Messieurs et Mesdames : Harcèlement sexuel
Messieurs et mesdames,
Chaque matin, je suis rivée à mon Smartphone, sur les applications du Parisien, du Monde, de Rue 89 et de Marianne 2. J’achète parfois l’édition papier de ce dernier.
Dernièrement, j’ai un peu changé mes habitudes. Elections présidentielles et cirque de l’entre-deux tours aidant, j’ai commencé à consulter ces éditions le soir, en rentrant du travail, pour me tenir au courant des derniers oukases des politiques de tous bords.
Ce vendredi 4 mai étant la dernière occasion de savourer cette valse à mille temps avant l’échéance fatidique, je me précipitai sur mon téléphone aussitôt rentrée.
Autre chose m’attendait.
Quelle ne fut pas ma stupéfaction de lire sur l’application du Parisien que le Conseil Constitutionnel avait abrogé la loi sur le harcèlement sexuel, tuant dans l’œuf toute procédure en cours, et laissant un inquiétant vide à ce sujet dans la législation.
Bien entendu, une nouvelle loi serait votée, comme se sont empressés de le dire les deux candidats avant qu’on ne leur coupe le sifflet.
Mais elle ne sera bien sûr pas rétroactive.
Toutes les victimes, passées ou à venir, jusqu’à la promulgation de cette loi devront tenter de requalifier les faits.
Messieurs –n’y voyez pas de procès, les chiffres indiquent juste que vous êtes plus nombreux que mesdames dans ce cas - étudiez les textes de loi. Si vous avez un penchant pervers narcissique ou dominateur, votre heure est venue. Assurez-vous simplement que vos actes ou pressions ne puissent être qualifiés d’agression sexuelle ou de harcèlement moral. Vous serez libre de vos faits et gestes. Un monde fait d’étal de chair fraiche s’offre à vous : jusqu’à la nouvelle loi, le harcèlement sexuel n’existe plus dans les textes.
Première étape : colère.
Non que je ne comprenne la nécessité d’avoir une loi précise à ce sujet. Les victimes de harcèlement et les victimes de fausses accusations méritent un texte précis qui permet au système judiciaire de faire son travail.
Mais pourquoi maintenant, pourquoi comme ça ?
Maintenant, alors que depuis la création de cette loi, diverses associations, féministes ou non, demandent de la rendre plus précise pour éviter ce qui vient de se passer ?
Comme ça, alors que l’effet immédiat va plonger toutes les victimes dans un néant à durée indéterminée ?
Mesdames –n’y voyez pas de victimisation, les chiffres indiquent juste que vous êtes plus nombreuses que messieurs dans ce cas –vous avez eu le courage d’entamer une procédure longue et douloureuse pour que les violences qui vous ont été faites soient reconnues et punies. La possibilité de porter plainte vous a permis de reconstruire votre dignité bafouée.
Eh bien, rétropédalage Mesdames. Le délit pour lequel vous aviez porté plainte n’existe plus. Votre dignité d’être humain a été niée par un homme. Elle l’est désormais, même si ce n’était pas leur intention, par 9 hommes et deux femmes. Quel gang bang.
Deuxième étape : sentiment d’injustice.
J’avais découvert cette information sur le Parisien, je me précipitai sur mes autres applications pour voir quel était le ton donné à la nouvelle par Le Monde, Rue 89, et Marianne.
Rien.
Troisième étape : étonnement.
Ils n’avaient pas eu le temps de traiter l’information, je reviendrai demain.
Le matin :
Le Parisien, deux articles.
Le Monde, un article, entre la demi-douzaine sur l’élection présidentielle et la protection des animaux dans les zoos français.
Marianne 2 : « J’aimais la route, trop pour ma femme, pas assez pour mon patron. »
Rue 89 : « Apprentis : je suis moins considéré que le camion que je conduis. »
Quatrième étape : consternation.
Je suis sensible au sort des personnes qui témoignent.
Et à celui des animaux dans nos zoos.
Et je comprends que les présidentielles constituent le gros des articles : demain les cinq prochaines années de toute la population vivant sur ce territoire seront déterminées ; homme ou femme, français ou pas, légal ou pas.
Logique.
Mais cette abrogation ne concernerait-elle pas, ou ne pourrait-elle pas malheureusement un jour concerner quand même la moitié de la population ? Vous savez, cette moitié qui a un double X, pas comme dans un film mais comme dans des chromosomes.
Et même…oserai-je le dire, un peu plus que cette moitié. Après tout, les doubles X sont aussi amies, sœurs, mères, épouses ou concubines des XY.
Dernière étape : prise de stylo, avant de tomber dans une vision manichéenne de mon monde.
Les doubles X semblent en tous cas attirer moins l’attention, dans ce que j’ai lu ce matin, que nos amis les bêtes, ou le camion que les apprentis conduisent.
Messieurs et mesdames, j’aime mon patron, moins qu’il ne le voudrait, et plus que les femmes et la route qu’elle ont parfois à parcourir.
Post-dernière étape, pour la route.
Je ne fais pas de procès d’intention aux médias cités. Je suis certaine qu’ils traiteront cette information, avec la diligence qu’elle mérite.
C’est une réaction à chaud, un simple délai qui me laisse un goût amer.
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