Marseille : réponse à Christophe Barbier

Il est bon de s’indigner. De crier haut et fort qu’à Marseille, la République esquive le combat. Il est bon aussi de souligner que les ordinateurs des banques et les bolides des mers sont associés. Il est enfin bon d’esquisser le tableau d’un Etat, jadis de droit, qui est, lentement mais sûrement, remplacé par une autorité mafieuse et ses services. Et que la République ne peux plus se permettre un rôle d’observateur et une action visant plutôt les médias que la solution. Tout cela est vrai et vérifiable, il est bon de le souligner et d’exiger une action globale, coordonnée et à la hauteur des enjeux.
Il est cependant illusoire de faire croire que l’Etat, pressé de toutes parts (et par un discours unanime des médias) de faire des économies est capable de « mettre le paquet ». Les crime (organisé ou pas) se nourrit des insuffisances de l’Etat, le remplace, le nargue, pouvant puiser sur une armée de chômeurs, sur l’éclat des plans sociaux, sur les monopole égoïste des syndicats et autres organismes (comme le Port Autonome, l’ l’OPAC–sud, Fos/Lavera, etc.), sur le clientélisme baroque qui accouche de temps en temps de textes de loi comme celui, surréaliste sur la mémoire du génocide arménien, l’organisation des régates ou l’exploitation de l’avenue de la République, du Frioul et autres châteaux d’If.
Il sera sans effet toute action qui ne commencerait pas par mettre en cause la cogestion de l’ensemble des partis et des potentats locaux, qui « vivent sur la bête » depuis plus d’un demi siècle, se partageant postes et fonctions, se protégeant les uns les autres, fermant les yeux sur l’essentiel et, de temps en temps et de manière bien ciblée, se portent des coups symboliques pour tester leurs forces respectives.
Dans cette partie de la France (et qui s’étend jusqu’à la frontière italienne), les baronnies et leurs compromissions ont généré avec le temps des monstres multiples, jamais pourchassés, jamais réellement punis (du moins en ce qui concerne les protagonistes), et si la mafia russe s’y est installée, c’est bien par ce que l’Etat, pris dans ses jeux pervers et vicieux à travers les paris et leurs conflits lui a ouvert les portes.
Tout s’achète à Marseille, depuis la « fonction » de docker jusqu’à celui du « placeur » dans les marchés, ou de « portier » du Vélodrome, tout se partage entre les clans, tout se distribue, et se négocie entre « amis », même la grève annuelle des balayeurs.
Donc, pas de futur sans piston, tandis que le chômage est un des plus importants en France, pas de magasin qu’il ne soit pas soumis à plusieurs « protections » souvent coordonnées, pas de permis de construire, mais aussi pas de mesures coercitives pour les constructions sans permis pour ceux qui ont des « bons contacts ». Etre « bien vu », avoir « des relations », connaître celui-ci ou celui-là font figure de plans de carrière. Même les rues sont « privatisées » dès lors qu’on est de la partie : des barrières se construisent pour « protéger » les nantis, leurs villas et leurs cours gigantesques et fleuries de la foule mais aussi, en plein centre de la cité phocéenne, de la circulation.
Certes, riches et pauvres se côtoient, mais ne se mélangent jamais. Un développement séparé qui joue aussi son rôle dans le développement du banditisme, cultivant frustrations et rancunes à fleur de peau. Dans cette cité ou la police fait figure de chien de Fayence décorative, tant on est paralysé à l’idée de mettre son doigt dans un engrenage qui vous mène vers une des multiples « autorités » du coin, qu’il suffit de prononcer, comme au Moyen Age un nom pour qu’on vous laisse filer, dans une ville ou n’est sanctionné que celui qui offense les princes cooptés, dans une cité ou la seule alternative au piston reste la démonstration de force, on ne se débarrassera pas des bandes organisées des cités, des mafias « importées » qu’elles soient italienne, russe, roumaine, albanaise mauricienne ou marocaine si, auparavant, on ne met pas en cause la main - mise des nantis du coin sur la quasi totalité de la vie économique et sociale. Si, comme vous le dites avec pudeur et discrétion, les banques, les institutions, les organismes, les entreprises du pouvoir local ne sont pas démantelées, soumises à l’Etat de droit et aux lois de la République. Tout comme les baronnies corses qui sous-traitent économie parallèle et blanchiment d’argent avec, entre autres, leurs machines à sous où tout le monde va jouer et dont leurs emplacements ne sont « inconnus » que par les forces de l’ordre.
Si enfin, enfin, on ne fait pas la même chose dans le Var, les Alpes maritimes, le bassin de Fos, en Camargue et au pays d’Aix, régions intimement associées à ce système, et ce de manière complémentaire. Ce système n’utilise pas (du moins pas de manière ostentatoire), des kalachnikov pour sublimer son pouvoir. Il n’en est pas mois responsable de leur utilisation par les « bandes des quartiers » : il a fortement contribué à leur naissance et continue à le faire, poussant des centaines de jeunes (et de mois jeunes) vers la délinquance.
Mais n’ont-ils pas des modèles flagrants, de ceux qui crient : à Marseille, le crime paie.
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