Loi Alur : l’encadrement des loyers est-il efficace ?
Mis en place depuis le 1er août 2015, le dispositif d’encadrement de loyers de la loi ALUR voit ses premières remontées de terrain. Le moins que l’on puisse dire est que les professionnels de l’immobilier reste vent debout contre cet amendement.
Fuite des investisseurs, nid à litiges avec les locataires, manque de finesse des critères d’appréciation de la valeur locative d’un bien, les professionnels de l’immobilier, dans leur grande majorité, n’en finissent pas de prédire les pire conséquences suite à l’encadrement des loyers parisiens. Celui-ci ayant valeur de test avant une mise en place à l’échelle nationale, on comprend aisément pourquoi l’enjeu est de taille pour le secteur.
Paris n’était pas le bon endroit pour tester l’encadrement des loyers
L’un des arguments avancés pour justifier cette tentative d’encadrement des loyers est le marché locatif hyper tendu dans la capitale. En clair, l’offre est inférieure à la demande, ce qui laissait aux propriétaires une confortable marge de manœuvre pour fixer le prix du loyer et augmenter la rentabilité de leur investissement locatif, créant un effet bulle.
La réalité de cet effet est plus que contestable : qui dit bulle dit gonflement jusqu’à l’éclatement. Or la hausse des prix de l’immobilier parisien est simplement mécanique. Les prix ne sont pas surévalués, ils sont simplement ceux d’une capitale, dont la surface est de plus limitée : 105.4 Km carrés - contre 1.572Km carrés pour Londres ou 891.8Km carrés pour Berlin. Pourtant, même si le prix au mètre carré reste haut pour la majorité des Français, Londres est presque deux fois plus chère et les prix de Berlin, jusqu’ici moins chers que Paris, sont en train de grimper en flèche.
Il semble donc logique que les particuliers qui souhaitent absolument se maintenir dans cette zone aussi prestigieuse que limitée doivent faire face à un marché locatif hyper tendu. Paris ne pouvant être agrandi, la solution passe sans doute par le développement du Grand Paris, dont l’enjeu est énorme pour les populations d’Ile-de-France.
Dans ces conditions, choisir la capitale comme laboratoire pour déterminer si l’encadrement des loyers est efficace ou non est tout simplement un non-sens.
Fuite investisseurs
Dans un contexte géographique où le prix d’achat au mètre carré sera toujours relativement élevé, on comprend aisément que limiter le prix des loyers soit décourageant pour nombre de propriétaires. Le rendement locatif était déjà plus limité dans la capitale que dans d’autres villes puisque le prix d’achat était plus élevé pour des montants de loyers espérés qui – quoi qu’on en dise – était de fait plafonné par la réalité du marché locatif. La vacance étant la hantise du bailleur, il était bien obligé de proposer un loyer cohérent avec les moyens des particuliers. Le principal intérêt d’un investissement locatif dans Paris reposait donc avant tout sur l’espoir d’une plus-value à la revente, une fois l’investissement remboursé.
On peut comprendre qu’aujourd’hui, anticipant une rentabilité locative encore plus faible, les investisseurs hésitent à acquérir des biens parisiens. D’autant plus que les efforts qu’ils peuvent fournir en matière d’entretien du logement ou de travaux n’entrent désormais plus en ligne de compte pour valoriser le montant du loyer.
Aberration administrative et effet contraire
En effet, le décret de la loi Alur prévoit qu’en plus de la localisation - l’OLAP a divisé la capitale en 80 quartiers – seuls 3 critères permettent d’établir un montant de loyer qui se veut « objectif » : le type de location – meublée ou non – la période de construction (« avant 1946 », 1946-1970, 1971-1990 et « après 1990 ») et le nombre de pièces (studio, deux pièces, trois pièces, « 4 pièces et plus »).
Fi donc des travaux d’entretiens consentis par le propriétaire, de l’étage, de l’orientation, de la présence ou non d’un ascenseur, etc. Un studio au 5ème étage sans ascenseur et un autre studio au 1er étage avec ascenseur se retrouvent donc potentiellement soumis au même loyer.
Pire, le mécanisme d’encadrement des loyers produit même l’effet inverse à celui souhaité dans certains quartiers de la capitale. Cité dans un article de La Tribune, Gilles Ricour de Bourgies, président de la FNAIM du Grand Paris, prend l’exemple d’un studio de 27 mètres carrés, rue de Patay dans le 13e arrondissement de Paris. « Loué (avant le 1er août, ndlr) à 750 euros, il devrait atteindre 810 euros hors charges (après application du décret, ndlr) ». Bel exemple en effet de baisse des loyers !
Face à de telles incohérences, on comprend que les professionnels de l’immobilier restent mobilisés contre ce volet de la loi Alur, afin d’éviter que ce dispositif aux effets désastreux ne soit un jour étendu à l’ensemble du territoire Français.
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