Mali : Les mensonges de la propagande de guerre française, par Mohamed Tahar Bensaada :
"Hollande a pris la « courageuse » décision
d’envoyer les hélicoptères Gazelle des forces spéciales de l’armée de
terre, des Mirage 2000D et des Rafale contre les colonnes des
djihadistes qui menacent la sécurité de l’Europe.
Dans cette guerre, la France n’a pas besoin de justification
supplémentaire, il suffit qu’elle ressasse la propagande rôdée désormais
au fil des dernières guerres de l’Empire, elle intervient pour sauver
le peuple malien et pour les droits de l’Homme. Les intérêts de la
France, au premier rang desquels le contrôle des mines d’uranium du
Niger voisin, ne viendraient qu’en second lieu. Comme d’habitude, les
médias de l’hexagone ont rivalisé dans le rôle qui leur est dévolu : la
fabrication de mensonges éhontés en vue de justifier une guerre de
rapine et de domination néocoloniale. Retour sur les mensonges les plus
grotesques.
Premier mensonge.
Les apparences
diplomatiques sont sauves. Le président français a justifié sa décision
d’intervenir au Mali en prétextant l’appel à l’aide du gouvernement
malien. En effet, le président intérimaire malien, Dioncounda traoré, a
lancé un appel au secours à la France pour stopper l’avancée des
rebelles d’Ansar Dine qui avaient pris le contrôle de la ville
stratégique de Konna. Mais ce que le gouvernement et les médias français
ont oublié de rappeler c’est que ce président malien ne dispose
d’aucune légitimité pour appeler à l’intervention militaire d’une
puissance étrangère sur le sol malien.
Il s’agit d’un président intérimaire désigné en
concertation avec l’Union africaine et les Etats de l’Afrique de l’ouest
pour retourner au plus vite à l’ordre constitutionnel après le coup
d’Etat du capitaine Amadou Sanogo et en vue de préparer des élections.
Aussi bien le commandement de l’armée malienne que de larges secteurs de
la société civile et politique malienne, même s’ils sont attachés au
recouvrement par leur pays de son intégrité territoriale et à son unité
nationale, s’opposent légitimement à l’intervention étrangère dans des
conditions qui n’assurent pas au Mali le contrôle des opérations et de
la suite des évènements.
Second mensonge.
Le gouvernement
français justifie son opération Serval par le souci de contrer les
rebelles d’Ansar Dine qui ont lancé la semaine dernière une offensive
contre des localités situées au centre du pays en direction du sud.
Ce
faisant, le gouvernement français tente de donner à cette opération un
caractère défensif. Rien n’est plus faux. Depuis que le nord du mali a
échappé au contrôle du gouvernement central de Bamako pour tomber entre
les mains du mouvement Ansar Dine et des autres mouvements djihadistes,
on le sait, la France n’a pas cessé d’appeler à la guerre en poussant en
avant les Etats de la CEDEAO pour donner un semblant de légitimité
africaine à cette guerre néocoloniale.
Après avoir réussi à torpiller les efforts de
médiation du gouvernement algérien en vue de trouver une solution
politique à la crise et à arracher une résolution du conseil de sécurité
de l’Onu autorisant le déploiement d’une force africaine mais dans le
cadre d’un plan de résolution politique globale de la crise, la France a
continué en coulisses à pousser le gouvernement malien et les autres
gouvernements de l’Afrique de l’ouest à vider cette résolution onusienne
de son contenu et à se préparer à la guerre.
De son côté, l’Algérie a réussi récemment à amener
les deux principaux protagonistes du mouvement national touareg Ansar
Dine et le MNLA à trouver un accord en vue de négocier une solution
politique avec le gouvernement de Bamako. Des délégations de ce
mouvement ont rencontré le ministre des affaires étrangères du Burkina
Faso à Ouagadougou. Mais sous la pression française, le gouvernement
malien a ignoré ces bons offices et a continué en secret à préparer
l’offensive armée qui était planifiée entre l’été et l’automne 2013
comme en témoigne le recrutement tous azimuts et l’entraînement de
mercenaires de tous les coins d’Afrique, étant entendu que les 3000
hommes de la CEDEAO n’allaient pas suffire à déloger les mouvements
touareg de leurs positions.
Le mouvement Ansar Dine n’avait plus d’autre
choix que d’attendre que l’adversaire se prépare à son aise et qu’il se
fasse écraser ou alors d’anticiper sur l’action de ses adversaires et
lancer une offensive militaire pour rappeler à Bamako son existence et
le forcer à négocier sérieusement.
La France a compris l’enjeu et a dû changer son
plan initial. Au lieu d’attendre encore quelques mois le temps de
préparer ses supplétifs africains pour la sale besogne, elle a dû
intervenir directement. En apparence, Ansar Dine et ses alliés d’Aqmi et
du Mujao ont mal calculé leur coup en provoquant cette intervention
française prématurée qui pourrait leur coûter cher. Mais d’un autre
côté, les masques sont tombés. La France est intervenue directement dans
un conflit dont il n’est pas sûr qu’elle s’en sorte sans perdre
beaucoup de plumes.
Troisième mensonge.
Le
gouvernement français prétend qu’il mène cette guerre contre les
djihadistes qui contrôlent le nord du Mali et menacent désormais le
territoire de la France et de l’Europe. En reprenant cet argument
officiel, les médias français usent d’un mensonge grossier.
D’abord, ils
sont bien culotés de servir pareil argument à leurs téléspectateurs La
France qui n’a pas hésité à armer et soutenir les djihadistes en Libye
et qui n’hésite pas aujourd’hui à soutenir les djihadistes en Syrie se
découvre subitement une âme laïque et démocratique au Mali ! La laïcité
ici n’est qu’un cache-sexe servant à cacher de sordides desseins
stratégiques et économiques.
Le mouvement Ansar Dine est avant tout un
mouvement de libération touarègue. Ses membres fondateurs et ses cadres,
à commencer par leur leader Iyad Agh Ghali, proviennent tous du
mouvement de libération touareg qui a lutté les armes à la main durant
les années 80 contre le gouvernement central de Bamako et qui ont déposé
les armes dans le cadre des Accords d’Alger en 1991.
Que ce mouvement ait connu par la suite une
évolution idéologique fondamentaliste est une chose que seul une
islamophobie aveugle pourrait confondre avec le djihadisme terroriste
dans lequel excellent des groupes comme Aqmi et le Mujao. Justifier une
guerre au Mali au nom de la lutte contre le fondamentalisme d’Ansar Dine
c’est comme si l’Etat italien justifiait dans les années 70 et 80 une
mise hors-la loi du parti communiste italien sous prétexte que les
groupes terroristes des Brigades rouges et de Prima Linea usaient de la
même rhétorique marxiste-léniniste !
Quatrième mensonge.
La propagande
française met l’accent sur le fait qu’il n’y a pas de différence
fondamentale entre Ansar Dine et les autres groupes djihadistes. La
preuve c’est que Ansar Dine a gardé des contacts avec ces mouvements.
Ansar Dine se défend en disant qu’il n’a rien à voir avec ces mouvements
mais comme ils sont sur le même terrain, il est normal qu’il ait des
contacts avec eux.
D’ailleurs, les services français entretiennent
des contacts officiels sous la couverture du Quai d’Orsay avec ces
groupes comme vient de le dévoiler un des chefs d’Aqmi au Mali,
Abdelhamid Abou Zeid et ce, dans le but de libérer les otages français
contre des rançons qui se sont avérées ces dernières années un mode bien
commode de financer ces groupes terroristes dans leurs actions contre
l’adversaire inavoué de la France dans la région : l’Algérie.
Pire, rien
n’interdit de penser que les services français regardent avec une
certaine complaisance le jeu que certains protagonistes régionaux jouent
avec les narcoterroristes du Mujao pour affaiblir l’encombrant voisin
algérien…
Parmi les arguments servis pour justifier la
soi-disant collusion d’Ansar Dine avec les groupes terroristes, la
propagande française relayée malheureusement par certains médias
algériens, il y a le fait qu’Ansar Dine refuse de combattre Aqmi et le
Mujao en avançant que ce n’est pas son rôle à lui de les combattre, en
tout cas pas avant la résolution du conflit avec Bamako et le retour de
la paix et de la stabilité dans la région
. Et dans ce cas, les
djihadistes étrangers seront bien obligés de quitter le territoire
malien de gré ou de force. Comme le rappelle à juste tire un
porte-parole d’Ansar Dine, pourquoi les gouvernements occidentaux qui
mettent aujourd’hui la pression son mouvement pour combattre Aqmi n’ont
pas usé des mêmes pressions sur le régime du président malien déchu
Amadou Toumani Touré dont la collusion avec les groupes narcoterroristes
était avérée ?
Que le programme et l’interprétation rigoriste de
la Charia islamique d’Ansar Dine posent problème, sans doute. Mais ce
sera une affaire interne à la société touarègue et malienne et ce n’est
en tout cas pas l’affaire de la France et des gouvernements africains à
sa botte. Si l’application de la Charia devait constituer un objet de
casus belli, la France devrait entrer sans tarder en guerre contre les
pétromonarchies du Golfe et bientôt contre les pays arabes dont la
nouvelle constitution devrait s’inspirer explicitement de la Charia :
Egypte, Tunisie, Libye et bientôt Syrie !
Non content de semer la confusion au sein de
l’opinion publique et d’essayer de diaboliser coûte que coûte Ansar Dine
parce qu’il ne s’inscrit pas dans leur stratégie néocoloniale, les
services français cherchent à faire diversion via les sites
franco-israéliens amis qui font passer Ansar Dine pour une création
tantôt saoudienne tantôt qatarie, en laissant aux sites makhzéniens le
loisir de vendre la thèse éculée qui voit dans le DRS algérien le
nouveau démiurge de la géopolitique sahélo-saharienne.
Cinquième mensonge.
Le
gouvernement français a monté toute sa campagne diplomatique en
direction de l’union africaine, l’union européenne et l’Onu en vue de
justifier une guerre au Mali au nom de la défense de l’intégrité et de
l’unité territoriale du Mali menacée par la déclaration d’indépendance
unilatérale de l’Azawad proclamée par le MNLA. C’est peut-être le plus
gros mensonge de cette guerre tant il est archi-connu que la France a
toujours tenté de manipuler les mouvements séparatistes touarègues au
Mali et au Niger pour faire chanter les gouvernements de Bamako et
Niamey en vue de les amener à accepter ses conditions de « coopération »
néocoloniales.
Il ne faut pas oublier que le mouvement
séparatiste appelé MNLA a été créé dans la précipitation par Mohamed Ag
Najem qui commandait un millier de mercenaires touarègues maliens au
service du régime de Kadhafi et qui a été retourné par les services
français quelques semaines avant la chute de Tripoli. Ag Najem aurait-il
accepté de trahir Kadhafi et de retourner au Mali s’il n’avait pas eu
les assurances de Paris pour pouvoir rentrer chez lui avec armes et
bagages remplis d’or et de dollars pour jouer le nouveau rôle qui lui a
été dévolu ?
C’est quand le MNLA a été chassé de ses positions
conquises au nord par les combattants d’Ansar Dine et des autres groupes
djihadistes que le gouvernement français a changé de fusil d’épaule et
s’est mis à défendre hypocritement la thèse de l’intégrité territoriale
du Mali. En fait, la diplomatie française est en train de réchauffer un
vieux plan colonialiste visant à diviser l’Afrique et les Africains pour
mieux régner.
Elle agite notamment l’épouvantail de l’islamisme
pour faire passer la manipulation sordide des élites et des populations
bambara au sud contre les tribus berbères et maures du nord qu’elle juge
moins dociles et plus enclines à s’allier avec les nouveaux régimes qui
sont en train d’émerger en Afrique du nord à la faveur des mouvements
de contestation que les officines impérialistes cherchent à
instrumentaliser et à dévoyer mais en vain
. L’opposition entre
populations musulmanes et populations chrétiennes et/ou animistes est en
train de devenir un nouveau cheval de bataille idéologique impérial en
Afrique comme l’illustre à merveille le laboratoire soudanais appelé à
servir de modèle pour toute la région.
Sixième mensonge.
Les médias
français ont abreuvé les téléspectateurs d’images et de reportages bidon
montrant des citoyens maliens dans la capitale qui applaudissent
l’intervention française. Bien-sûr, il se trouvera toujours des Maliens
qui se rappellent l’esclavage d’avant-hier des esclavagistes touarègues
et maures et oublient l’esclavage moderne d’hier et d’aujourd’hui des
colons et des capitalistes français mais la majorité des Maliens ne sont
pas dupes du jeu de la France.
Les médias français montrent ce qu’ils
veulent montrer et s’imposent le silence sur les manifestations des
patriotes maliens, réunis au sein de la COPAM (coordination des
organisations patriotiques du Mali) qui ont appelé au lendemain de
l’intervention française au départ du président malien qui n’a aucune
légitimité démocratique
.
Septième mensonge
. Au lendemain
de l’intervention française, les médias reprennent les communiqués
triomphalistes du ministère français de la défense. Une centaine de
djihadistes auraient été éliminés et leur avance vers le sud aurait été
stoppée. Les pertes françaises sont minimisées. La perte d’un
hélicoptère Gazelle a été attribuée au début à un crash. Mais voilà que
les nouvelles moins rassurantes commencent à tomber. Ce n’est pas un
hélicoptère mais deux qui ont été abattus dès le premier jour de
l’opération. Le pilote d’un hélicoptère Gazelle, le lieutenant a été
mortellement touché.
Mais le fait qui témoigne de la grossièreté des
mensonges de guerre français est qu’on apprend au troisième jour de
l’opération Serval que l’offensive des combattants d’Ansar Dine n’est
pas totalement stoppée alors qu’on nous a assuré la veille qu’elle a été
stoppée
. Pire, le gouvernement français vient de renforcer son
dispositif d’intervention militaire de manière spectaculaire et
inquiétante comme s’il s’agissait d’une guerre contre une armée
conventionnelle. A en croire le site spécialisé dans les questions
militaires « Mer et marine » les forces françaises engagées actuellement
au Mali proviennent du dispositif Epervier basé au Tchad et qui ne
comprend pas moins que six Mirage 2000D, deux Mirage F1 CR, trois C135,
un C130 Hercule et un C160 Transall.
Et aux dernières nouvelles, on
apprend l’engagement des Rafale ! La facture risque d’être très salée
pour un Hollande qui cherchait à faire des économies mais surtout pour
le peuple français appelé à se serrer encore plus la ceinture pour
contribuer à cette guerre coloniale !
Mais comme un malheur n’arrive jamais seul. On
apprend en même temps que l’opération d’un commando de la DGSE en vue de
libérer un des leurs détenu par les miliciens du groupe Chabab en
Somalie s’est soldée par un fiasco. L’otage aurait été tué et deux
membres du commando de la DGSE éliminés. La propagande française
voudrait faire croire que le commando de la DGSE a éliminé 17
djihadistes mais n’arrive pas à expliquer comment ils n’ont même pas pu
récupérer les corps de leurs camarades tués
. Les djihadistes somaliens
ont même déclaré qu’ils détiennent un membre du commando français blessé
mais vivant ! Ces déboires risquent d’annoncer d’autres conséquences
beaucoup plus dramatiques pour les populations civiles du nord Mali et
pour la vie des otages français eux-mêmes. Au lieu d’assurer sa sécurité
et celle de ses ressortissants, la France est bien partie pour vivre
quelques aventures que ne lui envieraient pas ses alliés de l’Otan qui
lui ont promis jusqu’ici bien timidement leur soutien logistique.
Tout
cela pour l’uranium du Niger et les milliards de bénéfices d’AREVA et de
SUEZ et leurs banquiers !
Tout cela pour Total et pour les compagnies pétrolières américaine et britanniques qui vont empocher la mise."
Source : http://french.irib.ir/analyses/item/236682-mali-les-mensonges-de-la-propagande-de-guerre-fran%C3%A7aise,-mohamed-tahar-bensaada