« Mon Holocauste » - Encouragement au révisionnisme ?
Si Tova Reich n'était pas une écrivaine juive hantée par la déportation de sa famille, elle serait probablement soupçonnée d'antisémitisme déguisé. De plus, les observateurs pourront s'étonner de la parution tardive en France de son livre intitulé, "Mon Holocauste". Pourquoi ce décalage de 7 ans entre sa parution aux États-Unis et sa distribution seulement maintenant dans l'hexagone. La fiction satirique qui décrit une commercialisation de la Shoah, avait été diversement appréciée lors de sa sortie. Une oeuvre qui serait dérangeante et encouragerait le négationnisme selon la critique du "New York Times", mais plutôt salutaire, voire nécessaire, d'après Cynthia Ozick et Finkielkraut.
Image - John Hersey
Le livre de Tova Reich conte l'histoire de la famille Messer qui fait de la Shoah un commerce juteux avec son entreprise, "Holocaust Connection Inc". Maurice, le père, est aussi le président du musée du mémorial de l'Holocauste des Etat-Unis. Des visites organisées du camp de Auschwitz font tourner rondement l'affaire, surtout que pour quelques milliers de dollars en plus, le visiteur pourra faire de l'Holocauste sa cause et voir par exemple son nom gravé sur une réplique d'un wagon de déportés exposé au musée américain.
Or il se trouve que Mme Reich est aussi la femme de l'ancien et vrai président du musée de l'Holocauste. Ce qui amène le New York Times à en déduire que mobile de l'écriture de cet ouvrage, n'est autre qu'un sombre règlement de compte. Le célèbre journal étatsunien évoque également le danger du révisionnisme, car écrivait-il :
"A une époque où des crétins et les fanatiques disent l'Holocauste n'a jamais eu lieu, ou que ce n'était pas un gros problème si c'était le cas, l'entreprise de faire connaître et d'exploiter l'assassinat en masse des juifs d'Europe à des fins politiques, financier ou institutionnel est quelque chose que les Juifs préfèrent ne pas discuter, sauf chez nous. Reich a pris ce tabou et construit un roman entier - méchamment intelligent et choquant, insipide et ennuyeux..."
Un passage de l'ouvrage est particulièrement révélateur du message délivré par l'auteur. Il invite à la réflexion sur ce besoin obsessionnel qui consiste à désigner la Shoah comme le crime absolu, le génocide par excellence, comme s'il pouvait ou devait exister un classement dans l'odieux.
La scène se passe au musée de l'Holocaute ; un groupe de manifestants qui se fait appeller "Holocauste Unis", occupe ce lieu chargé d'histoire pour revendiquer l'égalité entre tous les génocides.
Dans ce court extrait la provocation et la dérision sont bien sûr poussées à l'extrême jusqu'à l'absurde, voire au blasphème.
" Souvenez-vous, en matière d'Holocauste, un rat de laboratoire est l'égal d'un poulet gavé qui est l'égal d'une baleine en voie d'extinction qui est l'égale de votre grand-mère".
Par contre, Cynthia Ozick, particulièrement connue pour sa littérature juive elle-même d'une famille d'émigrants russes réfugiés aux Etat-Unis pour fuir les pogroms, se dit très enthousiasmée par la lecture du livre.
"J'ai découvert avec un ébahissement croissant les mots stupéfiants employés par Tova Reich dans mon Holocauste. C'est un roman devant lequel on devrait tous se mettre à genoux".
Quant à Finkielkraut, il déclare au sujet de la récupération possible des négationnistes :
"Les faurissoniens boute-en-train chercheront-ils à récupérer Mon Holocauste ? Peu importe. Il faut leur rendre la monnaie de leur pièce : faire comme s'ils n'existaient pas... c'est la diaspora de lecteurs intelligents auxquels ce livre fera du bien."
Pour le philosophe, le Crif est-il un lecteur intelligent. En tout cas pour l'instant pas de réaction sur son site dans la rubrique "A lire, à voir, à écouter", sur "Mon Holocauste". Ont-ils entendu la parole du rabbin de la Synagogue nationale de Washington, Shmuel Herzfeld, lorsqu'il disait :
"Regardons comment notre communauté commémore la Shoah. Il y a souvent un orateur distingué et un endroit prestigieux, et beaucoup de pompe et de cérémonie. Mais est-ce commémorer les victimes ou est-ce servir ses propres intérêts ?".
Sources, Le Nouvel Obs et Les Inrocks
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