Non à l’équitation de « haute école » !
Trois jours récemment passés à Saumur (Maine-et-Loire) m’ont remis en contact avec des inconditionnels du Cadre Noir, ce prestigieux corps d’hommes et de femmes affectés au dressage des chevaux au sein de l’École Nationale d’Équitation. Or, j’ai beau écouter les plaidoyers les plus enflammés, je ne peux éprouver le moindre sentiment d’admiration pour ce travail de dressage dont j’estime qu’il est contre-nature. Pire : je déteste la « haute école »...
Depuis l’Antiquité, l’homme éduque et dresse le cheval pour lui confier différentes tâches civiles et militaires. Il appartient à ce superbe animal, ici de porter un cavalier, là de tirer ou de porter une charge dans un contexte agricole ou touristique, ailleurs de transporter des voyageurs lorsqu’il est attelé seul ou en équipage. Et il ne viendrait à l’idée de personne de remettre en cause cette association plurimillénaire de l’Homme et du Cheval tant elle a atteint des sommets d’harmonie entre humain et l’animal.
Une harmonie qui ne cesse de séduire – et plus seulement les filles et les femmes qui fournissent les plus gros bataillons des cavaliers -, comme le montre l’engouement croissant pour l’équitation, désormais au 3e rang des fédérations sportives en nombre de licenciés. Derrière le football et le tennis, mais devant le judo et le basket ! À n’en pas douter, cet engouement devrait assurer le succès du prochain Salon du Cheval de Paris qui se tiendra du 26 novembre au 4 décembre 2016 au Parc des Expositions de Paris-Nord Villepinte. Un rendez-vous incontournable pour les Franciliens qui veulent tout savoir sur le Cheval et les différentes manières dont il est sollicité par l’Homme.
Je n’ai jamais pratiqué l’équitation, lui préférant le vélo – dans ma jeunesse – et plus encore la randonnée pédestre dont je suis resté, au fil des décennies, un adepte inconditionnel. Mais j’ai toujours éprouvé un très grand plaisir à voir évoluer les chevaux, qu’ils soient libres de leurs évolutions dans des pâturages, montés dans un environnement naturel, ou même engagés dans des courses sur un hippodrome ou des concours de saut d’obstacle dans un stade hippique.
Gamin, j’étais fasciné par les cavalcades qu’offraient à mes yeux d’enfant les interminables et haletantes poursuites des westerns que j’allais voir chez l’une des rares voisines qui possédait un téléviseur. Plus tard, chaussures de randonnée aux pieds et sac au dos, je me suis émerveillé du spectacle magnifique de ces animaux semi-sauvages qui, crinière au vent, s’enivraient de leur galop sur les hauts-plateaux du Vercors ou, pour les poneys Pottok, sur les piémonts des Pyrénées basques. Et que dire de la superbe prestance des chevaux de Przewalski sur les terres arides du Causse Méjean dont les allures rappellent cette lointaine Mongolie d’où sont originaires ces équidés ?
Des chevaux ridiculisés
Dresser un cheval ne heurte pas ma sensibilité dès lors que l’on veut en faire un compagnon de travail ou de loisirs sans trahir ses aptitudes naturelles. Et ce regard approbateur vaut évidemment pour les plus doués des animaux – le plus souvent issus d’une sélection rigoureuse dans les grands haras – qui sont destinés à affronter leurs congénères sur les champs de course ou, sous la conduite de cavaliers experts, à se mesurer à des obstacles dans les concours de saut ou de cross-country.
Tout se dégrade à mes yeux avec le dressage de « haute-école » qui, pour faire exécuter aux animaux des figures destinées au plaisir d’une élite, transforme de facto les chevaux en bêtes de cirque après un travail exigeant non exempt de souffrances. Ce type de dressage consiste en effet à faire adopter aux chevaux des allures et des attitudes antinaturelles comme l’abaissement des hanches, la flexion des articulations ou, à des fins d’esthétique de présentation, la très inconfortable, voire douloureuse et vectrice de tendinites, hyperflexion de l’encolure (Rollkür), dénoncée par des associations de défense de la cause animale. Et encore a-t-on interdit la « caudectomie », autrement dit l’ablation de la queue, uniquement pratiquée elle aussi à des fins esthétiques.
« La Haute Ecole est la forme la plus aboutie de l'Art Equestre », peut-on entendre ou lire ici et là dans la bouche ou sous la plume des plus ardents défenseurs de cette équitation élitiste naguère créée pour le plaisir des puissants. Une affirmation à mettre en parallèle avec cette autre citation qui traduit la pensée des aficionados les plus convaincus : « Les corridas avec mise à mort sont la forme la plus aboutie de l’Art tauromachique ». Certes, les chevaux de haute-école ne sont pas mis à mort de la plus barbare des manières : ils sont simplement ridiculisés dans des spectacles dont la seule vue me fait monter la honte au visage !
Je crains malheureusement d’être minoritaire dans cette dénonciation du dressage de haute-école. L’équitation de tradition française, dont s’est fait une spécialité le Cadre noir, figure en effet depuis 2011 sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l'UNESCO. Et le succès public des démonstrations de lipizzans dressés de l’ École espagnole d’équitation de Vienne (Spanische Hofreitschule), elle aussi honorée par l’UNESCO, montre qu’il y a un public pour ces exhibitions, aussi discutables soient-elles. N’est-il pas grotesque de faire danser un cheval, cet animal si beau dans ses postures naturelles ? À mes yeux, c’est une évidence. Mais peut-être ne serez-vous pas d’accord...
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