Michel Onfray annonce la mort de l’occident ! (again)
Les religions auront finalement bientôt raison de nous tous. Raison de la civilisation occidentale tout entière. La mort de la pensée, de la raison et du bon sens commun, la mort de l'humanité, bientôt celle des galaxies et de l'univers tout entier, tout périra sous la plume d'Onfray, tout sauf la suffisance et les grandes phrases creuses, tout périra sauf le génie de sa majesté le philosophe omniscient.
On retrouve ainsi l'écho à différents propos tenus dans ce sens par sa grâce « Onfstradamus », notamment à la télévision, il y a environ 2 ans, où non moins inquiétant il garantissait la probable disparition future -et même souhaitable- de l'humanité tout entière. Un manque total de parcimonie, un manque de recul grotesque, une phrase à l'emporte pièce. Plus un tacle grossier aux différents horizons scientifiques que touchent une telle affirmation. Un couperet de plus dans ce climat d'époque déjà plutôt préoccupant, pour ne pas dire sur-réaliste. Onfray le philosophe. Mais aussi le sociologue, le naturaliste, l'historien et le politologue. Que cela relève de sa compétence ou de son entendement, peu importe, le ton sera la même, même si cela doit parfois tourner au ridicule. Onfray, c'est tout un « Cosmos » !
Tout un univers où Onfray aura aussi apporté de bonnes choses depuis qu'il est du domaine public. Des écrits et des idées, une vision originale et une somme de travail considérable. Mais aussi parfois n'aura-t-il donc pas manqué de nous abreuver de bien basses considérations, de quelques splendides contradictions et de quelques aveuglements obstinés.
Le sous titre usité pour ce dernier ouvrage, « De Jésus à Ben Laden », laisse songeur... On sent que cela va être profond cette fois. Transcendant d'altitude et d'objectivité historique. « De Constantin Premier à George W. Bush » aurait pu être un choix plus piquant et plus inspirant. (1)
Lui qui n'a jamais rien trouvé à redire sur la version officielle des attentats du 11 septembre, entend pourtant synthétiser le cours de l'histoire depuis le début de son calendrier jusqu'au tournant historique, métaphysique et scientifique qu'est le 11 septembre 2001. La foi plus forte que la défense aérienne Américaine, plus forte que les lois élémentaires de la physique. Du miracle de Jérusalem à celui de Manhattan, une association à la fois ingénieuse et lamentable de sa part.
Son diagnostic, c'est le plus souvent par l'intermédiaire de la dialectique qu'il le construit. Il prétend ainsi trouver un sens à l'origine du terrorisme Islamique moderne en extrapolant les paroles des vieux sages de la philosophie. Que les U.S. soient devenus le sponsor officiel de cette folie criminelle depuis une vingtaine d'années ne semble pas trop troubler sa représentation du problème. Il préfère apparemment rester dans le concept plutôt que d'étudier sérieusement les faits historiques et contextuels.
Si en effet la société occidentale arrive à un point de rupture, il est déplorable de l'entendre parler de fin totale inévitable, alors qu'il n'a lui même jamais pris la peine de faire une analyse sensée et utile sur la situation. Une situation qui dépasse de loin le simple fait « Judéo-chrétien ». Un mot composé qui n'a d'ailleurs que bien peu de sens.
Son Traité d'athéologie ne manquait pas d’intérêt d'un point de vue historique, mais déjà manquait, dans ce réquisitoire plutôt creux et partial dans l'ensemble, la mention d'au moins une qualité de la religion pour les gens ordinaires : les biens-faits existentiels de la foi en soi même et en quelque chose de positif, quel que soit le vecteur ! Manquait aussi une synthèse et mise en perspective utile de ce lien pourtant criant qu'il y a entre les religions monothéistes et la religion dominante actuelle, celle du pognon ! Les religions et le capitalisme c'est de l'ingénierie politique. Le ciment invisible, dans les deux cas, c'est la foi et la soumission. Il y a une sorte de constance dans les sociétés humaines : l'expression variée d'instincts primitifs extrapolés.
La question qui demeure au sujet d'Onfray, au delà d'un parcours plutôt brillant dans l'ensemble, c'est de savoir s'il le fait exprès, ou s'il s'égare parfois vraiment à outrance sans s'en rendre compte ?
Il y a quelques années, l'anarchiste hédoniste athée le plus célèbre de l'hexagone déclara un beau jour sur les ondes radios : « Je suis sioniste ! ». Un nouveau modèle de cohérence et de bonne foi.
Dans ce même traité d'athéologie il écrivait quelque chose comme : « Je m'en prends toujours aux puissants de la religion et jamais aux humbles et aimables croyants manipulés malgré eux ».
Son dernier sous titre est une nouvelle contradiction. Onfray le pourfendeur de la Chrétienté borne pourtant son espace temps de réflexion au commencement du calendrier Chrétien. Ignorant à souhait l'aspect sous-jacent pourtant énorme des liens culturels inconscients qui nous unissent à nos ancêtres qui ont vécu et survécu pendant si longtemps avant de connaître « l'enseignement » de Jésus Christ ! Avant de connaître la morale chrétienne ! Que se passe-t-il dans cet ouest du continent eurasiatique depuis 25 000 ans ? Comment ses habitants ont-ils fait pour ignorer leur potentiel intellectuel et le savoir vivre pendant tout ce temps ? Attendant gentiment que le temps commence enfin, et que l'évolution de la pensée et des mœurs devienne chose officielle. Attendant que l'histoire se prétende être l'Histoire. Et prétende même un jour que la Chrétienté fut l'aspiration principale des cœurs et des esprits de tous pendant plus de mille cinq cents ans !
La première fois où je me suis soudain trouvé en complet désaccord avec Michel Onfray, et que j'ai perçu soudainement la laideur de sa trahison, j'étais au fond d'une classe de terminale, et lui au bureau du professeur. L'anarchiste inspiré, le génie du sens critique, l'objectivité et le bon sens commun incarnés reniait brusquement cette candeur humaniste qui semblait jusque là sous-tendre l'ensemble de son discours, argumentant auprès de nous, sans autre nuance que l'intérêt thérapeutique, tout le bien fondé d'une aspiration au trans-humanisme. Un choc. Un curieux contraste. Rancœur envers l'église catholique au point de combattre jusqu'à l'irrationnel le principe de sacralité du corps humain ? Il faisait en tous cas allègrement fi de la modestie de nos connaissances scientifiques réelles en la matière, et donc d'une pléiade de risques inconsidérés sur le plan anthropologique, et puis surtout il feignait outrageusement d'ignorer ce contexte sociétal de capitalisme totalitaire !
Faire fi de certaines évidences contextuelles fluorescentes est donc parfois l'apanage d'Onfray. Il fait tout aussi allègrement fi de la correspondance évidente qu'il y a entre Nature et « Dieu », entre l’œuvre et l'ornement. Et il fait ainsi fi de l'évidence la plus utile à mentionner au sujet des religions : la confusion entre récit historique et l'art ancien et incompris de l'allégorie !
Mais cesser de vénérer la divinité catholique ou quelque figure prophétique que ce soit nous exonère-t-il vraiment de toute forme de prudence et d'humilité, de respect, voire même de reconnaissance vis à vis des forces visibles et invisibles qui nous ont de fait miraculeusement enfantés ?
Les religions sont des outils politiques, catalyseurs et instruments d’homogénéisation sociale. En fait une sophistication et mise en forme de modalités comportementales dont les fondements sont des plus anciens : L'organisation et l'architecture des rapports de classes, les frictions dominants/dominés au sein d'une même espèce.
Les religions ne sont pas le réacteur nucléaire de l'évolution de notre civilisation, ni même une appellation légitime en tant que civilisation, leur rôle est périphérique, et suranné en ce qui nous concerne. Les placer au centre de l'équation comme le fait Onfray est une aberration, et les seuls qui pratiquent avec tant d'entrain cette aberration conceptuelle depuis ces derniers deux mille ans, sont ceux qui instrumentalisent ou vivent du pouvoir des religions. L'engrenage principal de l'évolution de notre civilisation, pour l'instant, c'est davantage l'évolution du capitalisme et de sa jungle de pognon, l'évolution de la situation géopolitique internationale, et l'évolution de l'état de notre écosystème et habitat naturel.
Onfray ne semble toujours pas faire l'effort d'assimiler dans sa réflexion la dimension cachée de l'histoire, de l'économie et de la politique, et ainsi ne semble toujours pas décidé à poser un diagnostic juste et complet sur notre situation anthropologique, sociologique et économique.
Lui qui veut prétendument émanciper la société des méfaits des religions, nous annonce pourtant qu'elles sont les plus fortes, qu'elles sont d'ores et déjà notre perte. Que le fait monothéiste est à la fois le berceau et le tombeau de notre civilisation, alors que les religions n'ont toujours été qu'un instrument, un moyen, un visage ou un écran : une récupération.
Au travers du prisme de la vie d'une étoile, notre origine, Onfray ne voit que l'effondrement final. Mais avant de finir en feu d'artifice, elle aura pourtant brûlé et brillé, accomplie sa tâche pendant plusieurs dizaines ou centaines de millions d'années, puis avant de mourir, se sera perpétuée : jusqu'au système solaire, jusqu'à chacun de nos atomes, jusqu'à chacun d'entre nous. C'est un cycle, pas juste un effondrement tragique !
(1) Une autre idée de sous titre pour un prochain ouvrage : « De Sigmund Freud à Edward Bernays » ! Une sorte d'anti-manuel de la guerre psychologique. Passant subtilement du crépuscule de l'idole à l'aube de la propagande moderne, le tout en restant en famille. Possiblement plus utile que de prophétiser, via télé, journaux, bouquins, que nous allons bientôt tous crever, et qu'il faut l'accepter dignement. C'est quand même singulièrement hallucinant.
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