Mon discours de futur lauréat du Prix Nobel d’Économie (1)
(1) Prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d'Alfred Nobel
Mesdames, Messieurs,
Comme chaque année, vous voici solennellement réunis, plus élégants les uns que les autres, pour célébrer avec fierté et autosatisfaction le choix du lauréat du Comité Nobel pour l'attribution du Prix Nobel d'Économie.
En vérité, je vous le dis, vous n'avez aucune raison d'être fiers de l'incompétence du Comité Nobel !
Certes, l'incompétence du Comité Nobel ne résulte pas du fait qu'il m'ait distingué pour le Prix Nobel d'Économie cette année. Non. Son incompétence résulte du fait que le Comité Nobel, censé se trouver informé de toute chose économique dans le monde, ne m'ait pas distingué dès 1981.
En effet, au Honduras, en 1981, je professais déjà ce qui me vaut d'être distingué aujourd'hui, à savoir que les agriculteurs de produits vivriers doivent, impérativement, posséder des stockages et disposer de crédits de campagne de commercialisation (de récolte à récolte) pour pouvoir commercialiser leurs produits tout au long de la campagne en percevant des prix rémunérateurs et en réalisant des marges propres à augmenter leurs profits, à améliorer leur niveau de vie ainsi qu'à accroître leur productivité.
Dans le cas contraire, faute de stockages, ils se trouvent contraints de vendre dès la récolte, ou juste après, et, du fait de leurs ventes massives, les prix chutent à leurs dépens et ce sont les commerçants et les agro-industries qui profitent de leurs stockages pour acheter à bas prix au moment de la récolte et pour vendre ensuite, tout au long de la campagne, à prix croissants, avec des marges plus que substantielles, jusqu'à la récolte suivante.
Si le Comité Nobel m'avait distingué en 1981 et honoré du Prix Nobel d'Économie dès 1982, une succession de graves incompétences auraient été évitées pour le meilleur profit des agriculteurs de produits vivriers au Honduras.
Tout d'abord, le Gouvernement du Honduras aurait été plus sensible à mon discours et aurait mis en œuvre mes recommandations en faveur des agriculteurs, ce qu'il n'a toujours pas fait depuis plus de 35 ans... Ceci est un authentique scandale administratif, politique, économique et social pour lesdits agriculteurs, un parfait symptôme de mauvaise gouvernance.
Par ailleurs, le desk-officer de la Commission Européenne pour le Développement au Honduras aurait été également plus attentif à mes diagnostics et recommandations. Il aurait notamment insisté auprès du Commissaire Européen au Développement de 1981, Edgard Pisani, grand humaniste devant l'Éternel (décédé en juin 2016), pour que la Commission Européenne accompagnât financièrement l'hypothétique projet du Gouvernement du Honduras de création d'un réseau national de stockages en faveur des agriculteurs de produits vivriers.
Ensuite, tout ceci aurait pu servir d'exemple aux autres pays sous-développés...
En raison de cette carence du Comité Nobel, en 1981, rien de tout cela ne s'est produit et, aujourd'hui, j'ai honte d'être honoré, devant vous, du Prix Nobel d'Économie tandis que la situation des agriculteurs cultivant des produits vivriers au Honduras, et dans nombre d'autres pays sous-développés, n'a pas varié d'un iota et que les les commerçants et les agro-industries continuent d'emmagasiner des marges substantielles quasi illégitimes.
Mesdames, Messieurs, vous pouvez être choqués de m'entendre accuser le Comité Nobel d'incompétence. Je pourrais vous consoler en vous donnant bien d'autres exemples d'incompétences ayant frappé d'autres organismes, fameux dans le monde entier, se piquant d'aide au développement des pays sous-développés, comme la Banque Mondiale, par exemple, qui a promu les coûteux stocks de sécurité, imaginés par la FAO, parce qu'elle a faussement cru qu'ils reviendraient moins chers que la régulation de marché.
En conclusion, sur la base du constat de l'incompétence des élites que je viens de citer, je me vois contraint de dire que si, dans tous les autres domaines socio-économiques, nos élites sont tout aussi incompétentes, il y a lieu d'être quelque peu désespéré de l'avenir.
Mesdames, Messieurs, j'en ai terminé.
Vous n'êtes pas obligés d'applaudir...
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