Lire « L’impérialisme stade suprême du capitalisme » de Lénine
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C'est dans "l' impérialisme stade suprême du capitalisme", que Lénine est amené à porter jusqu'au bout l'analyse de Marx. Lénine y caractérise l'impérialisme par cinq traits fondamentaux :
1-Concentration de la production et du capital parvenue à un degré si élevé qu'elle a créé un monopole dont le rôle est décisif dans la vie économique.
2-Fusion du capital bancaire et du capital industriel, et création, sur la base de ce "capital financier", d'une oligarchie financière.
3-l'exportation des capitaux, à la différence de l'exportation des marchandises, prend une importance toute particulière.
4-formation d'unions internationales monopolistiques de capitalistes se partageant le monde.
5-Fin du partage territorial du globe entre les plus grandes puissances capitalistes.
(.....)
L'actualité de l'ouvrage, à la lumière de la crise actuelle, peut être illustrée de bien des façons.
Prenons la question de la constitution du capital financier, produit de la fusion du capital industriel et du capital bancaire, sous la conduite de ce dernier (fusion complétée par " l'union personnelle " des banques, de l'industrie et du gouvernement, précise Lénine.)
" le XXe siècle marque le tournant où l'ancien capitalisme fait place au nouveau, où la domination du capital financier se substitue à la domination du capital en général" écrit Lénine, il y a près d'un siècle.
" Le développement du capitalisme en est arrivé à un point où la production marchande, bien que continuant de "régner"et d'être considérée comme la base de toute l'économie, se trouve en fait ébranlée,et où le gros des bénéfices va aux "génies" des machinations financières." précise-t-il, ajoutant : "A la base de ces machinations et de ces tripotages, il y a la socialisation de la production : mais l'immense progrès de l'humanité, qui s'est haussée jusqu'à cette socialisation, profite....aux spéculateurs."
Plus loin encore : " Le capital financier,concentré en quelques mains et exerçant un monopole de fait, prélève des bénéfices énormes et toujours croissants sur la constitution de firmes, les émissions de valeurs, les emprunts d'Etat..etc.. affermissant la domination des oligarchies financières et frappant la société tout entière d'un tribut au profit des monopolistiques."
Ne sommes-nous pas au coeur de la crise actuelle ?
Prenons la question de la concentration bancaire : celle ci n'a cessé de s'accentuer tout au long du XXe siècle et jusqu'au début du XXIe siècle. C'est ainsi, par exemple, que si l'on considère le nombre de banques réalisant dans chaque pays les trois quart de l'activité du marché des changes, on notera que ce nombre est passé pour le Royaume Uni de 24 en 1998 à 12 en 2007, pour les Etats Unis, de 20 à 10, pour la Suisse, de 7 à 3,pour le Japon, de 19 à 9, pour Singapour, de 23 à 11, pour Hong-Kong de 26 à 12 (il s'agit là des six premiers pays concernant le marché mondial des changes,source BRI).
Et encore était-ce de 1998 à 2007, avant les considérables concentrations et fusions des banques qui ont suivi le krach de 2008 !
Citons encore ce passage dans lequel Lénine fustige "la critique petite-bourgeoise réactionnaire de l'impérialisme capitaliste qui rêve d'un retour en arrière,vers la concurrence libre, pacifique, honnête."
Que n'a-t-on entendu, dans l'année qui vient de s'écouler, de ces responsables politiques, de gauche ou de droite, qui en appelaient à une improbable "moralisation du capitalisme", prônant la nécessité de revenir à une période révolue où le capitalisme aurait été moins spéculatif et par conséquent plus "moral" ? L'impérialisme,souligne au contraire Lénine, se caractérise par "un énorme "excédent de capitaux" dans les pays avancés. Adaptant la formule de Marx il s'en explique ainsi :
" Certes, si le capitalisme pouvait développer l'agriculture qui, aujourd'hui, retarde partout terriblement sur l'industrie, s'il pouvait élever le niveau de vie des masses populaires qui, en dépit d'in progrès technique vertigineux, demeurent partout grevées par la sous-alimentation et l'indigence, il ne saurait être question d'un excédent de capitaux. Les critiques petit-bourgeois du capitalisme servent à tout propos cet" argument". Mais alors le capitalisme ne serait pas le capitalisme, car l'inégalité de son développement et la sous alimentation des masses sont les conditions et les prémisses fondamentales, inévitables,de ce mode de production. Tant que le capitalisme reste le capitalisme, l'excédent de capitaux est consacré, non pas à élever le niveau des masses dans un pays donné, car il en résulterait une diminution des profits pour les capitalistes, mais à augmenter ces profits par l'exportation de capitaux à l'étranger, dans les pays sous-développés."
Cette "exportation de capitaux à l'étranger", à la recherche du coût de main d'oeuvre le plus bas, n'est-ce pas ce qui est à la base de la dite "mondialisation" et de son prétendu "miracle chinois", aujourd 'hui frappé de plein fouet, à son tour,par la crise mondiale ?
Pour qui a étudié Marx et Lénine, la crise actuelle n'a donc rien de surprenant. Seule sa forme emprunte au moment de la situation. Mais la racine fondamentale tient à ce mécanisme par lequel, comme Lénine le démontre, le capitalisme s'étant emparé de l'ensemble des marchés, il ne peut survivre que sur la base du "parasitisme" et de la "putréfaction".
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