Manuel Huntington ?
Ah ça faisait une paire de mois que ça me démangeait, là. Jusqu'ici je m'étais dit, faute de grive, on va faire avec. Mais aujourd'hui, ça y est, il a franchi le rubicon de la bêtise. En déclarant hier que les attentats en France étaient un" guerre de civilisation" (pour la seconde fois !), ce premier ministre choisi sur l'étagère des sondages vient de commettre la bourde du siècle, qui ruine des années d'effort pour faire comprendre tout l'imbécillité de la formule de Samuel Huntington. Voici donc celui qui dirige la France devenu neocon, le vocable avec lequel on a affublé pendant des années toute l'équipe dirigeante de G.W.Bush. On pouvait difficilement s'attendre à voir un gouvernement de gauche se ranger derrière la bannière des va-t-en guerre, et ici c'est pire encore. Le voici proche des pires curetons fanatiques de l'auteur américain controversé !!! Après Berlin, va-t-il se rendre à genoux à Canossa, vu qu'il a déjà serré la paluche du pape ? En une seule phrase, Valls vient de tuer le formidable élan qui a suivi Charlie-Hebdo : car, non, désolé d'avoir à lui dire, sinon à lui répéter, mais ce n'est surtout pas une guerre entre "civilisations" !!!
Notre premier ministre vient de commettre un grave écart de langage. Une dérive, une grave dérive. Et vient aussi de se ranger sous la bannière de... Sarkozy, qui n'attendait que ça, vu que c'était lui, jusqu'ici, le fervent partisan du choc des civilisations. Je vous en avais déjà parlé ici ; de la dérive de Sarko : "dès le 27 août 2007, à peine élu, lors de son discours aux amabassadeurs, il avait clairement fait référence à Huntington :"que le "premier défi, sans doute l'un des plus importants" auquel doit faire face la France est : "comment prévenir une confrontation entre l'Islam et l'Occident ? Ce n'est pas la peine d'employer la langue de bois : cette confrontation est voulue par les groupes extrémistes tels qu'Al Qaeda qui rêvent d'instaurer, de l'Indonésie au Nigéria, un khalifat rejetant toute ouverture, toute modernité, toute idée même de diversité. Si ces forces devaient atteindre leur sinistre objectif, nul doute que le XXIe siècle serait pire encore que le précédent, pourtant marqué par un affrontement sans merci entre les idéologies".
Le 3 octobre 2007, à Bruxelles encore, où il s'était violemment emporté contre les musulmans de France. Il "s’est lancé dans un monologue confus d’une vingtaine de minutes, « dans un langage très dur, très familier, choquant pour tout dire », contre le « trop grand nombre de musulmans présents en Europe » et leurs difficultés d’intégration. Il a aussi décrit de façon apocalyptique le « choc de civilisation » qui oppose les musulmans à l’occident. Le tout, manifestement, pour justifier son opposition à l’adhésion de la Turquie à l’Union" nous avait raconté Libération" vous avais-je dit ici-même le 7 mars 2011.
Valls droit dans les bottes de Sarko (la "civilisation" c'est aussi le costard et la coupe de cheveux, visiblement, chez les deux), quel cadeau offert à l'excité du palais présidentiel qui rêve toujours de retrouver son bureau élyséen ? Quelle mouche a bien pu piquer ce premier ministre leveur de menton pour sombrer ainsi dans les thèses à deux balles d'un Samuel Huntington ? Faut-il qu'il n'ait pas grand chose dans le ciboulot pour ne pas s'être aperçu de ce qu'allait provoquer cette sortie d'une idiotie sidérante ? Le moment n'est pas à la guerre, monsieur le premier ministre, mais à la civiisation, justement. On ne répond pas aux provocations par des méthodes guerrières. On renforce l'idée auprès des gens que la démocratie vaut bien davantage que cela, mais que c'est plus difficile à mettre en place que de couper des têtes. Car même en ce qui concerne le fait, il faudrait aussi vous rappeler que la fameuse civilisation dont vous venez vous-même, en a découpé, jadis des têtes, et bien plus que Daech en ce moment. Les extrême-droitistes qui vous détestent nés en Vendée (et non à Barcelone) s'en souviennent, eux, mais pas vous, voilà qui est étrange, avouez-le.
Pour lutter contre l'horreur on n'offre pas en cadeau une phrase affirmant que c'est une guerre, car ce faisant vous offrez aux extrémistes islamistes ce qu'ils souhaitent le plus. Une guerre, par définition c'est en effet "une lutte armée entre États". Or l'Etat de Daech n'existe pas, c'est un patchwork de groupuscules pas toujours d'accord entre eux, qui revendiquent de faire partie d'un ensemble plus vaste : en parlant de guerre, monsieur le premier minsitre inconséquent, vous venez de créer le fameux Califat dont ils rêvent tant. Par pure idiotie, je ne vois pas d'autre mot : à votre place, il faut être responsable de chaque mot employé, sinon vous n'êtes pas fait pour ce métier. Soyez plutôt plombier, ou garagiste, en ce cas, voire armurier. Vous refaites la même erreur qu'un Mitterrand pendant la guerre d'Algérie, mais à l'envers (ici un article où l'on rappelle que Mitterrand aussi a coupé des têtes). Pour la France, c'était une "pacification" et une "opération de Police". Car il n'y avait pas d'Etat en face, pour l'armée française, alors qu'il y en avait un, déjà, en gestation (sinon on n'aurait pas pu signer les accords d'Evian, l'actuelle bête noire du FN !). Aujourd'hui, vous venez de créer un Etat qui n'existe pas, endoctriné par une connaissance plus que partielle des faits. Les pièces de monnaie que montrent tant en ce moment les gens de Daesh ne valent rien. Mais médiatiquement, elle vous font croire que cette organisation fantasque est structurée comme un Etat. Du bourrage de crâne, de la propagande, faite par des magazines pour post-ados violents manipulés. Qui a pu influer sur vous pour arriver à tant de bêtise et d'incompréhension du monde voilà qui me sidère. Je laisserai un ancien ministre de Mitterrand devenu fan de Dieudonné et de l'extrême droite à sa douteuse assertion. J'ose espérer que vous savez encore distinguer par vous même les attrenants des choses, mais j'en doute fort, désormais, avec cette dernière saillie.
Vous devriez écouter d'autres sirènes, ou plutôt d'autres personnes plus raisonnées, tel Gilles Kepel, membre de l’Institut universitaire de France et professeur à Sciences-Po, un homme qui sait voir et constater les problèmes de civilisation... journaliers. Voici exactement comment il analyse les récents attentats : "Le contexte des attentats, c’est celui d’un mouvement, Daech [l’acronyme arabe de l’Etat islamique, ndlr], qui a identifié ce qu’il estime être des fractures culturelles et confessionnelles dans les sociétés européennes - en particulier la France - et qui agit pour que ces fractures soient approfondies, transformées en failles. Le groupe escompte qu’elles se traduiront par des situations de guerre civile entre des populations d’origine musulmane et les « islamophobes », ceux-ci devenant très nombreux à cause des attaques jihadistes. Les populations musulmanes, elles, se radicaliseraient en réaction, jusqu’à considérer les jihadistes comme leurs héros. Cette stratégie a été énoncée en décembre 2004 par Abou Moussab al-Souri, un idéologue syrien dont j’ai traduit les thèses en 2008 dans mon livre Terreur et Martyre. Elle n’a pas pu se mettre en place à l’époque, car il fallait qu’elle s’appuie sur les réseaux sociaux et sur la proximité d’un terrain de jihad et d’entraînement - qui n’existaient pas encore. Aujourd’hui, on a YouTube, Twitter et le champ de bataille syro-irakien à portée de charter." Kepel vous avait prévenu, pourtant : ce que souhaitent les gens de Daech, c'est l'importation du problème, en titillant les islamophobes. En France, ce n'est pas ce qui manque, et ils se rangent bien sous la bannière de l''extrême droite, à qui vous venez d'ouvrir un boulevard avec votre dernière sortie ridicule. En juin dernier, Tasin et Cassen (ici avec l'identitaire Fabrice Robert) ont fricoté avec l'extrême droite la plus tradiionnelle lors des journées Charles Martel au Château-Couvert de Jaunay-Clan, (avec à l'islamophobe show Carl Lang,ex FN, président du « Parti de la France », Richard Roudier, président de la « Ligue du Midi », Pierre Vial (de « Terre Et Peuple »), Paul-Marie Coûteaux, ex conseilller de Marine lePen, Roland Hélie, directeur de la revue « Synthèse Nationale », et Hugues Bouchu, de la « Ligue Francilienne »). En parlant de guerre et en opposant deux cultures, vous venez exactement de ressortir de leurs mémoires bien abîmées une vieille peur, celle qui avait fait dire à un ancien président que les bruits et l'odeur incommodaient les bon français. Vous venez d'entrouvrir la porte à une guerre, en effet, mais à une guerre civile. C'est de l'irresponsabilité totale !
Voici ce que dit Kepel en effet) au sujet de cette pratique du harcèlement terroriste : 'Fin 2004, à partir d’une critique de l’hypercentralisme d’Al-Qaeda et surtout de la stratégie du 11 Septembre, qu’il estime politiquement néfaste car elle a permis aux Etats-Unis de détruire en réaction l’infrastructure afghane de Ben Laden, Al-Souri a construit les bases de ce qui deviendra ultérieurement le soi-disant Etat islamique, la dawla [« Etat » en arabe], comme on dit dans la jihadosphère. Il prônait la multiplication d’actes terroristes de vie quotidienne à des fins de provocations récurrentes dans les sociétés européennes, perpétrés par des musulmans européens visant juifs, intellectuels « impies », musulmans « apostats » et manifestations sportives pour affoler les sociétés occidentales et les faire surréagir - c’est la vieille rengaine gauchiste « provocation-répression-solidarité ». A quoi s’ajoute l’idée que les Etats ne seront pas capables d’y faire face, que ça fera monter l’extrême droite qui va brûler les mosquées… et que l’Europe s’effondrera, avant de passer sous domination islamiste. C’est le primat du « rhizome » de Deleuze sur le centralisme léniniste - Al-Souri a vécu et étudié en France dans les années 80 -, projeté à l’ère de YouTube et décliné dans la grammaire du jihad. Il n’y a plus de « donneur d’ordre » et « d’exécutants », comme à l’époque de Ben Laden. Tout est endoctrinement, entraînement militaire et mise en œuvre, avec une assez large marge d’initiative pour de petites cellules fortement idéologisées par « l’inspiration » - d’où le titre du magazine en ligne anglophone d’Al-Qaeda dans la péninsule arabique, Inspire." Les gens qui vous provoquent n'ont pas d'Etat, mais ils s'efforcent de faire croire qu'ils en ont un : que faites vous donc pour les tacler ? Vous reconnaissez leur Etat inexistant ! Qui a gagné, là ? Eux. Qui est perdant ? Vous. Et de loin ! Et les français !!!
Car parler de guerre de civilisation, c'est faire le jeu de Daech comme le résumait ici le Temps en septembre 2014 : "le journal Dabiq (celui qui a précédé Inspire) témoigne lui aussi de ces influences. Son premier numéro décrit une stratégie de prise de pouvoir en trois étapes qui rappelle à l’évidence les thèses maoïstes. Une vision reprise par un influent théoricien djihadiste, connu sous le nom d’Abou Bakr Naji, dans son livre The Management of Savagery. Selon cet auteur, les « combattants d’Allah » doivent attaquer continuellement les centres économiques vitaux de quelques pays clés afin d’obliger les régimes en place à y concentrer leurs forces. Il leur sera alors possible d’accroître leur présence en périphérie, ce qui poussera leur ennemi à multiplier les actions de répression pour reprendre le contrôle du terrain. Une deuxième phase s’amorcera alors, celle de la « sauvagerie », où les violences atteindront un tel niveau que les populations se détourneront du gouvernement et seront prêtes à rallier toute force capable de rétablir la paix. Des régions entières d’Irak et de Syrie en seraient aujour- d’hui là. L’étape suivante, la troisième et dernière, est le rétablissement de l’ordre par l’établissement d’un califat. L’Afghanistan offre un exemple de cette ultime séquence, avec l’arrivée au pouvoir des talibans après un long règne sanglant de seigneurs de la guerre. Cette stratégie, qui n’est pas propre au djihadisme, suppose une explosion de violences au cours de la seconde phase. Une débauche qui n’est pas considérée par ses auteurs comme un acte de cruauté gratuite mais comme un moyen nécessaire à la victoire. Abou Bakr Naji explique froidement dans The Management of Savagery que les djihadistes doivent « entraîner les masses dans la bataille », ce qui suppose de « rendre la bataille très violente, de sorte que la mort n’est plus qu’à une pulsation du cœur. C’est ainsi que les deux groupes réaliseront qu’entrer dans le combat conduira fréquemment à la mort. Cela encouragera les individus à choisir de combattre dans les rangs des gens de vérité afin de mourir bien, plutôt que de mourir dans le mensonge et de perdre aussi bien ce monde que le prochain. » Parler ainsi, comme vous le faites, après la mise en œuvre de leur plan préétabli qui prévoit une escalade de la violence pour vous y entraîner, c'est faire absence totale de discernement, monsieur le premier ministre !!! Ils ont obtenu de vous ce qu'ils souhaitaient !!!!
Ce n'est en effet pas un Etat, c'est un groupuscule qu'on a laissé fleurir, par pure idiotie, en pensant jouer sur les rivalités séculaires entre chiites et sunnites, que Sarkozy ne savait même pas distinguern rappelons-vous : "si l’Etat islamique effectue un retour spectaculaire aux affaires, une faible part du mérite lui en revient. Ses ennemis déclarés, dont la liste, impressionnante, forme une sorte de Who’s Who de la scène stratégique régionale, lui ont ouvert un boulevard. Les régimes du premier ministre irakien Nouri Al-Maliki et du président syrien Bachar Al-Assad, d’abord, qui ont utilisé tous les moyens possibles et imaginables — et même inimaginables, dans le cas des armes chimiques en Syrie — pour combattre, au nom d’une prétendue « guerre contre le terrorisme », une opposition sunnite qu’ils s’étaient évertués à radicaliser. Leurs partenaires de circonstance, Washington dans un cas et Moscou dans l’autre, ensuite, qui les ont encouragés. L’Iran, qui a fait plus que leur offrir un soutien inconditionnel : dans le monde arabe, Téhéran poursuit une politique étrangère qui se résume de plus en plus à l’entretien de poches de miliciens chiites, ce qui contribue à la polarisation confessionnelle. N’oublions pas les monarchies du Golfe, dont les pétrodollars, jetés à tout vent, financent une économie islamiste partiellement occulte. La Turquie, elle, a pendant un temps ouvert grand sa frontière syrienne aux djihadistes venus de France, de Navarre et même d’Australie. Les Etats-Unis, enfin, doivent être jugés par contumace : après une décennie d’agitation insensée sous l’égide du président George Bush, M. Barack Obama a opté pour la posture inverse, à savoir un laisser-faire flegmatique et hautain, alors que des régimes en faillite, en Syrie et en Irak, apparaissaient clairement comme des pépinières de djihadistes. En l’espace de deux ans, non seulement l’Etat islamique a fleuri, mais il s’est repiqué de proche en proche, jusqu’à envahir de grandes villes comme Rakka, Fallouja et Mossoul. Fait marquant : c’est le premier mouvement, dans le monde arabe, à sortir le djihadisme des franges" avait sobrement analysé Peter Harling, en septembre 2014, dans Le Monde Diplomatique. La lecture de ce texte dans on intégralité aurait davantage dû vous éclairer ; vous n'auriez pas confondu groupuscule et civilisation !!!
A votre décharge, vous n'êtes pas le seul à tomber dans le panneau. Hier soir encore, sur la JT de France2, un responsable, Étienne Leenhardt est venu nous expliquer Daech en montrant une grande carte censée représenter son implantation. Comme on le sait, ce n'est pas un Etat, il n'y pas de fonctionnaires ni de policiers, mais il nous montrait un énorme... pays, alors qu'on sait très bien que ce ne sont que desq "tâches" géographiques d'inflluence, et non des frontières. Dans la tête des gens, ce pseudo-état était déjà plus grand que l'Irak et l'Iran réunis. On ferait tout pour leur faire plaisir qu"on ne s'y prendrait pas mleux (et je ne vous parle pas du voyeurisme à la SITE ou à la Rita Katz (vous connaissez, j'espère, monsieur le premier ministre ?) pour savoir qui va montrer la nouvelle invention d'exaction islamiste le premier.... Qui fabrique cet état d"esprit, qui se laisse entraîner vers la pente du sensationnlisme ?
En qualité de premier ministre, on ne vous a pas entendu avoir été choqué par un dictateur venu dire au présentateur Pujadas qu'il ne savait même pas ce que voulait dire "barril de poudre"... quand on parle de civilisation, il faut aussi avoir un regard sur la sienne, Mr Valls. Vous semblez bien aveugle, en ce sens. Pour Harling, c'est pourtant clair : "représentant peu de chose en lui-même, l’Etat islamique se nourrit d’un effet de système. Il peut tout à la fois constituer une forme de rédemption par défaut, un allié de circonstance, un ascenseur social ou une identité en prêt-à-porter pour des milieux sunnites qui traversent une crise profonde. Il sert de repoussoir ou de distraction utile à ses détracteurs les plus cyniques, et d’épouvantail concentrant les peurs d’acteurs confrontés à leurs propres échecs. Cette polysémie, dans la confusion qui caractérise cette ère de changements chaotiques, est ce qui fait son succès". Ça n'a strictement rien à voir avec une "civilisation" !!!
On y revient donc, à ce magazine Inspire, qui avait mis Charb en cible à atteindre. En répondant maladroitement comme vous venez de le faire, vous venez de faire effondrer le grand élan généreux qui avait suivi Charlie-Hebdo et dont votre gouvernement à largement bénéficié dans les sondages. Vous êtes un premier ministre qui a réussi la prouesse de scier la branche sur laquelle on l'avait assis. La manifestation gigantesque vous avait rappelé les termes de compréhension et non de répression, vos policiers, qui avaient fait un travail remarquable, malgré les défaillances de vos services secrets, avaient même été applaudis par un peuple qui refusait de tomber dans la guerre des civilisations, six mois à peine après vous retombez dedans : c'est à croire surtout que vous ne connaissiez rien ... aux français, Mr Valls !!! Ils affichaient l'amour plus fort que la haine, vous nous parlez aujourd'hui de guerre culturelle ! Vous n'avez donc rien compris ?
Kepel avait pourtant donné la voie du salut. Plutôt que de laisser croupir les pays dans une féodalité qui ne profite qu'à quelques uns, je pense aux Emirats que votre gouvernement à tant choyé (cf le PSG, les Rafale, la FIFA, etc), c'est la civilsation, justement, qui ne peut contenir de sentiment nationaliste ou religieux, et non la guerre qu'il faut promouvoir : "En ce tournant de siècle et de millénaire, il leur revient d’intégrer les groupes sociaux qui avaient été tenus à l’écart depuis les indépendances, et de favoriser l’enfantement d’une sorte de démocratie musulmane, sachant mêler de manière inédite culture, religion, et modernité politique comme économique. Ce scénario suppose que les élites rajeunies qui accèdent au pouvoir, du Maroc de Mohammed VI à la Jordanie d’Abdallah II, de l’entourage technocratique et militaire du président algérien Bouteflika à celui du président indonésien " Gusdur " Wahid, soient capables de se projeter dans l’avenir, et de " partager le gâteau " aujourd’hui pour le faire croître demain. Si ces élites se contentent de tirer un profit immédiat et égoïste de la décrue de l’islamisme, sans s’engager dans la réforme, le monde musulman sera confronté, à court terme, à de nouvelles explosions, que leur langage soit islamiste, ethnique, racial, confessionnel ou populiste." Or votre phase idiote vient aussi de ruiner cet espoir, en empêchant toute possiblité d'évolution de société, comme l'a prétendu Huntington, pour qui elles sont figées et incapable de modification. Je vais donc réécrire pour vous ce que j'avais écrit en 2011... quand on ne comprend pas, il faut en effet parfois répéter.
Car il y a un fait qu'il ne faut pas oublier : avant 2001, le monde musulman en général périclitait, les pays étant envahis par une civilisation purement... commerciale. Dans un reportage sidérant après le massacre de 10 soldats français à Saroubi, une courageuse journaliste, Sarah Daniel, avait retrouvé un donneur d'ordre Taliban qui habitait au Pakistan à deux pas d'un McDonald (photographié ici par Michael Yon, reporter de guerre indépendant). "Selon Kepel, en effet, l'islamisme pur et dur était moribond avant l'an 2000. Toutes les tentatives extrémistes sectaires avaient échoué. Et puis arriva le 11 septembre 2001, un événement qui relança comme jamais l'extrémisme islamiste dans le monde. Comme si l'auteur d'une thèse abracadabrantesque sur un soi-disant "choc des civilisations" voyait ses prophéties d'illuminé se produire grâce à ce phénomène déclencheur. Comme si l'extrémisme islamiste qui se mourrait, bel et bien, avait reçu une énorme bouffée d'oxygène appelée attentats du 11 septembre. Maintenant, déjà, vous comprenez que tous les neocons de la terre sont atterrés par ce qui se passe : pensez-donc, des gens, dans des pays arabes se révoltent en criant à la démocratie, alors que selon Huntington ils auraient dû tous se réclamer... de Mahomet". Votre phrase ridicule, c'est une seconde bouffée, Mr Valls. Mais pour les neocons, dont vous venez de vous draper dans la bannière.
L'un des plus grands critiques de Samuel Huntington s'appelle Edward W. Said. Dans un article resté célèbre paru dans The Nation en octobre 2001, il avait complètement ridiculisé l'ouvrage sur le "Choc des Civilisations" (en anglais "The Clash of Civilizations and the Remaking of World Order"). Il est lisible ici, et je vous conseille de le relire attentivement. Car il vous concerne personnellement : il s'intitulait « The Clash of Ignorance », que je ne vous traduit pas. C'est court, ça ne vous prendra même pas 10 minutes de vol en Falcon pour le lire. Et peut-être le comprendre, qui sait.
on peut relire
http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/sale-temps-pour-samuel-huntington-89405
http://mobile.agoravox.fr/tribune-libre/article/huntington-a-helas-toujours-ses-89756
mais aussi
http://www.agoravox.fr/actualites/religions/article/avec-dieu-a-nos-cotes-44392
et
http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/les-ravages-de-la-religion-86277
dans ce texte, paru en décembre 2000, j'annonçais l'arrivée de révoltes, qui deviendraient le printemps arabe. Et citait déjà Gilles Kepel.
PS : un des ouvrages de Kepel est aussi un pied de nez involontaire à Sarkozy, qui confond "les" 93 en littérature...
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