Lost in university (2) : les licences
Près de 40 % des étudiants entrés en première année du premier cycle licence n’atteindront pas la licence. Un chiffre énorme, imputable en grande partie au fait que, dans l’euphorie du baccalauréat, nombre de jeunes choisissent leurs études supérieures dans la précipitation.
L’"orientation active" prônée par Valérie Pécresse, notre ministre de l’Enseignement supérieur, qualifiée à tort de "sélection déguisée", suffira-t-elle à inverser la pente.
En fait d’"orientation active", nous sommes loin du compte pour le moment, pour la bonne raison que cette disposition est comme "tombée du camion". Un haut degré d’impréparation explique largement le flottement actuel.
Si le but est de dissuader les élèves à faible potentiel (présumé) de s’inscrire en université, alors on passe à côté de la vraie question qui est de connaître le niveau d’information et le degré de maturation du projet du bachelier. Une lettre de motivation accompagnée d’une enquête métier et d’un rapport de stage de découverte en entreprise pourrait tout aussi bien faire l’affaire, même si chacun est en droit d’attendre beaucoup mieux de l’"orientation active". Pour faire court, organiser des journées portes ouvertes, c’est bien, mais ça ne suffit pas !
Le bras de fer avec les syndicats étudiants aura peut-être pour une fois incité le gouvernement à plus de réflexion sur le fond de la réforme.
Ainsi, ce jeudi 13 décembre, Valérie Pécresse a annoncé son plan d’attaque “Réussir en licence”.
Le pari est très ambitieux : diviser par deux et en cinq ans le taux d’échec en première année à l’université et atteindre l’objectif de 50 % d’une classe d’âge au niveau licence.
"Il faut en finir avec cette sélection par l’échec", a déclaré la ministre.
Pour ce faire, l’accent sera mis sur l’encadrement des élèves, mais également sur l’individualisation des cursus. L’idée d’une spécialisation progressive et d’une professionnalisation pour cette licence "rénovée" constitue une avancée notable qui répond, en outre, à des attentes anciennes.
Voilà en gros ce qui devrait changer en 2009 pour cette licence rénovée :
- une première année dite "fondamentale" pluridisciplinaire donnera aux étudiants une culture de base (TIC, langues étrangères...) et où apprendre à apprendre et devenir autonome sera appris ;
- la deuxième dite de "consolidation" est destinée à découvrir le monde par le biais de séminaires, de tutorat d’entreprise, de forums... C’est aussi et surtout l’étape d’entrée dans la spécialisation disciplinaire ;
- enfin, la troisième année sera celle de la spécialisation. Les étudiants pourront se rapprocher des différents domaines de métier au moyen de stages en entreprise.
Complémentairement, et pour plus de transparence, les universités devront "afficher clairement les places disponibles, les taux de réussite aux examens et les taux d’insertion professionnelle dans chaque filière".
Ne nous y trompons pas, il s’agit bien d’une rupture qui laisse à penser que les deniers publics devront être dépensés à bon escient et que ce qui passe au premier plan, dorénavant, c’est le maillage plus serré entre filières diplômantes et débouchés.
Réformer, c’est aussi se montrer créatif et innovant. En ce sens, "découvrir le monde" ne devrait pas se limiter à des forums, à des séminaires. Encourager les expériences d’intérêt public ou de travail à l’étranger serait une bonne chose. Car s’orienter nécessite de se découvrir soi-même, ce qui passe par la confrontation à autrui et aux mondes qui nous sont étrangers.
Pour l’heure, la réforme semble trouver écho, même auprès des syndicats d’étudiants, qui ont accueilli favorablement le plan "Réussir en licence".
Si le problème des moyens soulève encore quelques inquiétudes, il semble que, pour une fois, on parvienne à réformer sans froisser la tôle.
Plus que la question des moyens, le défi réside aussi dans la capacité de l’université à élargir sa palette d’outils et à admettre que le savoir (et le salut) peut aussi venir d’ailleurs. En un mot, une université moins repliée sur elle-même.
Pas à pas, on avance. L’école et l’université ont pris le virage et le processus d’ "orientation tout au long de la vie" paraît s’enclencher.
Un chantier long et complexe qui prend tournure, mais qui est loin d’être achevé.
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