
J’accuse, même si je ne saisis pas toujours l’engouement de certains pour ces breuvages et nourriture d’âme que nous qualifions gastronomie. Qui de vous peut me dire pourquoi tant d'effusions, brûlantes émotions, pertes de la raison pour des produits marketés ?
Qu'avons-nous à gagner de ces papilles émoustillées, et plaisirs du bout des lèvres ? Comment pouvez-vous donc aimer ces faux nectars, faux fromages, faux crabe, sachant qu'ils éteignent une flamme, étourdissent votre esprit, enivrent et contaminent les faiblesses de nos vies ? Le coeur, bercé de fausses sensations, l’âme saoule de mauvaise façon, guident le pêcheur et sème l’innocent.
Un sucre d’or et de velours, caresse la langue dès l’enfance d’extases gustatives, mais dès qu’il le peut, doucement, sûrement, étouffe le bon sens. Et voici que je vois dans vos yeux ébahis l’action inéluctable d’un mets trompeur aguerri, le voilà insidieux dans vos veines encore vierges, violence délicieuse, masque aux reflets noircis, porteur de germes cancérigènes.
Ses fruits hors saison, rouge sang, démons de l’insouciance du péché défendu, qui fermentent en alcools chaleureux et tromperies habiles, en Ambroisie du démon hypocrite.
Réagissez ! Hier et aujourd’hui des pays ont chuté, des hommes sont fourvoyés de querelles irréfléchies sans but humain, mais uniquement économique. De l’aliment maudit en découle la honte du non durable, l’angoisse de la maladie et la paresse de s’attabler, indécise bassesse, infinie faiblesse !
Je ne cherche nullement à toucher vos raisons, bien que pour votre honneur il faille faire attention. Le poison assassin, l’aliment malsain, peut se faire doux coton, à condition bien sûr comme le dit le dicton, de bien le consommer avec modération.
Je dénonce l’économie de cette gastronomie, je dénonce le restaurant et ses guides aigris, et je dénonce surtout cette dictature du goût. Je voudrais pouvoir trouver dans nos galeries, un choix étonnant ou carrément un fourbi, de mets à défauts ou de mets de qualité, pour combler les papilles mais aussi les palais, que son goût détestable reste le sien, et que le mien mémorable comble ma faim. Je voudrais que chacun puisse faire grandir sa propre vision du « bon », sans que les responsables marketing la définissent pour nous. Je dénonce ces mouvements par pur mépris, car c’est pour nos tables que ce mets naquit.