LOI TRAVAIL : REMUNERATIONS : renforcement du « monologue » patronal
Les « ordonnances » MACRON sont, parait-il, destinées à « renforcer le dialogue social ». Paradoxalement Monsieur MACRON ne s’est pas appliqué ce vertueux objectif et affaiblit en réalité les possibilités de négociation des salariés dans les entreprises.
En matière de rémunérations nous aurons un « monologue » patronal comminatoire imposant aux salariés le renoncement à un certain nombre de primes et avantages avec pour seul plancher des droits un SMIC d’ores et déjà menacé.
Je vous propose un tour d’horizon des stratégies patronales prévisibles de baisse des rémunérations dans les entreprises de moins de 11 et de plus de 11 salariés et quelques pistes de résistance à mettre en oeuvre dans les entreprises.
I DANS LES ENTREPRISES DE MOINS DE 11 SALARIES
I-A/ LA REGLEMENTATION NOUVELLE
Dans les TPE de moins de 11 salariés où il n’y a pas d’obligation de négociation annuelle des salaires le plancher de votre salaire salaire de base est fixé par le SMIC pour 35 heures hebdomadaires de travail. Un accord de branche peut éventuellement améliorer les situations qui sont donc disparates d’un secteur économique à l’autre.
Ce plancher du SMIC risque prochainement d’être régionalisé comme s’en inquiète le journal « l’Humanité » dans un récent article. Autrement dit, selon que vous habiterez Lyon centre ou dans l’Isère située à moins de 40 kilomètres de la place Bellecour, place centrale de Lyon, vous n’aurez pas droit au même salaire de base pour 35 heures hebdomadaires de travail.
Comme pour l’ordonnance improprement nommée « renforcement du dialogue social », Monsieur MACRON utilise pour les études en cours concernant la régionalisation du SMIC une méthode « qui consiste à évincer les syndicats de salariés de toutes négociations sur ce sujet éminemment social.
Selon l’article L2232.21 « dans les entreprises dont l’effectif habituel est inférieur à 11 salariés,l’employeur peut proposer un projet d’accord portant sur l’ensemble des thèmes ouverts à la négociation collective prévus par le code du travail ».
Selon l’article L2254-2-I modifié par cette ordonnance qui sera promulguée au quatrième trimestre 2017, il devient par conséquent possible pour l’employeur « afin de répondre aux nécessités liés au fonctionnement de l’entreprise » et non plus seulement en cas de difficultés économiques de l’entreprise,comme actuellement, « d’aménager la rémunération au sens de l’article L3221-3 actuel du code du travail » c’est-à-dire de modifier « le salaire ou,traitement ordinaire de base, ou minimum, et tous les autres avantages et accessoires payés,directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au salarié en raison de l'emploi de ce dernier. »
Autrement dit,
Dès le quatrième trimestre 2017, l’employeur d’une TPE de moins de 11 salariés, au titre des « nécessités liées au fonctionnement de l’entreprise » que lui-seul détermine, pourra ramener toutes vos rémunérations au SMIC horaire lequel est lui-même menacé comme le souligne l’HUMANITE.
Il pourra donc vous « proposer », doux euphémisme, de travailler plus longtemps pour le même salaire avec comme seul plancher le smic horaire, supprimant au passage primes d’ancienneté, treizième mois,primes de vacances et autres avantages même en nature. L’employeur pourra de même vous « proposer » de changer vos horaires et votre lieu de travail.
Toutefois, pour parvenir à ses fins, l’employeur devra organiser un référendum afin de recueillir vos avis.
Si, sous la menace de licenciements les 2/3 d’entre vous, c’est-à-dire pour 3 salariés en poste, 2 personnes acceptent ces nouvelles conditions et un seul les refuse, la baisse salariale est effective pour eux et leur collègue est licencié avec des indemnités légales de licenciement qui sont les plus faibles d’Europe et que Monsieur MACRON a pris soin en plus de ne pas augmenter dès qu’un salarié a plus de 10 ans d’ancienneté ! et, sans avoir droit aux dispositions d'accompagnement des licenciements économiques.
I-B/ PISTES DE RESISTANCE POUR LES SALARIES DES ENTREPRISES DE MOINS DE 11 SALARIES
LA SEULE SOLUTION EST, DANS UN PREMIER TEMPS, DE REFUSER COLLECTIVEMENT LA « PROPOSITION » patronale puisqu’en l’absence d’approbation à la majorité des 2/3 du personnel, suivant l’article L2232-21 l’accord est réputé non écrit et donc ne peut être en aucun cas être appliqué. Si l’employeur tente néanmoins de l’imposer vous pouvez, en référé (15 jours) devant les prud'hommes, obtenir les rappels de salaires, de primes et d’avantages en nature en cause.
Va s’ensuivre une période de tensions dans l’entreprise pendant laquelle vous devrez vous entraider en cas de harcèlement de l’un d’entre vous et notamment pour lui permettre de se constituer un dossier de harcèlement afin de pouvoir prétendre en cas de licenciement abusif à 12 mois de dommages et intérêts au lieu d’une indemnité réduite à 1 mois par année d’ancienneté dans les 10 premières années de service.
Parallèlement faites le point sur les autres manquements à l'application de bonne foi des contrats de travail : si vous avez constaté des irrégularités en matière de paiement des salaires (par exemple non paiement d’heures supplémentaires) vous pouvez en informer par lettre recommandée avec accusé de réception l’URSAFF (le nom des informateurs est secret) qui diligentera une enquête.Vous pouvez informer la médecine du travail en cas de non respect des règles de sécurité sur les chantiers par exemple, de non respect des durées maximales de travail ou temps de repos pour les forfaits jours etc.... Le harcèlement peut ainsi être renvoyé à l’expéditeur … qui va se calmer.
Informez vous également sur la situation économique réelle de l’entreprise par vous-même ou gratuitement auprès de la permanence juridique de l'union locale d’un syndicat (les adresses sont sur les pages jaunes).. Les syndicats disposent de spécialistes qui sont capables d’accéder aux informations légales des entreprises et d’en étudier la structure capitalistique et les résultats.
En effet une bonne transaction avec l’employeur est toujours fondée sur des données objectives qu’il ne pourra pas contredire et cela vous permettra de contrer toute tentative de rupture conventionnelle ou de licenciement et de défendre VOTRE PART SALARIALE DANS LA VALEUR AJOUTEE.
Vous pouvez rappeler à l’employeur que s’il a désormais les mêmes droits de « négociation » que ceux anciennement réservés aux entreprises de plus de 11 salariés, il serait inconstitutionnel que réciproquement vous n’ayez pas les mêmes droits que les salariés de structures de plus de 11 salariés et notamment le droit de négocier une fois par an « la rémunération, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée dans l’entreprise » (article L2242-8). Il n'y a aucune raison d'avoir un code du travail à une seule vitesse pour les employeurs et à deux vitesses pour les salariés.
Enfin, si dans le cadre de vos recherches sur la structure capitalistique de votre TPE, vous vous apercevez que vous appartenez en réalité à un groupe qui n’applique pas la législation le concernant vous pouvez faire reconnaitre judiciairement l’unité économique et sociale à laquelle appartient votre petite structure par le tribunal d’ instance de votre secteur par une procédure initiée par le syndicat de votre choix. Vous rétablirez ainsi vos droits à représentation (délégation du personnel et éventuellement comité d'entreprise désormais dénommé comité économique et social) rendant par le même coup toute modification de rémunération impossible jusqu'à ce que la délégation du personnel soit en place (et même au delà si vous vous référez au paragraphe suivant).
En effet, la Cour de cassation condamne régulièrement ces groupes qui ne se déclarent pas comme tels puisqu’une recherche de jurisprudences par les mots clefs : « Cour de cassation » , « chambre sociale » et « unité économique et sociale » donnait cette semaine 1136 occurrences !
EN CONCLUSION : Les salariés malmenés d’une petites entreprises devront donc faire front pour éviter une baisse de leur pouvoir d’achat dès la promulgation des ordonnances MACRON.
Ils ont à leur disposition outre la mobilisation collective dans la rue qui peut ENCORE FAIRE BOUGER LES LIGNES LORS DE LA REDACTION DES DECRETS, de réelles possibilités juridiques individuelles et collectives à utiliser sans modération.
II DANS LES ENTREPRISES DE PLUS DE 11 SALARIES
Dans les entreprises de plus de 11 salariés le plancher du salaire de base est actuellement soit le SMIC soit le minimum de la convention collective, soit le salaire négocié dans les entreprises de plus de 50 salariés s’il est plus intéressant que les deux précédents. S’y ajoute éventuellement diverses primes et avantages en nature, le tout formant votre rémunération.
Nous a vu dans le précédent paragraphe que ce plancher du SMIC risque prochainement d’être régionalisé.
II-A L’INVERSION DES NORMES
L'inversion des normes permet DESORMAIS d’imposer « afin de répondre aux nécessités liés au fonctionnement de l’entreprise » et non plus seulement en cas de difficultés économiques de l’entreprise, comme actuellement, une réduction des composantes de la rémunération en application de l’article L2254-2 dès promulgation de l'ordonnance MACRON dans le courant du quatrième trimestre 2017.
Dans les entreprises ayant une représentation du personnel, la "proposition" patronale de réduction des rémunérations est négociée :
- Soit par le ou les délégués syndicaux, s’il en existe dans l’entreprise (actuellement plus de 49 salariés)
- A défaut, par un ou plusieurs salariés mandatés par des organisations syndicales pour cette négociation,
- ou bien, un ou des représentants du personnel non mandatés pour lesquels il y a un risque qu’ils soient choisis par l’employeur et n'aient pas beaucoup de marges de manoeuvre. D'où l'importance lors des prochaines élections professionnelles de ne prendre QUE des salariés qui se seront formés en droit de la négociation ; Toute personne peut en effet obliger l'employeur à lui accorder 12 jours de formation économique et sociale PAR AN.
Si un accord est finalisé, celui-ci est soumis à la représentation du personnel dans son ensemble et ne sera considéré comme applicable que s'il est approuvé par 50% des délégués, à défaut il sera rejeté.
En l’absence de représentation du personnel (absence de candidats lors des élections professionnelles) l’employeur peut, tout comme dans le cas des entreprises de moins de 11 salariés, initier un référendum suivant la même procédure (voir paragraphe 1).
II-B LA NEGOCIATION ANNUELLE OBLIGATOIRE SUR LES REMUNERATIONS
La seconde source d’évolution salariale,dès lors qu’il y a des délégués syndicaux est la négociation annuelle obligatoire (NAO) dont l’article L2242-8 nous explique qu’elle porte « sur la rémunération (donc salaire de base et primes), le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée, donc l’intéressement » .
Mais aussitôt Monsieur MACRON dans sa très grande commisération pour le patronat, édicte un article L2242-9 qui précise que l’employeur qui n’a pas rempli son obligation d’organiser les NAO « pourra voir sa pénalité plafonnée » si « dans les six années civiles précédentes il y a eu un contrôle ayant constaté,à l’époque,aucun manquement ».
« Lorsque l’autorité administrative compétente constate ce manquement elle doit aussi tenir compte des efforts constatés pour ouvrir des négociations, de la situation économique et financière de l’entreprise,de la gravité du manquement et des circonstances ayant conduit au manquement ».
L'employeur est donc autorisé à contrevenir aux règles du dialogue social cinq années d'affilée disposition inscrite, sans rire, dans "une ordonnance relative au renforcement de la négociation collective" ! Le salarié, lui, peut être viré du jour au lendemain pour UN SEUL manquement !
II-C/ PISTES DE RESISTANCE POUR LES SALARIES DES ENTREPRISES DE PLUS DE 11 SALARIES.
La stratégie peut consister à différer l’application des ordonnances dans les entreprises pour laisser le temps aux syndicats de soumettre leurs contenus aux instances juridiques nationales (Conseil Constitutionnel) et internationales (OIT, Cour Européenne de Justice) comme cela a été fait pour le CPE et le CNE ce qui a obligé le gouvernement à retirer cette législation qui s'est révèlée illégale.
Les ordonnances trop vite rédigées comportent en effet de nombreux points faibles sur le plan juridique.
Par l'inversion des normes l’Etat se défosse sur les employeurs de sa responsabilité législative et ce seront les employeurs qui seront condamnés.
L’insécurité juridique va donc perdurer bien après la promulgation des ordonnances car :
- Chaque salarié dispose de la faculté de formuler une question prioritaire de constitutionnalité sur tout texte qui lui est opposable dans un litige le concernant et dont la constitutionnalité n’a pas fait l’objet d’un avis favorable antérieur du Conseil Constitutionnel et ce sans délai de prescription.
- Préalablement à ce recours individuel , il est possible de contester un accord collectif dans les deux mois (article L2262-14) en justifiant de son illégalité par des arguments portant sur la procédure de ratification et/ou le contenu de l’accord.
- Sur le fond un accord collectif, même passé le délai de deux mois, peut être déclaré illégal par la Cour de Cassation au regard des droits fondamentaux tels que visés par les accords de l’OIT et les conventions européennes : A ce jour 77 accords de branche ou conventions collectives ont fait l’objet de décisions de la Cour de cassation pour illégalité de leur contenu ou de leurs modalités d’application. L’employeur,du fait de l’inversion des normes, prend d’autant plus de risques juridiques qu’il édicte « un code du travail propre à son entreprise ».
- Le détournement des droits à représentation du personnel peut toujours faire l’objet d’un recours pour DELIT D’ENTRAVE et permettre l’annulation des dispositions prises par l’employeur même si le Juge est invité à beaucoup de clémence par l’exécutif ce qui constitue de la part de ce dernier un empiètement inconstitutionnel sur le pouvoir judiciaire.
- La reconnaissance judiciaire par le tribunal d’instance d’une unité économique et sociale pour les TPE fictive dépendant en réalité d’un groupe permettra également de faire annuler des dispositions édictées en l’absence illégale de représentants du personnel.
EN CONCLUSION les salariés des entreprises de plus de 11 salariés disposent en réalité de nombreux moyens de retarder l’application des dispositions tendant à réduire leurs rémunérations.
Monsieur MACRON croit avoir gagné la guerre en ayant court circuité les syndicats patronaux des TPE PME et les syndicats de salariés ainsi que la Représentation Nationale, il se trompe ET LES PREMIERS PERDANTS SERONT LES EMPLOYEURS qui se saisiront de ces textes avant que leurs dispositions n’aient été totalement validées juridiquement.
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