Naît-on criminel ou le devient-on ?
La criminalité, une tare congénitale ou une avenue qui deviendra la seule issue d’un être qui souffre intérieurement ?
Selon mon expérience, je peux affirmer que ça peut être l’un ou l’autre ou même les deux. Toutefois, la majorité se situe dans la catégorie de ceux qui le sont devenus.
En 24 ans de carrière pour le service correctionnel, j’en ai vu passer des criminels. Pour la plupart, on constate la même pathétique histoire. Issu d’un milieu défavorisé, un père alcoolique, une mère dépressive, les enfants laissés à eux-mêmes, souvent battus et parfois abusés sexuellement. Les bambins qui grandissent dans de tels milieux se sentent impuissants face à leur situation. Ils sont trop petits pour pouvoir y changer quelque chose. Une colère s’installe peu à peu en eux. Souvent bafoués par leurs parents, rejetés par leurs pairs à l’école, ils n’ont pas développé une bonne estime de soi et se sentent seuls au monde. Ils deviennent ainsi des individus en marge de la société.
Lorsque vient l’adolescence, leur recherche d’identité et d’appartenance les mèneront vers la fréquentation de pairs marginaux car c’est auprès d’eux qu’ils pourront se sentir à la hauteur. Leur colère et souffrance intérieures deviennent si difficiles à vivre qu’ils chercheront à les anesthésier en consommant des substances intoxicantes. Évidemment, cela coûte cher et beaucoup d’entre eux n’auront pas les moyens pécuniaires pour financer cette consommation. Ils iront alors commettre des crimes afin d’obtenir rapidement l’argent qu’ils ont besoin. S’ils ont été battus durant l’enfance, il y a de fortes chances qu’ils deviennent également violents. Ils pourront alors commettre des délits de violence contre la personne en plus des vols ou avec les vols, tel qu’en témoignent les criminels qui se spécialisent dans le vol qualifié. Éventuellement, ils rencontreront une personne avec qui ils formeront un couple et auront des enfants. Ils répéteront la même dynamique familiale qu’ils ont vécue, ils ne connaissent pas autre chose. Et la roue tournera, c’est ainsi que nous verrons d’autres criminels se former. Par contre, avec de bons traitements, un suivi soutenu et beaucoup de supports, certains arriveront à s’en sortir et à s’intégrer adéquatement. Brisant ainsi ce cercle vicieux, cette usine à criminels.
La société et l’environnement jouent donc un rôle indéniable dans la fabrication du criminel. Bien qu’il soit possible qu’un individu naisse criminel, cette catégorie demeure minime et exceptionnelle. Il est certain qu’il m’est arrivé de rencontrer un criminel qui avait vu le jour dans un milieu familial dit fonctionnel avec des parents aimants qui favorisaient le dialogue et le partage. Ces enfants ont fréquenté de bonnes écoles, étaient valorisés, avaient des amis et des activités sociales agréables. Pourtant, ils se sont mis à faire des crimes et se retrouvent au pénitencier. On a beau examiner l’enfance, le milieu familial et l’environnement et nous ne trouvons aucune explication à ce dérapage. On y regardant de plus près, une évaluation psychiatrique mettra alors au jour un trouble de la personnalité anti-sociale et peut-être même la présence de traits psychopathiques. Ainsi, s’il est possible de traiter la première catégorie de criminels, il en sera presque impossible pour cette dernière, surtout s’il y a présence de psychopathie. Les psychopathes étant des êtres qui n’éprouvent aucune empathie ou remords, il devient alors presque impossible de trouver le point qui les touchera et leur donnera envie de changer. Heureusement, peu d’individus se retrouvent dans cette catégorie. Ce qui nous laisse l’espoir de pouvoir peut-être un jour arriver à un monde meilleur, mais même si nous pouvons espérer faire diminuer le taux de criminalité, elle demeurera impossible à anéantir.
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