Merci, maman...
Je t’écris cette lettre, bien que tu ne sois plus là : un besoin, sans doute, de vaincre l’absence, le manque, le vide que tu as laissé…, un besoin de te parler, de t’adresser ce message car souvent les mots ne sont pas dits au bon moment…
Oui, il t’est arrivé le pire, l’irrémédiable, l’irréversible… un jour de juin, le pire s’est produit. Un coup de fil inhabituel, un matin, et tout a basculé. Au bout du fil, une nouvelle angoissante : « Maman a fait un malaise, elle est à l’hôpital. » C’est ainsi que mon frère m’apprend que maman a été transportée dans un service d’urgences… Les questions se bousculent « Pourquoi ? Que s’est-il passé ? Comment est-ce possible ? Que faut-il faire ? »
Au bout de la route, à cent kilomètres, l’hôpital… l’inquiétude…l‘angoisse …
Pourtant, me voilà presque rassurée quand j’entends maman sur son lit d’hôpital me raconter en détail d‘un ton ferme ce qui lui est arrivé : le matin de ce jour de juin, elle éprouve mille difficultés pour se lever, à quatre pattes, elle rampe, parvient à descendre lentement l’escalier, rejoint le téléphone et réussit comme par miracle à appeler le médecin de famille…
Je pense alors que maman a fait un simple malaise dû à la fatigue et au souci (mon père était alors lui-même souffrant et venait d’être hospitalisé).
Le récit qu’elle fait des événements est très précis, dense, plein d’intensité : le médecin appelé l’examine, ne comprend pas trop ce qui s’est passé … Maman le rassure, dit qu’elle va mieux : sa fille( ma sœur) doit venir la voir dans l’après midi, inutile de s’inquiéter et le médecin s’en va…
Dès lors, le destin était comme fixé, et l’enchaînement inéluctable se mettait en place. Dans l’après midi : ma sœur voyant la fatigue persistante de maman, décide d’appeler le SAMU : direction, l’hôpital le plus proche mais l’incroyable, l’impensable, l’inadmissible se produit ! l’accès lui est refusé en raison d’un manque de places, on la transporte dans un autre service d’urgences.. Et voilà donc ce que deviennent les urgences des hôpitaux, des lieux d’attente, de transfert, de douleur indicible.. d’angoisse pour les familles… voilà qu’un hôpital, lieu d’accueil, de soin devient un lieu de transit !
Là, après des temps d’attente interminables, les examens se déroulent selon la procédure habituelle : radios, scanners en tout genre. On soupçonne un AVC, accident vasculaire cérébral, mais ce n’est pas certain, hésitation, tergiversation : une radio révèle une tache sur le poumon : on diagnostique alors un cancer,erreur fatale : ce diagnostic interdit de donner à maman tout traitement contre un AVC,on attend, l’interne de service vient des pays de l’est et parle un français approximatif, difficile de communiquer, de toute façon, il est trop tard : un AVC doit être traité immédiatement… il n’est plus temps. Le lendemain, je retrouve maman méconnaissable : la voix, les gestes, la bouche qui se tord, tout a basculé…
Dès lors,on essaie de se révolter, d’avoir des explications sur les atermoiements, les erreurs de l’équipe médicale…C’est peine perdue…
De toute façon, il ne reste plus grand-chose à faire. Que dire ? On nous apprend la terrible, l’indicible nouvelle : maman ne pourra plus marcher, seul un déambulateur pourra l’aider à faire quelques pas…
Alors le monde s'écroule, l'avenir s'assombrit, on appréhende, on côtoie le fauteuil, le handicap, l’hémiplégie, la dépendance, les infirmières, la maison de rééducation pour essayer de retrouver quelques fonctions élémentaires, la maison de retraite assurée pour quelque temps, car de toute façon la maison familiale n’est pas encore aménagée et accessible pour un fauteuil.
Mais ton parcours de courage ne s’arrête pas là, non, c’est un parcours d’exception et de douleur sans fin, sans fond qui s‘ouvre. D’abord juste après la rééducation, une chute et une fracture du col du fémur… viennent briser tes efforts, hospitalisation, puis à nouveau rééducation … Plus tard, cette fois, une fracture du tibia et du péroné te fait endurer mille tourments, et de nouveau les mêmes étapes. Plus tard encore, un tassement de vertèbres,des problèmes cardiaques t'obligent à une nouvelle hospitalisation. Entre temps dans les intervalles, maman, tu as pu réintégrer ta maison aménagée ,ton lieu de vie, tes fleurs, la terrasse, ton jardin, ton petit espace, un peu de bonheur volé au milieu des douleurs des souffrances et des doutes…
Quel courage a été le tien ! Quel courage pendant ces huit années, clouée sur un fauteuil. Aucune larme, aucune plainte, une volonté acharnée dans les premiers temps de marcher avec le déambulateur ! Quelle leçon merveilleuse et douloureuse de courage, tu nous as donnée ! Je ne sais pas vraiment si nous étions capables de la recevoir, car nos soucis nous empêchaient, sans doute de voir l’essentiel : ton courage éternel et magnifique, ce refus de geindre, de te plaindre,cette envie de nous voir heureux jusqu’au bout… jusqu’à la fin… L’amour des tiens t’a soutenue, t’a portée mais c’est toi qui nous a surtout assistés, qui nous a aidés à supporter l’insupportable, c’est toi qui as fait en sorte de nous épargner toute plainte, toute jérémiade .
Merveilleuse maman, nous te remercions de tout cet amour que tu nous as donné… nous te remercions de tes sourires qui perçaient souvent sous la tristesse, nous te remercions de ta grandeur d’âme, merci pour tout… merci... Merci pour cette leçon de vie et d’espoir que tu as su nous transmettre…
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