Neil Armstrong, un courage exemplaire
Voilà des nouvelles comme on ne souhaite pas en recevoir : l'annonce ce soir 25 août de la disparition de Neil Armstrong me touche particulièrement, pour plusieurs raisons. Cet homme a illuminé mon adolescence par ses exploits, et m'a séduit des années encore après par son caractère, humble et désireux de ne pas faire de vagues, alors que la célébrité l'étouffait littéralement. En devenant le premier homme à avoir posé sur le pied sur la Lune, Neil Armstrong avait hérité personnellement d'un terrible fardeau à porter : il était devenu par définition unique. Tout le restant de sa vie, il nous a démontré qu'il l'était effectivement. En refusant les honneurs inadéquats, en ne se transformant pas en monstre imbu de lui-même ou en s'enfermant définitivement dans le silence (il participait aux conférences et a joué un rôle important dans la commission d'enquête sur l'accident de Challenger). Le cosmonaute reconnu par ses pairs comme l'un des pilotes parmi les plus talentueux au monde, sinon de tous les temps, a vécu 43 ans en modèle pour plein de générations, démontrant par l'exemple que l'on pouvait vivre dans la célébrité sans se prendre pour une vedette inaccessible. Beaucoup feraient bien de s'en inspirer. La grandeur de son geste lunaire n'a jamais été ternie par une quelconque de ses actions d'après... En ce sens, c'est bien un homme exemplaire qui vient de disparaître, un homme que je me devais obligatoirement de saluer ici.
Cet homme n'avait rien de surhumain, mais les choses qu'il a pu vivre laissent l'idée d'un personnage hors du commun, choisi par ses pairs pour ses qualités de sang-froid, qui resteront son image de marque principale. Alors que son LEM n'a plus qu'une minute de carburant pour se poser, en ce 21 juillet 1969, il explique calmement aux contrôleurs de Houston qu'il cherche toujours l'endroit le plus adéquat pour poser le plus horizontalement possible son vaisseau, sans l'endommager, et sans remettre en cause les huit années d'efforts qu'a nécessité le programme Apollo (Huit années de préparatifs). Il ne veut que la réussite de la mission qui lui a été confié, et pour cela... il prend son temps, sans stresser davantage. Personne à sa place n'aurait fait de même, à moins d'être hors du commun. Quand la Nasa relévera les fiches de contrôle de ses battements de cœur à ce moment crucial, elle s'apercevra que son pouls était resté... normal. Ce n'était pas la première fois chez lui, comme on va le voir. Ce n'était pas du flegmatisme, car l'homme était resté d'une concentration incroyable, ni de la légéreté : Neil Armstrong, pressenti pour être le premier à fouler le sol martien, pensait déjà à ce qu'il allait dire en posant le pied sur le sol lunaire. Le débat n'est pas terminé sur qui exactement pilotait ce jour là : Aldrin, taxé de "pilote" officiellement, ou Armstrong portant lui le titre de "commandant de la mission" ? En réalité, c'était bien Armstrong, qui en même temps répondait au micro en direct à Houston : le commandant de bord était bien à la manœuvre, et Aldrin le secondait sur la planche de bord du LEM, dont l'étroitesse obligeait à se tenir debout. Dans le LEM, les commandes étaient doublées (celles pilotant l'orientation et la poussée des moteurs, via des joysticks).
Le compte-rendu des dernières secondes a été consigné et il confirme ce rôle majeur : "Au MET 102:43:20 (à 430 pieds d'altitude 131 mètres) Armstrong a appuyé de sa main gauche sur un ressort d'interrupteur à bascule , pour entrer dans le mode de vitesse de descente (P66). Maintenant, l'ordinateur contrôle la poussée de l'engin spatial afin de maintenir un taux de descente commandée par l'interrupteur ROD. Une chiquenaude vers le haut ralentit la descente à un pied par seconde (30 cm/s) ; une chiquenaude vers le bas augmente le taux de descente de la même quantité. En utilisant le joystick, Armstrong fait pencher la LM au zéro sur la vitesse horizontale et l'amène vers une zone sûre pour l'atterrissage. Après quelques "éventuels" mouvements spasmodiques de contrôle provoqués par la poussière soulevée par le panache d'échappement qui déforme sa perception de la vitesse de translation, à 102:45:40 MET, Armstrong atterrit en toute sécurité le vaisseau spatial dans la mer de la Tranquillité ». L'atterrissage, filmé du hublot de Buzz Aldrin (à la droite du LEM). Armstrong prend le micro et annonce avec aucune émotion particulière " : "Houston, ici la base de la Tranquillité. L'Aigle s'est posé."
Investi comme pilote d'un véhicule américain, il aura cette phrase universelle qui le fera rentrer dans l'histoire. Plus tard, il dira des banalités qui ne seront pas toujours comprises, telles qu' "il n'y avait pas de poussière" voulant signifier que ses pas, effectivement, ne soulevaient aucun nuage de cette maudite poussière qui collait tant aux vêtements. On mettra des années à comprendre cette énigme : comment se faisait-il que cette satanée poussière de lune paraissait comme humide, ou réagissait comme du sable humide, dans un coin où il n'y avait pas une seule goutte d'eau (sauf lorsqu'elle était soufflée par les gaz d'une fusée, comme lors de l'atterrissage, où elle n'était pas très fort apparue non plus). On découvrira bien plus tard que c'est le champ magnétique solaire qui lui donnait par charge électrostatique cette faculté incroyable à adhérer partout : sur elle-même tout d'abord, sur les vêtements ou les pieds du module lunaire... sans jamais faire de nuages.... de poussière ! Un de ces collègues confirmera : "quand on marche sur cet épais sol poudreux, on s'enfonce un peu de quelques centimètres, comme dans du sable doux. Ce sont des grains de poussière fins comme du talc. Ils s'accrochent aux vêtements et on les enlève difficilement. Les combinaisons deviennent très vite noires au niveau des chevilles. C'est un peu ennuyeux, mais cela ne nous a pas particulièrement posé de problème," précisera Edgar Mitchell, pilote du module lunaire Apollo 14 (en photo, Harrison-Schmitt d'Apollo XVII, couvert de poussière).
Au moment où le LEM, cette araignée si fragile faite en partie de tubes et d'aluminium en feuille souple s'était posé, Armstrong avait évalué ses chances à minima lors de son survol en rase-mottes de l'astre lunaire, à passer les dernières secondes à jouer à saute-moutons avec les cratères. "Je pensais que nous avions 90% de chances de retourner sains et saufs sur Terre à l'issue de ce vol mais seulement 50% de chances de nous poser (sur la Lune) lors de cette première tentative" avouera-t-il. Il fallait en avoir, du courage, pour en arriver là avec une telle quiétude. Du courage, Neil Armstrong en avait déjà eu à revendre, en échappant plusieurs fois à la mort dans des circonstances parfois hallucinantes.
En Corée, tout d'abord, où il était arrivé en qualité de jeune pilote juste sorti de l'école de la Naval Air Station de Pensacola. Précoce, il venait de recevoir son diplôme de pilote confirmé... deux semaines après son vingtième anniversaire. Le 5 janvier 1951. le voilà à faire son premier appontage à bord de son Panther de la VF-51 sur le porte-avions USS Essex, qui s'en va déjà combattre en Corée. Il va tout de suite y montrer ses talents de calme... devant l'adversité, face à un événement incroyable. Le 29 août, à bord de son avion de reconnaissance (et donc non armé !) F9F-2P ("Recce Panther") numéro 125122 au dessus du village de Majon-ni, près de la ville de Songjin, son avion qui croise alors à 560 km/h est atteint par un tir de DCA. Destabilisé, l'appareil s'enfonce et se retrouve à moins d'une dizaine de mètres du sol quand il s'emplafonne l'aile droite dans... un poteau télégraphique, qui pénètre jusqu'à un bon mètre dans le bord d'attaque de son aile. En tentant de rejoindre sa base, avec un bout de poteau toujours fiché dans son aile, il s'aperçoit qu'il lui sera impossible de le faire : il s'éjecte au dessus du territoire ami du Sud (au dessus de Pohnag) et est récupéré au sol, sans aucune blessure apparente. Dans son escadrille, tout le monde se demande encore comment il avait réussi à faire voler aussi longtemps encore son Panther endommagé. Après 78 missions au dessus de la Corée du Nord, il reçoit l'Air Medal pour les 20 premières, la Gold Star pour les 20 suivantes et la Korean Service Medal et l'Engagement Star, et le moment pour lui est venu de quitter l'armée, le 23 août 1953.
Il vient de trouver un nouveau job à sa taille : lui qui a toujours rêvé de voler s'est trouvé un boulot de... pilote d'essais. Il essaiera en fait tout ce qui se faisait à ce moment-là : on le verra même voler à bord du Bell X-5, ce Messerschmitt P.1011 fort peu déguisé, à ailes repliables, qui revenait directement d'Allemagne grâce à l'Opération Lusty, et qu'on avait un mal fou à piloter. L'allemand ne pouvait changer l'attaque de ses ailes qu'au sol, le X-5 en plein vol. Avec lui, Armstrong échappera encore une fois à la mort : c'est le second prototype (le 50-1839) et non le sien qui se crashera le 14 octobre 1953 à Edwards, tué son infortuné pilote d'essai. Le plus souvent, Armstrong se retrouve au dessus du grand lac salé à jouer les avions suiveurs d'avions d'essais, à piloter le plus rapide du moment, le F-86 Sabre notamment, au dessus du Dryden Nasa Center, autrement dit la base d'Edwards.
Son métier de pilote d'essais est à risques à une époque où l'ordinateur n'existe pas, et que les veines aérodynamiques ne résolvent pas toutes les erreurs de design : parmi les avions qu'ils pilotent, beaucoup se retrouvent dotés d'une autre configuration après qu'il en a pris les commandes. Comme calculateurs, on ne possède que des règles à calcul. Le 22 mars 1956, le pilote à tout faire qu'il est devenu se retrouve à bord d'un B-29 en qualité de co-pilote (Stan Butchart étant le commandant de vol), avec coincé dans sa soute à bombardement... un avion d'essai qui nécessite d'être largué en vol : le Douglas Skyrocket D-558-2.
Le B-29 arrivé à 30.000 pieds (9,1 km), un de ses moteurs, le N°4 (l'extérieur droit, donc) a mis son hélice en drapeau et Butchart a tenté de la faire redémarrer, mais elle s'est alors emballée. Trop peu rapide pour le lancement (qui nécessitait plus de 330 kmh), le B-29 doit se résoudre à larguer le Skyrocket car il ne peut atterrir avec cet avion encore attaché sous le ventre (sinon il l'écrabouille !). Comme celui-ci ne veut rien savoir, la méthode forte est requise : les deux pilotes de B-29 mettent ce dernier en piqué pour le décrocher. Juste au moment ou le D-558 a daigné se détacher, le moteur 4 a explosé de façon très violente, endommageant le moteur trois et même de l'autre côté du fuselage... l'appareil ne vole plus alors que sur un seul moteur : c'est comme ça pourtant qu'ils atterriront sans encombre à leur base de départ... à la grande surprise de leurs équipiers, qui les croyaient déjà perdus. Personne n'avait jusqu'ici vu un B-29 s'en sortir ainsi sur un seul moteur !
Ce ne sera pas le seul incident au cours de sa carrière : le 15 août 1957, le voilà à bord du Bell X-1B, à atteindre 11.4 miles (18,3 km) d'altitude. Au retour, l'appareil lui joue un de ses grands classiques dont il a hélas l'habitude : à l'atterrissage sur le lac salé de la base, il plie son train avant et force Armstrong à jouer des bras pour le maintenir en ligne droite dans un long sillon de sel (ou plutôt de boue salée !). Plus tard, le 24 avril 1962, alors qu'il vole à bord d'un Shooting Star en compagnie de Chuck Yeager, le premier a avoir passé le mur du son, pour chercher si d'autres lacs salés du coin pourraient servir de zone d'atterrissage de secours pour le X-15, un appareil si difficile à contrôler une fois lancé. Le Smith Ranch Dry Lake a retenu leur attention, mais Yeager, qui connaît mieux la région, rechigne à tenter de s'y poser pour vérifier :
selon Armstrong, si le première tentative se serait bien passée, à la seconde, pour laquelle Yeager a demandé de se poser moins vite, le T-33 se pose mais reste collé dans la boue, avec un Yeager hilare paraît-il. Le 21 mai de la même année, autre gag : envoyé par ses responsables pour aller tester un autre lac, le Lac Delamar, toujours pour des atterrissages d'urgence, il s'y rend à bord Starfighter F-104. Ce jour-là ce sera la journée des catastophes pour plusieurs membres de l'équipe d'essais d'Edwards, ces casse-cous légendaires comme Thompson ou Dana (pilote lui aussi de X-15), qui oseront monter à bord de briques volantes que seront les "Lifting Bodies". Ces gars-là ont écrit l'histoire de l'aviation en permettant à la navette spatiale d'exister, et Armstrong faisait partie de leurs rangs.
Ce jours-là, en arrivant au dessus du lac visé, Armstrong commet une erreur, trompé par la réverbération diu sel : il est trop bas et tente de se poser alors que son train n'est pas complètement sorti. Celui-ci s'est aussitôt rétracté quand il a touché le sol : l'ayant constaté, Armstrong a violememment remis les gaz, mais l'arrière de l'avion a raclé le lac, abîmant la quille (et au bout de celle-ci le crochet dont était muni le Starfighter pour accrocher un brin d'arrêt en bout de piste en cas de problèmes) et les portes du train d'atterrissage principal, endommageant la radio qui y était située, et l'avion a commencé également à perdre du fluide hydraulique.
Reparti vers la base de Nellis Armstrong, sans radio, à fait un passage bas en agitant ses ailes, signe de problèmes à bord. La perte de fluide hydraulique a fait que la crosse située juste devant le compartiment à parachute de frein ne s'est pas mise en place, et l'avion a fini par se prendre la quille tordue dans le dernier fil d'arrêt, accroché à un gros paquet de chaînes qui ont été traînées tout au long de la piste. Armstrong a alors demandé à son ami Milt Thompson de venir le chercher avec un F-104B, appareil que Thompson ne connaissait pas trop : arrivé à Nellis, celui-ci éclate son pneu principal gauche à cause d'un fort vent de travers.
On demande à Bill Dana de venir les dépanner en Shooting Star T-33, mais ce dernier va sortir de la piste avec un atterrissage trop long, laissant son appareil coincé en bout de piste : les trois malheureux rentreront au final en bus à Edwards, à la fin de cette journée cauchemardesque ! Ce jour-là, quelques centimètres plus bas et le F-104, avion délicat à piloter, dont les ailes étaient si minces qu'au sol il fallait apposer des feutres sur leur tranchant pour que les "rampants" (voir photo) ne se blessent pas, faisait un cheval de bois en rebondissant sur sa quille ! Armstrong était passé par une belle porte !
Mais le pilote d'essai va bientôt chevaucher sa monture préférée : le X-15, la bête de course jamais égalée qui atteindra Mach 6,7 (7272,6 km/h, atteint recouvert d'un matériau ablatif rose recouvert d'une peinture blanche !!!) et satellisera à deux reprises sons pilote, devenu cosmonaute pour l'occasion. Avec cette balle de fusil volante, l'erreur n'est pas permise : Armstrong s'en apercevra le 20 avril 1962, ou après avoir atteint 207 000 pieds d'altitude, (63 000 m) son X-15 pas assez incliné vers le bas, a rebondi sur les couches denses de l'atmosphère au lieu d'y rentrer, repartant illico à 43 km d'altitude... et ratant bien sûr sa base par la même occasion : ses collègues qui l'attendaient pour l'accueillir le verront passer à Mach 3 et 30 000 mètres d'altitude, se demandant où il allait terminer sa course...
il atterrira intact sur un des fameux lacs de secours repérés auparavant... à 64 km de distance, exactement, de sa base d'Edwards ! On retrouvera son X-15 en bout de lac, à quelques mètres de cactus "Joshua" Trees qui parsemaient le coin. Il avouera aux sauveteurs accourus qu'ils les avait vus à l'entrée du lac et avait tout fait pour les éviter. Rappelons que son engin se posait extrêmement vite, étant dépourvu de grandes ailes, sur deux skis arrière, la roulette avant ne servant qu'à garder la trajectoire une fois au sol (un des X-15 se brisera en deux à l'atterrissage lors d'une arrivée trop brusque).
Le X-15 et ses facultés "spatiales" l'amèneront naturellement dans le corps des cosmonautes, qu'il intègre en 1958 où là encore il fera preuve d'un sang froid inattendu. Dans l'Air Force, alors qu'il est pourtant redevenu civil, on lui propose d'être le futur pilote d'un fantastique projet : le X-20 Dyna-Soar, une navette à occupant unique qui aurait dû être le premier planeur spatial. Les restrictions budgétaires dûes aux dépenses pour la guerre du Viet-Nam auront raison de l'étude, qui sera remplacé par une cabine spatiale biplace, bien supérieure au boulet non piloté qu'avait été Mercury. C'est le talentueux et discret Dick Slayton qui le recrute le 13 septembre 1962 pour faire partie du second lot de neuf cosmonautes américains que l'on va donc appeler sobrement les "New Nine". La capsule Gemini qu'ils doivent utliser à été conçue spécialement pour étudier le rendez-vous spatial, qui sera, on le sait, obligatoire pour la conquête lunaire. Sa mission débute le 16 mars1966, comme commandant de bord avec son collègue David Scott, copilote. Au début, tout se passe à merveille, elle consiste à rejoindre un étage de fusée Agena lancée auparavant et comportant un anneau de "dock" pour simuler l'amarrage futur d'un véhicule à une station spatiale. Un contact qui se fait au radar, puis à vue, au joystick de pilotage de Gemini 8. La capsule s'amarre parfaitement, mais l'ordinateur de bord, pour une raison inconnue, s'affole soudainement et met en marche l'Orbital Attitude and Maneuvering System (OAMS) de façon irréfléchie, lançant des jets de péroxyde d'azote d'un seul côté, mettant en très fort roulis la capsule toujours amarrée à l'Agena. On possède la séquence filmée de ce "tournez manège" d'un nouveau genre.
Tout le monde, ce jour-là encore, remarquera une chose : alors qu'il est confronté à une manœuvre qui peut s'avérer mortelle si elle ne cesse pas, tant les deux occupants sont ballotés et leur casque projeté sur leur écoutille, Armstrong, tout en luttant avec l'engin devenu fou, continue à décrire au sol à Houston ce qui se passe et surtout comment il compte s'y prendre pour s'en sortir. Avec un flegme absolument ahurissant, qui marquer tous les gens qui ne connaissaient pas encore chez lui cette faculté fondamentale faisant preuve d'une grande maîtrise de soi. Gemini tourne alors sur son axe à un tour seconde : voilà nos deux recrues dans une grande essoreuse, terme avec lequel il décrira plus tard ce qui lui est arrivé. En coupant tout le système OAMS défectueux (un court circuit sur un des câbles électriques de commande est à l'origine de l'incident) et surtout en lui opposant une poussée forte, en déclenchant les rétro fusées, il arrivera à se sortir de son manègei infernal, sauvant sa vie et celle de son co-équipier. L'engin amerrira normalement en plein Pacifique. Lorsque les médecins auront accés aux données enregistrées sur les capteurs apposés sur la peau même des cosmonautes, ils auront la stupéfaction de constater que jamais Armsrtrong ne s'était énervé : il avait suivi point par point la procédure avec laquelle il avait été entraînée, sans jamais élever sa circulation sanguine ou s'affoler : l'homme qui avait piloté je ne sais combien d'avions différents était capable de faire face à tous les ennuis possibles ou imaginables.
Il n'en avait pas encore fini avec les émotions. Pour tester ce qui devrait être l'atterrissage lunaire, la NASA et Bell Aerosystems ont en effet inventé un drôle d'engin, sorte de mélange entre un cauchemar de plombier et une araignée géante. Il s'appelle le Lunar Landing Research Vehicle (ou LLRV). C'est un simple réacteur posé verticalement au milieu d'une forêt de tubes à 2,5 million de dollars pièce (on en construira 5 exemplaires, dont trois seront détuits en vol !) doté de petits éjecteurs de gaz (du péroxyde d'oxygène) pour simuler ceux qui vont hérisser le LEM. L'engin se pose sur quatre roulettes au bout de pattes censées simuler le train dépliant du LEM. L'engin est fort dangereux : toute sa portance repose sur son seul réacteur General Electric CF700-2V monté sur cardans pour être orienté. On l'a donc muni d'un des tous premiers sièges éjectables dits "zéro-zéro", à savoir qu'ils peuvent être lancés à partir du sol lui-même. Dick Slayton à réussi à convaincre toute son équipe que l'engin n'est pas si dangereux que ça, qu'il est bien mieux que celui pendu à l'assemblage de câbles au dessus d'une reproduction de la Lune (visible aussi ici) et organise même devant la presse une séance de prises de vues pour rassurer tout le monde, où le pilote sélectionné s'appelle Armstrong. Ce jour-là, effectivement tout se passe bien et à la fin de la démo c'est un Armstrong bien peigné et très poli qui vient vanter les vertus de l'appareil à la presse. Le 6 mai 1968, soit un an à peine avant de poser le pied sur la Lune, il remonte à bord pour un autre vol d'essai. Il ne durera que quelques secondes : parvenu en altittude, l'engin est atteint de roulis, par à gauche puis à droite et se met à tomber vers le sol. Armstrong, comme à son habitiude, reste stoïque et s'efforce de le ramener dans l'axe... jusqu'à la dernière seconde où il se résout à s'éjecter. A une ou deux secondes près avant le crash. Il vient à nouveau de frôler la mort, mais a encore une fois montré des capacité de maîtrise absolument phénoménales. Si les responsables de la NASA doivent choisir le premier à tenter le coup sur la Lune, ça ne peut être que lui, déclarent en cœur ses propres collègues, qui admirent tous son flegme légendaire. Ce sera effectivement lui. L'engin désastreux provoquera encore après deux autres crashs, l'un le 8 décembre 1968 avec Joe Algranti l'autre le 29 janvier 1971 avec à bord Stuart Present (ici en train de s'éjecter alors que le LLRV explose).
Le 21 juillet 1969, Armstrong pose le pied gauche sur la Lune, car le dernier barreau de l'échelle de descente est relativement haut). Il photographiera la trace du gauche (laissée par Aldrin ou lui ?) qui deviendra mondialement connue. De retour après son exploit, félicité par le monde entier et par son président (Nixon, qui avait discuté avec lui en direct sur la Lune), il expliquera à plusieurs reprises ses moments intenses. Là où on le questionnera sur l'importance de son geste, il éludera en affirmant que "c'était certes spécial et mémorable, mais ce fut instantané comme sensation, car il y avait beaucoup à faire". Et effectivement : là où le grand publci aurait imaginé le représentant de l'humanité en train de faire de beaux discours (sa célèbre phrase il l'avait concocté seul, personne ne lui avait dictée !), notre cosmonaute en était déjà à remplir la liste des tâches à faire : Armstrong n'a jamais été dénué d'émotions, mais i la toujours donné à sa vie un ordre des choses assez proche d'une sérénité ouvrieuse : "c'est bien joli, mais j'ai une mission à remplir, du travail à faire, après j'en parlerai si vous voulez", en quelque sorte.
L'homme restera humble et très critique envers lui-même : fêté de partout, il se reprochera personnellement de ne pas en avoir fait assez ce joir-là : "nous n’avons pas fait un très bon boulot, moi en particulier, pas aussi bon que je l’aurais souhaité pour la collecte des échantillons de roches (...) Je pensais, puisque nous n’avions pas de temps pour le faire, que le mieux était de simplement ramasser toutes les différentes sortes d'échantillons possibles aussi vite que possible, de les jeter dans le sac, les rapporter au vaisseau, et de fermer boutique" dira-t-il un jour avec dans la voix quelques sincères regrets.
Revenu parmi les terriens, il saura se faire oublier : là où son compagnon Buzz Aldrin, homme de cœur à la sensibilité plus prononcée aura des hauts et des bas avec un divorce et un alcoolisme dont il se sortira difficilement (d'être une icône vivante est insupportable) ; Armstrong se fera très discret, se faisant souvent décrire comme "mystérieux", en venant qu'à quelques réunions ou conférences, mais y arrivant toujours avec le sourire et ce regard doux d'enfant toujours émerveillé
qui ne rêvait que de voler.
Il deviendra un chaud partisan d'une éventuelle mission martienne, mais sera surtout très touché quand on lui proposera de devenir membre effectif de la commission d'enquête sur la catastrophe de Challenger, poste auquel in consacrera des journées et des nuits entières, n'ayant pas supporté qu'un tel désastre puisse se produire : il en avait vu assez, parmi ses compagnons pilotes d'essais disparaître, certains dans d'atroces circonstances. Le rapport qu'il remettra provoquera un choc au sein de la NASA, qui sera accusée de lenteurs administratives inadmsissibles, d'inconscience caractérisée, allant même jusqu'à pointer du doigt la décision purement politique de la décision de décollage prise par Ronald Reagan pour sa seule gloriole. L'homme qui avait représenté la planète pour la première fois ailleurs que sur celle-ci était avant tout... un gars bien. Juste après, les cosmonautes qui avaient tous été écartés des décisions de la NASA, devenue monstre administratif, retrouveront des postes de décisionnaires. Ce travail de fond dans lequel il s'était beaucoup investin il ne l'avait pas fait pour la gloire. Interrogé un jour sur ses fameuses traces laissées sur la Lune, et qui devraient rester des siècles, logiquement, Armstrong avait répondu : : "J'ai l'espoir que quelqu'un ira sur place un de ces jours et les effacera."
Sa famille, pour qui son décès est une surprise, malgré son grand âge, car il sortait d'une intervention chirurgicale qui s'était bien passée, a su trouver les mots exacts le concernant : "à tous ceux qui pourraient se demander comment lui rendre hommage, nous avons une simple requête. Honorez son exemple de service, de réussite et de modestie et la prochaine fois que vous marchez un soir de nuit claire et que vous voyez la Lune, souriez en vous-même, pensez à Neil Armstrong et faites-lui un clin d'oeil", a suggéré sa famille" a-ton pu apprendre. Franchement, c'est le plus bel hommage qu'on puisse offrir à cet homme... droit et volontaire. Dans quatre jours, c'est la pleine Lune, justement. Pensez donc ce jour-là à Neil le courageux.
PS : il va sans dire qu'un tel hommage exclut toute tentative de ressortir les imbécillités sur l'hoax lunaire initié en France par ce Philippe Lheureux, ignare total en histoire de l'astronautique et en connaissances optiques. Les racontars et bêtises sur le sujet ne peuvent pas être à l'ordre du jour en la circonstance : la présence humaine sur la Lune a été prouvée par plusieurs faits, dont le dépôt d'un réflecteur laser (à optiques françaises) que seul l'être humain pouvait orienter dans le bon sens, le retour sur Terre de la caméra de Surveyor III démontée par les cosmonautes d'Apollo XII, et les prises de vues récentes du module Lunar Reconnaisance Orbiter (LRO) ayant permis de retrouver toutes les traces laissées lors des différentes missions (en photo, Apollo XVII).
On peut relire ma série sur la conquête lunaire , visible ici :
Le 4 évoque le LEM, le 5 d'Armstrong (et de Léonov), le numéro 6 parle du "travail" à faire sur la Lune une fois posé.
1) http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/la-course-a-la-lune-1-58539
2) http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/la-course-a-la-lune-2-58529
3) http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/la-course-a-la-lune-3-58804
4) http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/la-course-a-la-lune-4-58809
6) http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/la-course-a-la-lune-6-58948
7) http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/la-course-a-la-lune-7-59189
Bibliographie : "First Man" de James Hansen (octobre 2005).
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