendre une part active.
Comme beaucoup, j’ai pris sur ma vie personnelle, familiale et professionnelle pour suivre pas à pas cette dynamique initiée par internet. Je vous ai suivi à Marseille, à Toulon, à Paris et à Seignosse. Je vous ai écouté, entendu, lu, parlé, écrit.
Je me suis trouvée une âme de citoyenne active, contribuant même sur des médias citoyens alors que ça m’aurait paru infaisable quelques mois auparavant ! J’aurais pu continuer à vivre simplement, comme avant, persuadée que la politique n’était qu’une affaire de spécialistes, d’experts ou de malhonnêtes beaux parleurs. Laissant faire et subissant sans résister.
J’aurais pu...
Oui mais voilà...
Une prise de conscience, la perspective d’une société plus juste et plus humaine, l’envie d’agir, m’ont sortie d’une soumission chronique au système.
Et enfin arrive Seignosse ! Après neuf mois d’engagement, le temps d’une grossesse !
Je me suis pourtant préparée psychologiquement à ne pas en attendre trop car l’immensité de la tâche ne pouvait qu’amener des désillusions à vouloir aller trop vite. Deux questions me titillaient cependant et j’ai compris que c’est ce que j’allais chercher, à Seignosse, principalement : « Dans quel type d’engagement allais-je m’impliquer ? », et « Ce mouvement sera-t-il un vrai mouvement de citoyens, permettant une démocratie interne, pour une politique autrement ? ».
J’ai d’abord été submergée par cette masse humaine, chaleureuse, enthousiaste, fraternelle qui semblait respirer à l’unisson. Les gens se souriaient, discutaient spontanément, se réunissaient autour de valeurs communes et d’espoirs partagés. J’ai d’abord été amusée, puis vraiment étonnée d’être accostée à plusieurs reprises sous mon pseudo par des personnes que je ne connaissais pas physiquement mais dont le e-nom me parlait plus que de longs discours ! Je réalisais petit à petit que nous avions mené un combat commun, dans un idéal commun, des mois durant, de jour comme de nuit, dans la bonne humeur, dans la contradiction parfois, mais dans le respect, toujours. J’y ai retrouvé mes amis « Les Bloggers de François » (http://cojimar.superforum.fr/index.htm ), ma maison virtuelle construite un soir du 21 avril 2007, par une internaute qui voulait garder ce lien entre nous sans imaginer une seconde qu’elle bâtirait une magnifique demeure où l’amitié, basée sur des valeurs communes, se fortifie jour après jour !
Je suis donc arrivée à Seignosse avec sans doute plus d’espoirs que je ne voulais me l’avouer, avec trop d’attentes et trop d’émotions reçues. J’ai vécu ces quatre jours intensément, voulant être partout à la fois, voulant tout voir, tout écouter, tout partager ! J’avais l’impression, par moments, d’être dans une colonie de vacances pour adultes. On avait soudain tous le même âge, le tutoiement était de mise et la bonne humeur la règle. On avait créé « ça » en quelques mois, c’était incroyable !
J’ai vécu pleinement ces moments. C’était une expérience unique, extraordinaire !
Et cependant...
Au retour de Seignosse, j’ai eu un sentiment d’insatisfaction, de doute, voire d’incompréhension. J’ai d’abord mis ce ressenti sur le compte de la fatigue, après de longs mois à tout devoir gérer, vie familiale, professionnelle et engagement militant (dur dur d’être une femme dans la politique !), et de longues heures passées sur le net.
L’ampleur de la tâche à accomplir peut-être, ces amitiés nouvelles formées dans un combat commun sans doute, mon hypersensibilité féminine certainement...
Ce tsunami émotionnel m’a submergée et a créé en moi un besoin de recul sur tout ce que je venais de vivre cette année.
Mon enthousiasme a eu besoin de se poser pour comprendre et analyser ces ressentis contradictoires après Seignosse.
Le sentiment de n’avoir pu tout dire, tout exprimer. L’accaparement de la parole militante au profit d’élites rompues à l’exercice de l’expression en public ou les trop grandes « messes » d’intellectuels ont sans nul doute contrarié ce bouillonnement de la base dont je suis, même si l’on a senti une vraie volonté de le voir s’exprimer.
Venant de « nulle part » comme la plupart de vos nouveaux adhérents, je me suis donc sentie en dehors de ce système. Et puis, il y avait tout ce que je n’arrivais pas à exprimer, que l’ignorance même de la chose politique m’empêchait de comprendre.
Allais-je continuer ou renoncer ?
J’ai donc pris du recul. Je me suis « sevrée » du net quelques temps. J’ai suspendu mes contacts avec le terrain. Bref, j’ai pris de la distance.
J’ai donc compris...
J’ai compris que j’avais mes fragilités, que je devais apprendre à doser mon engagement pour mieux le gérer. Que je devais « apprécier » les imperfections de la nouveauté sans les occulter pour autant. Que mes enthousiames avaient généré, malgré moi, des impatiences et des exigences. C’était donc mon problème, pas celui du MoDem...
J’ai compris que j’ai eu peur aussi, peur de cet engagement à long terme. Etais-je capable d’y contribuer efficacement ? N’allais-je pas décevoir n’ayant aucune compétence en matière politique ? Saurais-je concilier durablement famille, travail et engagement militant ?
J’ai compris que la parole, c’était aux militants de la prendre librement, même si elle ne leur était pas donnée exclusivement. Que c’était à nous de bouger les lignes et de faire faire de la politique autrement à nos dirigeants (dont vous) avec eux et malgré eux. Dans cet esprit, je vous propose que vous vous entouriez d’un collège de militants de la base, qui n’ont aucune ambition électorale ou d’encadrement, en lien direct avec vous, sans intermédiaire, afin que vous-même ne soyiez pas déconnecté des citoyens.
J’ai compris aussi que je ne pourrais pas m’engager pour les municipales, n’y étant ni préparée ni formée et ne souhaitant pas être un prétexte à la parité. Plus tard peut-être avec une formation spécifique...
J’ai compris que si je dois m’engager, c’est en m’impliquant activement dans la construction du Mouvement Démocrate, en me battant pour que la démocratie interne, qui est nécessaire à l’application d’une politique autrement y soit effective. Pour ce faire vous avez besoin des militants pour vous y aider plus encore que des cadres, étrangers à cet exercice.
J’ai compris enfin qu’il valait mieux m’engager dans ce mouvement prometteur, véritable réservoir d’êtres soucieux d’une société humaniste, dégagée d’un carcan clanique gauche/droite qui a depuis longtemps montré ses faiblesses et ses limites, plutôt que d’accepter passivement que notre pays s’enfonce chaque jour davantage.
J’ai surtout compris qu’on ne pouvait pas demander la perfection au Mouvement Démocrate alors même qu’il est en pleine construction. Ce serait le saborder et ne lui donner aucune chance. Ses faiblesses d’aujourd’hui feront, sans doute, sa force de demain.
J’accepte donc les imperfections qui m’ont fait m’interroger sur un renoncement éventuel. Je les accepte d’autant que l’on ne peut remettre en question ou douter de votre sincérité à vouloir faire du Mouvement Démocrate la pierre angulaire pour une société où l’homme trouvera sa vraie place. En tous cas, c’est mon humble avis...
Vous nous avez redonné la vue,
Vous nous avez redonné l’ouie,
Faites que nous ayions toujours la parole !
Cordialement.
Chantal Portuese
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