Mélenchon, un homme dangereux
Il me semble que nous approchons d’une bifurcation. Après un vote à l’aveugle en 1992 (oui 51.04%) et un référendum (non 55% en 2005 ) annulé en 2008 par des députés et sénateurs, 3 présidences successives surréalistes et électriques dégradant l’image extérieure et la cohésion intérieure du pays, nous sommes confrontés maintenant à un moment de vérité concernant nos aspirations démocratiques, encore citoyens souverains dans notre pays ou dissolution progressive dans le droit d’instances anonymes contrôlées et dirigées par des êtres humains comme nous bien réels mais se pensant intouchables. Comme si la nature de la république était d’enfanter au final des oligarchies.
Rétablissons quelques faits simples concernant le mouvement qui allait devenir La France Insoumise.
Jean-Luc Mélenchon a initié et développé ce mouvement avec lucidité si on considère ce qui s’est passé depuis. Ce mouvement a rétabli la gauche sur ses bases tout en intégrant puissamment les savoirs déjà anciens de l’écologie qui nous appellent à un retour critique et à des défis économiques et démocratiques sans précédents. Il a permis le retour de la gauche au pouvoir avec François Hollande. Loyalement, sans chantage ni conditions. Une majorité s’était reconnue dans le pays avec la volonté de maîtrise des pouvoirs du capitalisme financier, l’écœurement devant le scandale de la tolérance permanente et durable à l’égard de la fraude fiscale et de son niveau (100 milliards l’an : délétère pour le bon fonctionnement économique, la maîtrise du budget, la mise en place des politiques publiques et la possibilité d’un consensus social), de la colère devant des fermetures d’entreprises au gré des espoirs de rentabilité pour des actionnaires toujours insatisfaits, la nécessité d’une avancée démocratique impliquant et responsabilisant les citoyens et leurs élus pourtant censés détenir un mandat de représentation. Le souhait aussi d’une Europe dont le socle soit les citoyens de chaque nation et une véritable volonté d’en rendre compréhensibles les fonctionnements et les enjeux. Plus de 70% des lois de notre pays découlent maintenant des réglementations prises par l’Union Européenne. Où est la volonté d’informer et d’impliquer le citoyen de la part de la classe politique et des médias dont c’est pourtant la responsabilité dans une démocratie ? Comme substitut, un discours moralisateur et condescendant sur l’irresponsabilité de ceux qui s’abstiennent ou s’apprêtent à mal voter et pensent mal, seraient des ignares à protéger d’eux-mêmes comme si nous étions un peuple en voie d’alphabétisation démocratique.
Une fois de plus leurs sponsors et tuteurs du monde économique ont fait rapidement comprendre à la classe politique et la plus grande partie des médias avec qui elle vit en symbiose que les élections étaient une concession démocratique nécessaire mais formelle et que les choses sérieuses devaient se poursuivre. JLM devant les engagements du projet électoral une fois de plus reniés et les militants de nouveau parmi les premiers trahis a alors provoqué la rupture avec ceux qui se servaient du vocabulaire de la gauche pour installer, conforter, développer sans retour espèrent-ils le libéralisme économique et social dont les avantages et les privilèges les fascinent et stimulent tant leur créativité et ambitions. Cette caste grisée par la modernité et ses potentialités a su faire plier le front des médias et de beaucoup d’intellectuels sous le joug de l’argent, de la reconnaissance éphémère de la notoriété et du pouvoir. Celui aussi des avantages matériels et du partage de places enviées et prébendes comme chacun le constate chaque jour. Certains se dévoilent et veulent maintenant déplacer les lignes vers une situation à l’américaine, démocrates/républicains, en espérant liquider l’histoire de la gauche et de notre république.
Inquiets quant à leur légitimité politique et sociale contestée, ils ont tous bien compris, JLM est un homme dangereux parce que avec les volontés encore mobilisées à gauche, il a entrepris de fédérer un mouvement de résistance, de former une nouvelle génération et de préparer une alternative. Il a contribué à rétablir, nourri et porté par un mouvement populaire qui traverse toutes les couches de la société, épaulé par un groupe de militants exigeants et déterminés, le sens des mots gauche et politique de gauche que certains s’acharnent à enterrer depuis des années de compromissions en subterfuges et qui pensaient avoir réussi. Ce mouvement a rappelé qu’on ne pouvait enlever dans nos sociétés au travail son utilité sociale, sa dignité ni sa place centrale. Haro sur le traître et ses dissidents. Les promesses de vindicte allaient être tenues.
Le système politico-médiatique est plein de ressources. Plutôt que de questionner sans concession comme c’est le travail des journalistes le contenu du projet proposé, il est plus efficace de marteler aux heures de grande écoute des petites phrases sorties de leur contexte afin de rendre l’accès à l’information laborieuse et la réflexion difficile pour le plus grand nombre. De matraquer des images et vidéos soigneusement choisies et découpées. Il est facile alors d’utiliser la personnalité authentiquement charismatique de JLM pour susciter l’inquiétude et espère-t-on le rejet. Une colère comme celle qu’inspire l’injustice pour qui croit encore aux vertus républicaines malgré le naufrage moral glaçant pour les citoyens que venait d’être le dernier processus électoral a été exploitée comme jamais contre aucune autre personnalité et instance politique depuis les années 80.Un événement jusqu’ici unique par sa gravité dans une démocratie qui s’affiche apaisée et donne volontiers des leçons au monde entier (perquisition chez un responsable politique puis au siège du parti sur des bases d’une légèreté ahurissante quand des candidats bien plus méritants sur le sujet concerné ne manquaient pas notamment du côté des prescripteurs). Cela s’appelle un lynchage mais la bête est coriace. Quels sont les médias, éditocrates, journalistes qui n’ont pas rendu des gages aux puissants en ne participant pas au lynchage dans cette triste mascarade ? Avec la rage rentrée de devoir dévoiler une partie du masque en s’abaissant à ce type de vilénie. Cette affaire judiciairement est non réglée à ce jour. Une traîtrise à double détente ? Une exploitation crapoteuse à prévoir à l’approche des élections ? Lucidement, toute la gauche républicaine aurait du se sentir attaquée.
Malheureusement pour eux, JLM Mélenchon et ses compagnons ne sont pas des interlocuteurs complaisants ni fragiles. Et comme ils sont portés par un mouvement jeune qui veut réellement changer un certain nombre de choses et ne pas se contenter des apparences à commencer par l’exercice de notre citoyenneté et le fonctionnement de nos institutions, ils dérangent pour de vrai. Ils refusent le rôle de l’opposant interchangeable chargé d’aménager le décorum et renouveler le vocabulaire, corriger à la marge ce qui est devenu insupportable tout en continuant d’appliquer la feuille de route néolibérale en alternant remèdes de cheval ou goutte à goutte selon les circonstances. Ils inquiètent à juste titre ceux qui s’affichent farouchement pour le changement et le progrès tout en considérant qu’il revient à eux seuls de les conduire avec le minimum de contrôle et expression démocratique cerclant leurs pouvoirs, les mettant à l’abri ainsi d’être renvoyés simplement à leur juste valeur et compétences dans le courant de la vie ordinaire de leurs concitoyens. Leur résistance et habileté à dissimuler cette règle du jeu sont infatigables. Ils la déclarent indépassable lorsque malgré tout un peu de lumière se fait et ils font mine de s’inquiéter de notre intelligence de ne pas l’avoir compris comme eux, attardés que nous sommes.
24% de nos compatriotes font encore confiance aux médias. Qui sont-ils ? Parmi eux quelle est la part qui en vit directement ou indirectement ? La part aussi de ceux qui travaillent par intérêt au maintien des fonctionnements actuels et à leurs évolutions qu’il convient de garder entre de "bonnes mains". Il s’agit maintenant d’une composante essentielle d’une puissance encore jamais vue dans nos démocraties et notre culture. Elle a le pouvoir de déverser à longueur de journée une fausse modernité abêtissante et déstabilisante, une morale de l’émotion et de l’indignation qui déplore les polémiques mais les entretient en se gardant bien le plus souvent de mettre à jour les intérêts et les causes profondes. Des débats à foison riches de rhétorique et pauvres de contenus d’information. Une téléréalité envahissante nourrie de médiocrité, contaminant les autres programmes de son exhibitionnisme et voyeurisme. Une désinformation déversée à gros bouillons ou s’insinuant par des éléments de langage. Le chœur des médias nous a rassuré et a vanté l’efficacité de la "cellule de Bercy" qui a récupéré sur 5 ans (2013/2018) 9 milliards d’euros de fraude fiscale dont le montant rappelons-le est de 100 milliards par an. Ces gens pensent-ils que nous sommes ce qu’ils pensent de nous ?
Heureusement, il y a pléthore de véritables talents, originaux qui nous ouvrent l’esprit et provoque la réflexion. Le pays est encore bien vivant et gonflé d’énergie. Une culture forte s’exprime et ne se laisse pas domestiquée. Une volonté d’informer le citoyen persiste et s’exprime par les interstices d’un système jamais étanche. Elle crée maintenant ses propres robinets en s’appuyant sur les technologies de l’internet que l’on doit au génie humain et non à quelques milliardaires qui s’en sont attribué la maîtrise dont le talent d’opportunité n’est pas le moindre. Comme celui-ci aussi de subordonner les dirigeants politiques.
Evoquons un dernier chagrin pour qui aime la démocratie, les dernières élections européennes. Le score du "vainqueur" équivaut à 10% des inscrits dans un scrutin à 1 tour ce qui est la valeur moyenne dans le temps et parmi les pays de l’UE. Le soir même des ambitions personnelles au vu d’une telle victoire se sont déclarées, puis nous avons eu droit dans les jours qui ont suivi à des centaines d’heures de spéculations, supputations, analyses sur la recomposition du "tissu politique" du pays qui serait bouleversé et la subtilité des stratégies et nominations au cœur des instances européennes. Personne semble-t-il n’a ressenti de honte ni ne s’est senti ridicule. Rappelons encore une fois que plus de 70% de notre droit national découle actuellement du droit européen et que le fonctionnement de l’UE ressemble à une vaste partie de billard dont la plus grande partie de la table est cachée. Plutôt que de donner des leçons de démocratie au monde entier ainsi qu’à nos partenaires de l’UE assez régulièrement, œuvrons plutôt à informer sérieusement et respectueusement nos concitoyens pour qu’ils puissent s’impliquer dans un processus démocratique qu’il serait temps de construire.
Avec son groupe, JLM sur le plan politique a fait sa part. Le mouvement LFI ne détient pas toute la vérité et n’y prétend pas. Ce serait contraire à l’esprit et à la compréhension de ce qu’est la démocratie et de ce qui cherche à naître. Il a juste en ce début de siècle sauvé l’honneur de la gauche en France et en Europe, dénonçant les reniements du parti socialiste et les errements des extrêmes gauches qui nous conduisent généreusement dans des impasses, entretiennent trop souvent malgré elles une impuissance sublime et servent trop bien la propagande chargée de nous diviser et de faire peur aux moments décisifs. Il n’est pas tout seul. D’autres en dehors du mouvement y ont contribué. Pas toujours avec autant de constance, de cohérence ni de persévérance. Mais chaque contribution y compris pour discuter sur le fond et clarifier valeurs et objectifs quand il y a besoin est précieuse ; un pays a besoin de tout le monde.
Ce mouvement a permis en tirant leçon de ses erreurs comme chacun d’entre nous le fait espérons-le et en puisant dans la profondeur de notre culture et sa propre expérience que monte quelque chose d’inestimable. Qu’une nouvelle génération, au moment où s’opèrent la transmission et le passage du flambeau, ne soit pas politiquement dévoyée, désarmée, abusée par tout un complexe d’oligarques, de politiciens et de professionnels des médias. Les errements de l’UNEF montrent la fragilité de la transmission démocratique comme aussi la séduction que suscite le RN auprès d’une autre partie de la jeunesse. Pas sûr au passage que cela dérange les grandes fortunes du CAC 40, au contraire. Ce mouvement ne représente pas toute la gauche française, la seule, la vraie, qui évolue, se transforme mais ne tient pas le peuple pour un obstacle et ne voit pas, au-delà du dynamisme qu’apporte la liberté d’entreprendre, la rentabilité du capital privé libre de véritable contrôle comme l’horizon indépassable de toute entreprise humaine. Il a le mérite de rappeler inlassablement ce qu’en sont le cœur et l’esprit pour nous garder de toutes les supercheries si vite mises sur pied et bienveillamment cajolées par de gentils médias qui nous veulent du bien. JLM et LFI savent qu’ils peuvent compter sur le soutien et aussi les critiques de leurs concitoyens lorsqu’ils les jugeront utiles puisque ils nous ont habitués à l’exigence et à l’adversité.
Avec les droites, la seconde "gauche" pensent que nous avons une mémoire et une jugeote de poisson rouge. Avec l’armée des droites, la droite historique qui a mal à son histoire et à ses champions, dont une partie lui demande de renoncer à son pays, la droite des voltigeurs attelée à divers équipages au gré des circonstances, la droite de la surenchère, dont l’ADN profond d’une composante n’est pas républicain, qui fait le grand écart avec le capitalisme financier (à l’écoute en toute discrétion) et l’intérêt des salariés et petits ou moyens indépendants que l’on abreuve des promesses qu’ils ont besoin d’entendre pour ne pas désespérer,cette gauche a pratiqué volontiers un jeu devenu assez transparent maintenant pour nos concitoyens. L’attaque des personnes, la caricature, l’amalgame vénézuélien ou russe, pourquoi pas chinois si par bonheur une opportunité survenait, le matraquage de contre-vérités. Tout plutôt que la confrontation avec le bilan politique et économique des 20 dernières années, leurs responsabilités et la cohérence de leurs discours et promesses passées et actuelles. La confrontation point par point avec des solutions alternatives. Il était devenu essentiel afin d’éviter l’émergence d’une véritable réflexion d’avoir des électeurs entretenus sous influence, mis sous tension lors de campagnes électorales à rebondissements grâce à une foule d’agents de propagande des plus variés et d’une mobilisation médiatique de très haute densité. Je n’ai pas rêvé, c’est bien ce qui s’est passé.
On peut comprendre. A leur place, quoi faire d’autre en dehors d’espérer une situation pleine d’incertitudes qui dure et permette, le soutien des médias à ces jeux étant garanti, de donner un peu le change, de recourir une nouvelle fois aux vieilles recettes comme quand Sarkozy essayait d’enflammer le pays avec un ministère de l’Identité avant de supprimer 11(12 ?)000 postes de policiers et gendarmes et que F Hollande parlait de s’attaquer à la finance ou que Marine Le Pen servait sur un plateau une victoire à un meilleur partisan du néolibéralisme qu’elle (si vous doutez, vérifiez les votes RN au parlement européen).
Il semblerait que ces petits jeux ne soient plus si faciles. Le niveau socio-culturel de nos concitoyens, la maîtrise des technologies de communication, la prise de conscience du rôle des médias et de leur implication dans la propagande, le vote blanc et l’abstention assumés comme un acte politique ont fait entrevoir à nos concitoyens que la prise en main et l’appropriation d’un avenir pouvait se faire autrement que sous la conduite des démagogues et donneurs de leçons du passé.
Les partisans du déploiement toujours plus large d’une Europe néolibérale feront comme d’habitude tout pour se choisir un adversaire à la fois compatible et répulsif et tout pour empêcher une coalition authentiquement de gauche dont ils savent bien qu’elle est le seul vrai danger présentant une alternative permettant de répondre aux attentes d’une majorité de nos concitoyens. Chacun sait aussi que nos adversaires font bouger tous les jours les lignes avec des moyens extraordinaires sans jamais renoncer sur rien avec une patience infinie qui enjambe les mandats alors que leur légitimité politique est objectivement très fragile (vente de la branche d’Energie d’Alstom au géant américain General Electrique, le paradoxe d’une loi bioéthique votée en catimini la privant de légitimité morale, le transfert à Microsoft de nos données médicales sans appel d’offre préalable …). La capacité des médias à modeler et conduire l’opinion publique pour nous imposer son cadre et ses références est stupéfiante au regard du peu de confiance que nous leur accordons. Ce que je redoute, c’est notre submersion difficilement réversible par le néolibéralisme et une nouvelle forme de totalitarisme mou rampant sur un fond d’anesthésie progressive qui est déjà bien entamée notamment par le biais de la concentration financières des médias, des technologies de l’information, du contrôle et de la surveillance. La conscience de la possibilité d’une alternative n’est pas loin de disparaître si les déceptions s’accumulent et que les enjeux sont en permanence biaisés et floutés.
C’est pour cela que j’évoque une coalition républicaine autour d’un projet. C’est un début, un levier. Ce n’est pas facile de se rassembler. Mais en face, vous savez bien qu’ils trouveront une équation. Eux sont convaincus d’avoir la raison du plus fort et tout à perdre et ne lâcheront rien pour s’assurer de la légitimité formelle de l’élection qui leur est encore nécessaire dans les formes actuelles. Une lucidité à percevoir l’urgence et la gravité du moment me semble requise.
Faut-il encore se faire embarquer par la stratégie médiatique qui consiste à mettre dans la lumière la surenchère du RN et entretenir LFI dans le rôle de pestiféré des élections présidentielles en participant à la énième tentative si bienveillante de division des forces sociales ? LFI n’est ni la solution ni le problème, c’est une contribution et une force indispensable comme les autres qui fait partie de l’alternative qu’il est urgent de construire ensemble. Gagner ensemble ou perdre chacun de son côté. Les abonnés des fins de mois difficiles et de l’humiliation sociale, tous nos concitoyens qui souhaitent être respectés dans leur vie et responsabilités professionnelles, leurs prérogatives de citoyens ne nous le pardonneraient pas.
https://www.interieur.gouv.fr/fr/Le-ministre/Actualites/Schema-national-du-maintien-de-l-ordre
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