Mais qui a tué Mgr Aupetit ?
Le 26 novembre dernier, l'archévêque de Paris Mgr Aupetit remettait sa charge au Pape après une intense polémique lancée par le journal le Point, qui révélait la rumeur d'une relation intime entre le prélat et une femme, contrevenant gravement aux vœux de son ministère. Dans le petit milieu catho, les hypothèses abondent : qui a dénoncé l'archévêque ?
« Ah, bon Dieu, si l’on était deux ! » Michel Aupetit aurait-il trop écouté Michel Sardou ? Comme dans ce tube de 1973 du chanteur français, la solitude aurait-elle trop pesé sur l’archevêque de Paris, au point qu’il en vienne à contrevenir à son vœu de chasteté ?
Selon le Point, certains membres de l’équipe de l’évêque auraient découvert au printemps 2020 un email vieux de 8 ans et destiné à une femme avec laquelle il aurait entretenu une relation intime. Un courriel envoyé à l’époque par erreur à sa secrétaire et qui sème aujourd’hui le trouble dans tout l’épiscopat.
Sommé de s’expliquer, le prélat se serait enfoncé dans des explications confuses avant de nier les faits et mai 2020, l’affaire était confiée au nonce apostolique Celestino Migliore, « ambassadeur » du Vatican en France. Interrogé par les journalistes du Point, Monseigneur Aupetit se défend : « Alors que j’étais vicaire général, une femme s’est manifestée à de nombreuses reprises auprès de moi par des visites, des courriers, etc., à tel point que j’ai parfois dû prendre des dispositions pour mettre de la distance entre nous. Je reconnais cependant que mon comportement vis-à-vis d’elle a pu être ambigu, laissant ainsi sous-entendre l’existence entre nous d’une relation intime et de rapports sexuels, ce que je réfute avec force. En début d’année 2012, j’en ai informé mon accompagnateur spirituel et, après discussion avec l’archevêque de Paris de l’époque [le cardinal André Vingt-Trois, NDLR], j’ai décidé de ne plus la revoir et je l’en ai informée. Au printemps 2020, après avoir évoqué cette situation ancienne avec mes vicaires généraux, j’en ai averti les autorités de l’Église. »
Mais le 26 novembre dernier, devant l'ampleur de la polémique, l'archévêque de Paris a annoncé avoir remis sa charge au Pape. Au Vatican de choisir la suite donner à cette affaire, qui fait déjà grand bruit. Car la chute du tout puissant archévêque de Paris, à la tête d'une véritable "Église dans l'Église" en France, n'est pas arrivée par l'opération du saint esprit : un secret a été rompu, et des informations ont été dévoilées à la presse. Mais par qui et pourquoi ?
Une affaire qui expliquerait bien des choses
Première hypothèse : les courants les plus conservateurs ont peut-être tenté de faire sauter le siège de cet archévêque de plus en plus sévère à leur égard. En effet, si Monseigneur Aupetit n’était pas particulièrement connu pour son progressisme en matière doctrinale ou liturgique au moment de sa nomination à la tête de l’archevêché parisien, il a depuis quelques mois fait étrangement preuve d’une sévérité inattendue à l’égard de « l’aile droite » de l’Église.
Ainsi, alors que dans l’ensemble, la plupart des évêques de France n’ont pas souhaité relancer la guerre liturgique avec les « tradis » partisans de la messe en latin après le motus proprio « Traditionis Custodes » du Saint-Siège, il en a été tout autre dans le diocèse de Paris. Dans la capitale, la moitié des messes traditionnelles ont été brutalement supprimées.
Une disparition niée honteusement par l’archevêque pendant plusieurs jours, avant de rompre tout dialogue avec des fidèles pourtant plus jeunes et plus dynamiques que la moyenne de ses ouailles, ce qui aurait dû a priori susciter la sympathie du prélat.
La faute à un chantage de la part de ses équipes rapprochées, plus à gauche et mise au courant de son petit secret ? Monseigneur Aupetit aurait-il subi des pressions qui expliqueraient la brutalité de ses mesures et son attitude hostile et fermée à tout dialogue ?
Ceci expliquerait également l’extrême sévérité avec laquelle l’affaire du Lycée Saint-Jean de Passy a été menée : sans être « tradi », l’établissement scolaire était un fief de la droite catholique parisienne. À la suite d’accusations relatant une gestion particulièrement « dure » des ressources humaines, Monseigneur Aupetit n’avait pas hésité à renvoyer sans ménagement, en plein confinement et sans prévenir les parents d’élèves le directeur du lycée privé et son préfet des terminales.
Une méthode musclée qui a suscité l’ire de la bourgeoisie catho de l’Ouest parisien, sous l’œil goguenard des « cathos de gauche » qui voyait enfin Saint-Jean de Passy privé de ses méthodes pédagogiques conservatrices, et assumées comme telles.
Là encore, la fermeté et l’obstination de l’archevêque avaient surpris au moment de l’affaire. Un chantage de son entourage progressiste au courant de sa correspondance secrète expliquerait beaucoup de choses, et il serait un excellent "mobile" pour expliquer les motivations de ceux qui ont dévoilé ces rumeurs à la presse. L'aile "droite" de l'Église aurait sacrifié Aupetit pour mettre fin à un chantage qui se menait contre elle : nous avons un excellent mobile et un très bon suspect.
Seconde hypothèse, moins rocambolesque mais tout aussi envisageable : une simple mauvaise gestion des ressources humaines. L'archévêque était connu pour la discipline de fer qu'il faisait régner dans son diocèse, pourtant habitué à la discipline rigide de l'Église. Le prélat n'a jamais fait mystère que sa gestion "musclée" et sans pincettes de ses équipes, des prêtres de paroisses au personnel administratif : ordre directif, aucune négociation possible... Un "management toxique" comme on dit désormais dans le milieu professionnel.
D'ailleurs, les démissions en pagaille qui ce sont accumulées ces dernières semaines dans l'entourage proche de Monseigneur Aupetit auraient été provoqué par sa gestion brutale de ses équipes. Une gestion qui serait mal passé auprès de certains, qui auraient décidé de mettre sur le banc de touche cet évêque un peu trop... dictatorial.
Une chose est sûre : la fuite vient de l'intérieur de l'institution et à ce titre, c'est un petit séisme qui vient de secouer l'Église de France dont les secousses pourraient se faire ressentir pendant encore de nombreuses années.
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