Longuet, Hollande et le « Costa Concordia » : L’indécence d’un ministre de la République

Profiter d’une tragédie humaine telle que le naufrage du paquebot « Costa Concordia », où le triste bilan des morts et disparus n’est même pas encore clos, pour s’adonner à une critique bassement partisane face à un rival politique : telle est l’inqualifiable exercice de vile rhétorique auquel vient de se livrer, sur les antennes de LCI, Gérard Longuet, aujourd’hui Ministre de la Défense de Nicolas Sarkozy, dans son attaque frontale de François Hollande.
De fait : « Il y a des capitaines qui frôlent trop les côtes et qui conduisent leurs bateaux sur les récifs. (…). Je trouve que François Hollande côtoie et tutoie les déficits publics avec beaucoup de complaisance », a déclaré de manière pour le moins abrupte et déplacée, comparant en outre là l’incomparable, le Ministre.
Car cette phrase, pour stupide qu’elle soit, ainsi que le rappela Laurent Fabius lorsqu’il invoqua, pour la stigmatiser, un célèbre mot du poète Schiller (« contre la bêtise, même les dieux ne peuvent rien »), s’avère, avant tout, honteuse, dotée, par-delà son indécence, d’un irrespect manifeste envers les victimes de cette immense catastrophe maritime.
UNE PHRASE SUICIDAIRE PLUS QU’ASSASSINE
Mais ce qu’il y a peut-être de pire, en cette phrase suicidaire plus qu’assassine, c’est ce qu’elle révèle, en réalité, en profondeur : un incroyable mépris, doublé d’une non moins suspecte dose d’arrogance (voir à ce propos, quoique dans un autre genre, la fameuse et toute récente formule de Christian Estrosi lorsqu’il osa qualifier « Le Fouquet’s » de « brasserie populaire des Champs »), de la part de certains membres de l’actuel gouvernement français, face aux plus vulnérables de notre société.
Oui : ces phrases chocs de Longuet comme d’Estrosi choquent ! Elles heurtent la conscience en ce qu’elle a de plus noble et blessent la dignité humaine. Je connais, du reste, bien des pays démocratiques et européens, y compris ceux que cet autre infatué de Sarkozy n’hésita pas à railler ces derniers temps, qui, face à de tels propos, aussi incongrus qu’intolérables, auraient poussé leurs ministres vers la porte de sortie. Exit Longuet et Estrosi !
Que Gérard Longuet, ce mandarin de l’actuelle majorité présidentielle, soit aussi piètre ministre qu’il est mauvais orateur (« communicant » dit-on dans le jargon médiatique), c’est ce dont tout spectateur un tant soit peu avisé en matière de politique (intérieure et étrangère) se sera inévitablement rendu compte lorsque ce même Ministre de la Défense dut se contenter, sur le plateau d’un journal télévisé de grande écoute, de jouer le pathétique second rôle, flanqué en cette occasion-là d’un Bernard-Henri Lévy aussi souverain qu’aguerri, pour commenter, lamentablement faut-il le préciser, l’intervention de l’armée française, fût-elle seulement dans les airs, lors de la révolution libyenne.
Car, là non plus, Longuet, hésitant et balbutiant, parfois hagard et souvent maladroit, pour ne pas dire franchement incompétent, ne connaissait manifestement pas son dossier : une honteuse et irresponsable lacune, surtout en un temps de guerre comme celui-là, là encore !
Mais qui, chez les valets politiques de Sarkozy, pour lesquels la forme prime trop souvent sur le fond et où de faciles slogans font tout aussi souvent office de débats d’idées, se soucie encore véritablement, aujourd’hui, du sens réel, profond et ultime, des mots ?
Car comparer, comme vient de le faire effectivement Gérard Longuet, un candidat aux futures élections présidentielles (que ce soit, par ailleurs, François Hollande ou tout autre) à un capitaine de bateau (celui du « Costa Concordia », en l’occurrence) accusé, face à ce drame humain, du double crime d’homicides multiples et d’abandon de navire, n’est-ce pas là, tout simplement, mépriser en réalité, par-delà l’insulte faite ainsi à la mémoire des morts et ce second outrage ainsi infligé aux blessés, la République même, son statut politique comme ses valeurs morales, et, par conséquent, sa propre fonction de serviteur de l’Etat ?
On aimerait entendre, sur cette incommensurable bourde de son ministre, chez qui l’abjection le dispute ici à l’idiotie, le toujours très rationnel et mesuré - l’un des seuls, parmi ces agités du bocal politicien, de la bande à Sarkozy, - François Fillon.
Mais à Dieu ne plaise : « sauve qui peut », diraient probablement les rats, s’ils savaient parler, en quittant le navire en train de couler, sans vouloir verser à mon tour en d’ineptes et mauvais jeux de mots, au milieu de la tempête… et non seulement, en ce douloureux cas, politique !
DANIEL SALVATORE SCHIFFER*
*Philosophe, auteur de « Critique de la déraison pure - La faillite intellectuelle des ‘nouveaux philosophes’ et de leurs épigones » (François Bourin Editeur).
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La déclaration de Gérard Longuet sur LCI :
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