Michetonneuse

Serpico
A ce compte-là, il y a d’autres métiers qu’il faudrait interdire d’urgence. J’ai longtemps été professeur de lettres et je passais des après-midi entières à corriger des copies. A partir des années 90, le niveau des élèves s’étant complètement effondré à cause des différentes « réformes », les dissertations d’illettrés tout à fait incohérentes (même au niveau du bac) sont devenues les plus nombreuses. Je les lisais, je les annotais quand même, et j’avais durant des heures le cerveau complètement occupé par cette activité dépourvue de sens et totalement inutile : les retards scolaires accumulés par ces élèves étaient tels qu’ils n’étaient plus en état de comprendre ce qu’on leur reprochait et encore moins de tirer profit des conseils.

Je puis vous assurer que lorsqu’on a la cervelle envahie durant des heures par le contenu absolument informe et répugnant de celle d’un autre qui ne parvient plus du tout à s’exprimer, on pense inévitablement à la prostitution. Encore la prostituée ne livre-t-elle à autrui que les parties basses de son corps, pas sa cervelle, que je mets - et vous aussi sans doute - bien au-dessus des organes sexuels, lorsqu’il s’agit de définir ce qui fait la dignité de la personne humaine.

« Quand un philosophe me répond, je ne comprends pas la question »

Votre réponse est bizarroïde : le métier de professeur exige de l’abnégation (je ne veux pas utiliser un mot plus grossier) mais c’est loin d’être de la prostitution. C’en serait si le prof sur-évaluait ses cancres car alors il serait corrompu et « vendrait » ainsi ses compétences à la médiocrité.

Beaucoup de métiers pourraient être supprimés : Président de la République, par exemple...

@Serpico
Ma réponse n’a absolument rien de bizarre. Vous définissez la prostitution comme le fait de vendre son corps et de le mettre à la disposition d’autrui. Je vous réponds qu’il y a dans le corps différentes parties qu’on peut vendre, et que le cerveau n’est pas la moins précieuse. Quand le métier de professeur s’exerce normalement, quand ce qu’on lit a un sens et peut même être amélioré, ce qu’on fait est intéressant et on peut même y prendre du plaisir. Mais je décris la condition des professeurs dans un système complètement dégradé où ce qui est lu n’a plus aucun sens, ne peut même plus être évalué. Il ne s’agit pas de cancres sur-évalués mais de futurs bacheliers qui n’ont pas le niveau d’expression qui était requis il y a cinquante ans pour l’entrée en 6e - car on en est là dans bien des établissements.
Si vous préférez, imaginez donc autre chose : qu’on vous oblige pendant huit heures à compter les petits pois dans un grand seau, ou a faire des additions, ou à lire à haute voix un bouquin écrit dans une langue dont vous n’avez pas les rudiments, vous aurez un équivalent. A certains égards, le travail des prostituées est beaucoup moins dégradant pour l’intelligence et pour toute la personne.
Le phénomène de la prostitution ne se limite pas au travail des dames de petite vertu. Il est présent dans la plupart des activités professionnelles. Tout travail salarié où l’on s’ennuie, où l’on a le sentiment de perdre sont temps et sa liberté relève bien évidemment de la prostitution.

A peu près d’accord sur le fond même si « prostitution » est plus une figure de style qu’une réalité dans ces cas-là.

Je sais très bien que le niveau est super catastrophique. Je fais une rétrospective simple : en 6° je collectionnais les articles sur le Vietnam, je faisais des mots croisés sur une revue qui se dépliait en 8 (je ne me rappelle plus son nom) et je rédigeais pratiquement sans aucune faute, en tous cas pas sur les accords ni sur les conjugaisons ni sur les trucs élémentaires. J’aurais calé sur cuissot et cuisseaux, par exemple.

Aujourd’hui, la langue qu’écrivent les élèves est pratiquement une langue étrangère pour eux. Ce qu’ils parlent est un esperanto fait de bric et de broc qui n’a plus aucun lien avec la langue française. De loin seulement...

@Serpico
Bon, je vois qu’on se comprend, ce qui n’est pas si évident : j’entendais il y a quelques heures une émission de France Culture sur l’enseignement où un pauvre type probablement stipendié par le ministère venait expliquer que le niveau n’avait jamais baissé.
Evidemment, dans les bons lycées, à Louis-le-Grand ou à Henri IV, on peut continuer à peu près comme avant, mais partout ailleurs, c’est plus ou moins catastrophique.
Je ne suis quand même pas tout à fait d’accord lorsque vous dite que c’est par une sorte de figure de style qu’on parle de prostitution lorsqu’on réfléchit sur le salariat. Si j’avais une fille et qu’elle ne pût tenter Normale Sup, je préfèrerais évidemment la voir vendeuse au Prisunic plutôt que sur un trottoir, c’est moins dangereux, mais je suis bien obligé de reconnaître que c’est tout de même de l’ordre d’un préjugé bourgeois héritier de deux mille ans de dévalorisation de la sexualité par le christianisme. En tout cas, les péripatéticiennes ne méritent guère le mépris social qui leur est toujours tombé dessus et encore moins qu’on décide à leur place de ce qui est bon pour elles, comme prétendent le faire nos députés.