Lost in university (1) : les masters pro
Après la réforme LMD, l’offre pléthorique et parfois racoleuse rend difficile et aléatoire le choix d’un master. Dans ce vaste univers, comment ne pas se perdre ?
Dans le cadre de la réforme LMD (1) voulue par le ministère de l‘Education nationale, les masters professionnels ont peu à peu pris la place des estimés DESS.
Mais que valent ces fameux masters, masters pro sur le marché du travail, et comment choisir ? Deux questions qui reviennent avec insistance sur les forums et chats du buzz universitaire.
En fait, devant l’inflation délirante des titres et diplômes, autant prévenir les étudiants des difficultés qui les attendent.
Choisir le bon master revient parfois à « passer le fil dans la bonne aiguille qui se trouve dans la botte de foin ».
Et mieux vaut ne pas se rater, si l’on en croit les « experts en débouchés des diplômes* ».
(*un master que je proposerais bien à l’inscription au RNCP (2) pour un métier qu’il faudrait créer toute affaire cessante afin de juguler cette Saint-Barthélémy estudiantine).
Sur le site de l’ANPE, il est précisé ceci : « il est important de faire au préalable un point sur ses compétences et de choisir le master en conséquence (en veillant particulièrement aux débouchés). Mieux vaut ne pas s’en tenir à son intitulé : il peut prêter à confusion si l’on n’analyse pas précisément le contenu du programme » .
Mais nos étudiants qui entrent dans l’enseignement supérieur sont-ils autant sensibilisés à la question de leur devenir professionnel, qu’on le croit ?
Si le souci des débouchés est plus net chez les nouvelles générations, nombreux sont ceux qui attendent de la formation (choisie pour elle-même) qu’elle fasse peu à peu émerger un projet.
On est donc fondé à se demander si, pour certains, l’intitulé ne prime pas dans le choix d’un master. Un début d’explication peut-être à l’enflure des appellations.
Ainsi, en tête de gondole figurent quelques hits de la finance ou de la gestion, dont les intitulés sibyllins (master 203, master 202) frisent le délit d’initiés (3).
Personnellement j’ai un faible pour le master Carthageo pro (4) qui couvre les domaines très en vogue de la cartographie numérique, l’exploitation de systèmes d’information géographique, le traitement et l’analyse de données géographiques.
Pour des jeunes que la technologie attire, c’est aussi, et il faut le dire, un boulot assuré, compte tenu du fort développement de l‘activité dans les bureaux d‘études et chez les éditeurs de logiciels SIG.
Je conseillerais bien l’un de ces masters pro BTP (5), mais, malgré d’excellents débouchés, ils peinent à séduire, au grand dam de la profession. Peut-être faudrait-il donner à leurs appellations un petit côté mystérieux ou flamboyant, à l’image des deux précédents ?
D’autres intitulés paraissent plus propices à l’errance qu’à autre chose.
Je ne résiste pas à l’envie d’en dresser une liste non exhaustive :
Master de gestion de la pluralité linguistique
Master de médiation des savoirs et multilinguisme
M2P genre et politiques sociales
M2P études sur l’Amérique latine
Master médiation et ingénierie culturelle
Master management de la culture et des médias
M2P droit du cyber-espace africain
Master politiques sociales et rapports sociaux de sexe
Master sciences de la société : mention sports : usages sociaux et pédagogiques
Master droit des victimes
Master politiques publiques en Europe
Master politique locale et développement
Master pro de psychologie des perturbations cognitives
Master pro sciences de l’homme et de la société
Master des changements sociaux, mécanismes d’exclusion et dynamisme d’intégration
Master éducation familiale - conception, évaluation des dispositifs d’éducation familiale et d’interventions socio-éducatives
M2P politiques de la ville, morphologies urbaines, interventions sociales
Master pro politiques sociales et rapports sociaux hommes-femmes
Master sociologie appliquée à l’intervention sociale
Master sociologie appliquée à la gestion locale
Master sociologie appliquée au développement local
Certes, parmi ces titres, certains sont orientés recherche, mais, pour nombre d‘entre eux, on constate que l’on est loin de la finalité des masters pro, loin de l’emploi donc.
S’agissant du choix d’un master pro, l’ANPE n’y va pas par quatre chemins : « L’essentiel est de ne pas tomber dans la formation "gadget", celle qui laisse penser aux recruteurs que l’on a cherché à retarder son entrée dans la vie active ».
Prenons la sociologie : voilà une matière qui fait couler beaucoup d’encre...
Chez nous, la sociologie est une des disciplines, parmi les sciences humaines, qui produit le plus de diplômés. Ceux qui la choisissent le font souvent par défaut, ou par manque d’imagination et plus rarement par choix.
C’est pourquoi il serait bon que l’on précise aux étudiants que les principaux employeurs de diplômés de sociologie et accessoirement de sociologues sont les Conseils régionaux, les départements, les villes ou, encore, les associations d‘insertion et de formation et que leur offre est loin d‘être pléthorique.
Mais veulent-ils vraiment le savoir ?
Il serait bon également qu’on leur signale que le salaire moyen des diplômés de sociologie au niveau LMD avoisine les 1 350 euros net par mois (contre 2 450 dans le BTP), autant dire une misère.
Mais veulent-ils vraiment l’entendre ?
Et pourtant, depuis vingt ans, les effectifs de diplômés en sociologie continuent d’augmenter (de 6 % par an en moyenne).
Un phénomène d’autant plus inquiétant que, comme le souligne une étude (6) réalisée par l’université Paris 8, les « débouchés réels de la sociologie oscilleraient entre caissière et professeur des écoles », avec 40 % de chômeurs en sortie prématurée.
Peut-être faut-il aussi s’interroger sur la raison de tout ce génie créatif qui s’exprime dans nos chaires universitaires.
En creusant le sujet, il ressort que l’inflation de titres et de diplômes irait de pair avec le poids de l’incertitude quant aux débouchés. En gros, moins l’on sait où l’on va, plus on trace de sillons.
Vue d’hélicoptère, la géométrie est certes très élaborée, mais l‘impétrant, lui se perd dans un champ de maïs fraîchement coupé (où la moisson est déjà faite donc).
On dit souvent des étudiants qu’ils attendent de l’université qu’elle leur assure des débouchés. Mais, en même temps, leurs attitudes (discours anti-entreprise) et leurs choix d’études (parfois déconcertants) montrent qu’ils sont encore nombreux à aimer tout autant s’amuser et mener une vie facile, ce qui est compréhensible à cet âge.
Comme quoi, l’on peut craindre l’avenir et se montrer en même temps aussi insouciant que les générations précédentes.
Mais, en période de basses eaux pour l’emploi, tout doit être fait pour réconcilier les jeunes avec l’entreprise.
Aussi, partant du constat que les pays où les formations sont proches du marché du travail sont moins affectés par le chômage, il serait judicieux de relever le nombre de masters en apprentissage.
Un moyen honorable d’en ramener quelques-uns sur terre (sain et sauf).
http://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9forme_LMD
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