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Accueil du site > Tribune Libre > Modèle français : et si la France avait bien fait de faire le choix de la (...)

Modèle français : et si la France avait bien fait de faire le choix de la différence ?

Le "modèle français" est souvent taxé par beaucoup de "politiques" et par les citoyens eux-mêmes - mais dans une moindre mesure, les citoyens étant favorables à une "modernisation" de la France mais pas nécessaire en profondeur - de "corporatiste", "d’élitiste", de "protectionniste".

Si le "modèle français" fait l’objet de critiques - plus ou moins justifiées - et peut vraisemblablement être corrigé, amélioré, on peut se demander aujourd’hui si les appels à répondre à "l’avenir radieux de la mondialisation" lancés par de "bons esprits", ce qui revient grosso modo à juger le "modèle français" au complet dans la case "périmé" et rejoindre le chœur des Etats qui suivent aveuglément les "modèles anglo-saxons" pour peu qu’on admette que la politique de l’Angleterre est en tout point semblable à celle de ses anciennes colonies (l’Inde par exemple) ou à celle des Etats-Unis, sont toujours d’actualité, ont du sens.

La hausse des prix des matières premières, la pénurie alimentaire et la crise financière de l’année 2008 tendent en effet à rabattre le jeu, en posant les atouts de ce modèle si conspué... Et à faire admettre qu’en dépit des handicaps certains de la France, lesquels peuvent être corrigés, et des améliorations possibles à entreprendre, qui s’avèrent nécessaires... On devrait attendre pour proclamer la "table rase" du modèle français.

Les désastres d’aujourd’hui et nouveaux enjeux à venir semblent en effet prouver que le modèle français, par sa différence, n’est pas aussi hors jeu qu’on a pu le prétendre.

Face à la crise énergétique qui frappe le monde, la France semble en effet posséder la meilleure réponse. Son parc de centrales nucléaires fait de la France le pays développé, de loin le moins consommateur de pétrole (et le plus faible émetteur de gaz à effet de serre) ; la France est par ailleurs le seul pays au monde à maîtriser l’ensemble de la filière nucléaire, à la fois civile et militaire, depuis la production et l’enrichissement de l’uranium jusqu’au retraitement des matières énergétiques.

Pas mal pour la "puissance moyenne" dont Valéry Giscard d’Estaing jusqu’à Sarlozy nous brosse le portrait.

Ceci n’a été possible que par l’alliance d’une volonté politique, celle du général de Gaulle, puis de Georges Pompidou, et d’une volonté technique, celle des grands corps d’ingénieurs, notamment des mines. Le tout avec la bénédiction tacite de la CGT… Bref, tout ce qui fait l’atout énergétique et écologique de la France, c’est ce qui est critiqué dans le modèle français.

Le même schéma se retrouve en matière d’infrastructure des transports ; la France dispose en effet d’un réseau particulièrement performant de routes et d’autoroutes, mais aussi de voies de chemin de fer modernes. Quelle meilleure preuve du succès du TGV que de constater qu’Air France-KLM s’apprête à affréter des trains rapides pour relier entre elles ses plates-formes aéroportuaires ? Là aussi ce résultat est le produit d’une alliance des décideurs politiques et des grands corps techniques.

Dans un cadre accordant une place plus grande à l’entreprise privée, c’est bien la même logique qui a permis la construction de ces grands groupes d’environnement que sont Véolia et Suez, ces cartes maîtresses de la présence française sur la scène mondiale.

Face au défi de la crise alimentaire, la France se semble pas non plus être en dernière place, bien au contraire.

Voulue par le général de Gaulle et imposée à nos partenaires européens par les gouvernements successifs, la politique agricole commune (PAC) a coûté cher ; et pour cause : elle a consisté à maintenir en France et en Europe, pays à main-d’œuvre chère, une agriculture protégée, alors que les prix des produits alimentaires ont constamment baissé durant quarante ans.

Mais le maintien du paysage rural et la sauvegarde de l’indépendance sont des biens précieux. Les contribuables des quatre dernières décennies ont ainsi réalisé un investissement dont les Français et les Européens vont commencer à tirer profit. Malgré une situation de pénurie, la France et l’Europe n’ont pas eu de soucis d’approvisionnement et la hausse des prix alimentaires a été amortie. Là aussi, la PAC a été emblématique du modèle français alliant volonté politique, corporatisme (la FNSEA)… et corps d’ingénieurs.

Autre domaine où le choix de la différence fait par la France paye : la question de la crise financière et immobilière.

Ayant poussé sans retenue la dérégulation financière, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et d’autres pays occidentaux se trouvent plongés dans une crise financière et immobilière profonde. Cette crise risque de connaître un nouveau développement avec la chute probable de nombreux acteurs du crédit à la consommation.

Certes, les banques françaises ont commis des imprudences en achetant des titres américains peu sûrs (les « subprimes ») et leurs courtiers (« traders ») ont parfois pris des risques inconsidérés sur les marchés spéculatifs ; mais les malheurs de la Société générale, avec l’affaire Kerviel, sont anecdotiques à côté des pertes massives des grandes banques des places de New York, Londres ou Zurich, pertes qui dépassent largement les 1 000 milliards de dollars.

La raison de la meilleure tenue de la place bancaire de Paris est simple : les corps des finances et la Banque de France (malgré ou grâce à son archaïsme) ont maintenu un contrôle minimum sur les activités de crédit, ce qui a limité les dérives les plus dangereuses, notamment vis-à-vis des particuliers. Et le conseil ECOFIN du 8 juillet 2008 a repris les propositions françaises d’encadrement des activités des agences de notation dont la responsabilité dans la crise financière mondiale est grande. Bercy va d’ailleurs utiliser la présidence française de l’Union européenne pour faire avancer ses projets de mise en place d’une régulation financière plus rigoureuse.

Autant d’exemples qui semblent appeler à sinon le maintien du modèle français - avec des corrections certes, mais qui ne toucheraient pas aux racines du modèle français lui-même - du moins à la reconnaissance que ce dernier possède quelques vertus et atouts. 

La France est seule à le porter ? Qu’y a-t-il de grave là-dedans ? La décision de Jacques Chirac en 2003 de ne pas se projeter dans un conflit en Irak, d’autant plus illégitimes qu’il n’y avait aucune preuve concrète de la présence d’armes radioactives dans ce pays - a été bonne comme le démontre la situation aujourd’hui dans ce pays.
 
La France a été le premier "Etat" aussi à mettre en place une politique familiale. Les résultats on les voit aujourd’hui : dans une Europe qui peine à se renouveler, la France bat tous les records de fécondité assurant ainsi le renouvellement de ses habitants, et apportant de cette façon une réponse, également, aux questions que suscitent le débat sur : "plus ou moins d’immigration pour repeupler l’Europe".

Preuve qu’en dépit de ses multiples défauts, la France peut proposer un modèle au monde, différent de celui qu’on souhaite à plus ou moins juste titre généralisé.

Saurons-nous saisir la chance d’améliorer ce modèle, sans en perdre sa substance ? L’avenir nous le dira. Espérons qu’il sera bon.


 

 


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9 réactions à cet article    


  • foufouille foufouille 9 septembre 2008 13:47

    en france, on a pas d’uranium. il faut donc du petrole pour importer cet uranium
    sinon j’ai pas vu les prix de la bouffe baisser
    la pac sert surtout a detruire les petites exploitations


    • ronchonaire 9 septembre 2008 14:51

      1. La France a "sécurisé" son approvisionnement en uranium de la même manière que les Etats-Unis "sécurisent" leur approvisionnement en pétrole : en soumettant militairement, en colonisant, et en exploitant les pays producteurs d’uranium. Le Niger, principal fournisseur d’uranium de la France, et accessoirement ancienne (?) colonie française, est l’un des cinq pays les plus pauvres au monde ; il n’y a vraiment pas de quoi être fier de la façon dont nous avons "sécurisé" notre approvisionnement en uranium ; ou alors, il faut arrêter de sermonner les américains, qui font exactement la même chose que les français !

      2. Nos "grands groupes" ne sont pas le résultat d’une politique favorable à l’entreprise privée, ils sont le produit des nationalisations-privatisations opérées à grand frais dans les années 80 ; ils n’ont pu grossir que grâce à l’argent des contribuables, argent qu’ils se gardent d’ailleurs bien de rembourser maintenant qu’ils sont 100% privés.

      3. La PAC en France, avant l’élargissement de 2004, c’était 1/4 du budget de l’UE pour à peine 300 000 pequenots. La PAC en Europe, c’est un désastre écologique et sanitaire, vu qu’il n’y a plus un seul paysan qui sache faire pousser du maïs sans engrais chimique ou élever une vache sans la gaver d’hormones. La PAC, enfin, ce sont des prix au consommateur très élevés, bien au-delà des cours mondiaux, et la ruine de l’agriculture des pays en développement. Enfin, il n’y a pas la moindre preuve que les prix aient moins augmenté en France qu’ailleurs ces derniers mois.

      Il n’y a pas à dire, il est vraiment bon le "modèle français" !


      • foufouille foufouille 9 septembre 2008 15:44

        pour les culto, tu peut faire les marches et les foires de la bourgogne profonde. tu verras que tout les culto ne font pas des trucs industriels


      • Tzecoatl Tzecoatl 9 septembre 2008 23:27

        La France doit d’abord essayer d’abord d’avoir un modèle correspondant à sa culture, au lieu d’importer d’autres modèles plus que défaillants à tendances hégémoniques, de cultures qui ne lui correspondent pas.

        Alors, effectivement, elle capitalise encore aujourd’hui sur des apports industriels passés. Mais elle perd son leadership, embourbée dans une restructuration idéologique, qui n’est que le pré-requis à son affaiblissement.




        • georges 10 septembre 2008 00:52

          je n ai jamais eté tres inquiet pour la France , sa demographie et sa geographie en fera la premiere puissance européene vers 2050 , ce sont meme des etudes allemandes qui le disent
          on traverse un coup de mou car on a mis un peu de temps a se projeter sur les defis du futur et adapter notre "modele" , mais ca se fera progressivement mais pour l instant on a peur de tout mais la France c est du solide , ya pas un pays plus sur pour ss investissements, c est ce qui fera la difference dans un monde de plus en plus instable
          ce qu il faut changer c est surtout notre MENTALITE
           


          • Jean-paul 10 septembre 2008 00:53

            A l’auteur

            Le monde entier s’en fout du modele social francais !!!!!!!!!!!!!!!!!


            • Quousque Tandem Alain Bondu 10 septembre 2008 00:57

              Il y a du vrai dans l’analyse de l’auteur telle que je la comprends : Les options centralisatrices de la France, ses partenariats public-privé (j’ajouterai : en usage depuis des siècles) ne sont pas si mauvais face aux dérives de la mondialisation, même s’ils sont perfectibles, et même si les objections de Ronchonaire ne sont pas toutes infondées.

              mais la perversité de cette mondialisation est, pour moi, la suivante : bien sûr que le monde a besoin de plus de régulations, de davantage de planification, mais le force de ce mouvement de mise en concurrence généralisée est telle qu’aucun pays ne peut faire l’économie de passer par la case "dérégulations", avec son cortège de détresses, même si c’est pour revenir plus tard à un système proche du nôtre.
              Ceux qui l’ont lancé ont involontairement (ou délibérément ?) libéré des forces économiques incontrôlables.
              C’est ce qu’ont compris les pays à capitalisme rhenan, et c’est pourquoi ils ont au moins en partie renoncé à défendre leur modèle économique.
              J’espère me tromper, mais je crains que nous ne soyons dans la même situation.

              Les exemples de développement industriel aidé et encadré par l’état que cite l’auteur sont probants (même s’il y a eu ausi des échecs ou des demi-échecs, tels le France ou le Concorde), mais notre pays aurait-il encore les moyens de telles opérations ?

              Autre remarque : parmi les exemples cités par l’auteure il y a le TGV. J’ai été ravi de voir enfin quelqu’un dire clairement que ce système a été développé grâce à un partenariat associant une entreeprise publique (la SNCF) et une quantité d’entreprises privées (Alsthom, bien sûr, mais aussi Creusot-Loire, Jeumont-Schneider, etc... Une dizaine d’entreprises de premier plan au total). Quelques années plus tard, Alstom, qui à la faveur des concentrations industrielles et de la faillite de Creusot-Loire avait récupéré l’ensemble de la filière, était en quasi-faillite, et prête à être avalée toute crue par Siemens, Siemens qui aurait ainsi récupéré à bon compte les développements de toute une filière industrielle. Il a fallu la détermination du ministre des finances de l’époque pour obtenir de Bruxelles l’autorisation de sauver cette filière... Un certain Nicolas Sarkozy, qui a été bon au moins sur ce coup-là.
              Mais je crains que les cas où nous perdrons le contrôle de filières techniques ou industrielles, développées par nous avec beaucoup d’efforts et de claivoyance, ne se multiplient dans l’avenir. Là encore, j’espère me tromper.


              • Steve 10 septembre 2008 03:23

                AAh le sacré modèle français

                Le modèle français a bien sûr des atouts, il a creé :

                un bon infrastructure de transports

                un parc de centres nucléaires 

                un haut niveau de protection social

                mais il reste aussi des problèmes spécifiqués à ce modèle :

                Taux élevé de chomage (surtout parmi les jeunes - 22% !) et des problèmes dans la création des emplois dues aux très sévéres charges patronales

                Un grande nombre de travailleurs sur le SMIC (beaucoup plus qu’en Royaume Uni ou d’autres pays occidentals)

                Un haut niveau d’endettement publique

                Je ne suis pas sûr que le prix de bouffe soit moins cher en france qu’ ailleurs. En général je trouve la france assez chère.
                Bref, le système français n’est pas un modèle que la reste du monde veut adopter. Le modèle néerlandais ou modèle scandinave est bien supérieur que son équivalent français parce-qu’il existe un haut niveau de protection sociale combiné avec la flexibilité dans le marché de travail.
                Il faut également distinguer les modèle britannique et americaine, ils sont differents. Le niveau de protection protection est nettment supérier en Royaume-Uni.




                 


                • touti 10 septembre 2008 21:46

                  bien sûr la différence française a permis ce que vous dites dans une europe en construction, un quinquenat va peut être suffire pour rendre cette différence définitivement inopérante avec la casse des ministères techniques, une contrainte européene apparemment. A moins que les grands groupes à qui on cède à un prix d’ami les autoroutes, le nucléaire, les transports collectifs, l’énergie gardent leurs anciennes habitudes d’être différents. sinon, il restera la baguette de pain et le béret basque...et les grandes surfaces. 
                   

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Auteur de l'article

elisabeth


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