Mission laïque française : 49 élèves renvoyés car leurs parents ont saisi la justice
L'Orient le Jour, journal libanais francophone.
Le renvoi de 49 élèves du Lycée franco-libanais de Verdun « pas irrévocable ». La réintégration de ces élèves est soumise à conditions, selon des proches du dossier.
Quarante-neuf élèves du Lycée franco-libanais de Verdun de la Mission laïque française ne seront pas admis à la prochaine rentrée scolaire de 2019-2020. Leurs parents ont reçu une lettre du proviseur de l’établissement, Éric Krop, le 10 avril dernier, signifiant leur prochain renvoi. « J’ai le regret de vous informer que vos enfants ne seront pas réinscrits dans l’établissement pour l’année 2019-2020 », a écrit M. Krop, sans préciser le motif du renvoi. « Nous vous notifions cette décision suffisamment tôt pour que vous disposiez du temps nécessaire pour inscrire vos enfants dans un autre établissement », a-t-il poursuivi, concluant sa lettre par une formule de politesse.
Cette sanction implacable à l’encontre d’élèves, liée au conflit à rebondissements entre leurs parents et la direction de leur établissement, pour refus de signer le budget scolaire et recours en référés contre la direction, n’est « pas irrévocable », et « la porte n’est pas fermée », selon des sources proches du dossier, contactées par L’Orient-Le Jour. La réintégration de ces écoliers serait en revanche « soumise à certaines conditions » auxquelles leurs parents sont tenus de se conformer. Comme celle de « signer le budget scolaire et le règlement intérieur de l’établissement », mais aussi de « retirer les recours en justice », sachant que « certains parents ont présenté jusqu’à sept recours en référés ». Il s’agit donc, pour les parents d’élèves en bisbille avec la direction, « d’accepter les règles du jeu », compte tenu que « la direction du Lycée franco-libanais de Verdun s’engage elle aussi à respecter ces mêmes règles », toujours selon ces sources. À la condition toutefois que « ces mêmes parents d’élèves aient respecté les règles de la bienséance, sur les réseaux sociaux ». « Autrement, ils ont le choix de scolariser leurs enfants dans d’autres établissements privés. »
(Pour mémoire : Aucune majoration des écolages pour deux ans, mais à condition... promet la MLF)
Position officielle de l’institution
Ces assurances viennent quelque peu tempérer la position officielle du chef d’établissement du Lycée franco-libanais de Verdun et le communiqué publié alors par le biais de l’agence de communication Porter Novelli. Le communiqué avait en effet annoncé la décision d’Éric Krop « de ne pas laisser perdurer une situation qui pénalise le fonctionnement du Lycée franco-libanais MLF Verdun de Beyrouth, son avenir, et ne permet plus d’avoir une relation saine et positive entre certains parents et l’établissement ». Il avait aussi insisté sur l’importance du choix par les parents d’un établissement scolaire pour leurs enfants, « tout particulièrement lorsqu’il s’agit d’un établissement français qui suit intégralement les lois du pays dans lequel il fonctionne ». « Ce choix repose avant tout sur la confiance que les familles ont dans l’enseignement et l’éducation proposés par l’établissement », poursuit le communiqué, regrettant que certaines familles n’aient « manifestement plus confiance dans l’établissement » et « refusent d’accepter les règles de fonctionnement administratif, éducatif et financier de l’établissement ». Et le communiqué de conclure que « le Lycée franco-libanais MLF Verdun a pris la décision d’en tirer les conséquences et de notifier à ces familles sa décision de ne pas réadmettre leurs enfants dans l’établissement à la rentrée scolaire 2019-2020, et ce dès maintenant afin que ces familles aient suffisamment de temps pour trouver une solution de scolarisation ».
Le renvoi des 49 élèves du Lycée franco-libanais de Verdun est l’énième épisode de la crise qui touche les cinq établissements de la Mission laïque française au Liban, le Grand Lycée franco-libanais de Beyrouth, le Lycée franco-libanais Lamartine de Tripoli, le Lycée franco-libanais de Nahr Ibrahim, le Lycée franco-libanais Verdun de Beyrouth et le Lycée franco-libanais de Habbouche, à Nabatiyé. Une crise qui a débuté lorsque la MLF a fait part de sa décision d’appliquer intégralement la loi 46 sur l’échelle des salaires adoptée en août 2017 et d’ajuster les scolarités en fonction des augmentations de salaire de son corps enseignant. Elle a atteint son paroxysme lorsque nombre de parents d’élèves, pour faire valoir leurs droits, ont mené des actions auprès de juges des référés, entraînant le gel par cette justice d’urgence des augmentations des frais de scolarité. Ce qui a contraint les établissements de la MLF à geler à leur tour le versement aux professeurs des hausses de salaire prévues par la loi, entraînant un mouvement de grève des enseignants d’avril à juin 2018.
(Pour mémoire : À Beyrouth, les représentants du réseau MLF-monde veulent reconquérir la confiance des parents d’élèves)
Attachés à l’établissement, malgré de profonds différends
Mais aujourd’hui, la tension est retombée au sein de ces quatre établissements et dans deux établissements, au GLFL et à Tripoli, elle est parvenue à des accords entre parents d’élèves et directions, quitte à assumer les augmentations d’écolages pour deux ans. Seul le Lycée franco-libanais de Verdun est encore dans la tourmente. Sans comité de parents d’élèves depuis deux ans, vu que le dernier comité, divisé, a démissionné, il peine à sortir de l’impasse. Entre la direction de l’établissement et les parents d’élèves, les négociations sont rompues, faute d’interlocuteur. « L’établissement fait d’ailleurs l’objet de quelque 21 recours en référé, aux côtés de plaintes présentées auprès du ministère de l’Éducation », selon les sources informées précitées. Et même la dernière décision de ne pas réinscrire les 49 élèves dont les parents sont en conflit avec la direction a fait l’objet de nouveaux recours en référé. « Nous attendons la décision de justice », affirme à L’Orient-Le Jour un parent d’élèves qui s’est vu signifier « le renvoi » de ses enfants, alors qu’il « ne doit pas un sou à l’établissement », comme il l’assure. « Il est regrettable que les élèves paient le prix des différends entre les parents et l’administration », déplore-t-il. Et d’observer que « le problème de base réside dans la multiplication des écolages par deux fois et demie, au cours des dix dernières années, en préparation de l’application de la loi 46 sur l’échelle des salaires ». « Le recours aux référés était le seul moyen de geler cette nouvelle augmentation non justifiée qui a suivi l’application de la grille des salaires », explique-t-il. Mais en même temps, ce parent d’élèves demeure attaché à l’établissement. « Mes enfants ne sont toujours pas au courant de leur renvoi », révèle-t-il, affirmant qu’il tente par tous les moyens de se mettre en contact avec le proviseur Krop, « pour engager le dialogue ». « Je ne comprends pas comment les deux parties en sont arrivées là, conclut-il, alors que nous, parents d’élèves, réclamons uniquement que soit appliquée la loi. »
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