Non au bio carnivore dans ma cantine !
Il y a deux ans, le WWF France lançait une campagne nationale pour inciter le grand public à demander un minimum de 20% de bio dans les cantines de nos enfants, et ce, conformément aux recommandations du Grenelle. Aujourd'hui, nous n'en sommes qu'à moins de 2 % de cantines soi-disant bio. Mais où le bât blesse, c'est en matière de régime végé. L'abandon ou la moindre consommation de viande est non seulement une cause première de santé publique, mais répond à cette nouvelle écoconscience et à une moindre emprunte écologique. Il est ahurissant que le même WWF ne s'en préoccupe pas. Il existe enfin des familles végétariennes, végétaliennes, voire végans, lesquelles ne souhaitent pas qu'on impose de la bidoche à leurs rejetons. Qu'en serait-il si on présentait cyniquement du cochon aux élèves "français" de culture musulmane ?
Je n'entrerai pas ici dans la critique de ce "bio" qui n'est qu'un retour au naturel de nos grands-parents, je n'interpellerai pas le système qui nous fit passer par une case chimique qui a tout contaminé, y compris notre santé, pour faire aujourd'hui fausse repentance en nous proposant du bio hors de prix et surtout non accessible à tous. À croire qu'une alimentation saine n'est pas incluse dans les droits démocratiques.
Au lieu de considérer d’abord les prétendues écueils du végétarisme (absence de certaines vitamines, de calcium, de fer..), le nouveau paradigme consiste à mettre l’accent sur ses aspects bénéfiques, dont la présence de fibres alimentaires et de micro-constituants à pouvoir antioxydant. Favoriser la consommation des fruits et des légumes va dans ce sens et prévient contre les irréfutables effets délétères des excès de lipides saturés et souvent de sel fournis par les produits animaux. Le régime viandard déviant induit les maladies coronariennes, l’hypercholestérolémie, les accidents vasculaires cérébraux et certains cancers. Est-ce le bon format pour la santé d'un futur adulte ?
Un seul consommateur qui passe au tout végétal, ne serait-ce qu’une fois par semaine, fait montre d’une solidarité planétaire de l’ordre de 5.000 litres d’eau par an. Le choix du mode alimentaire est donc déterminant dans la valeur de l’empreinte écologique de chacun. Si toutes les céréales utilisées pour le seul bétail américain étaient consommées directement, elles nourriraient 800 millions d'humains. N'est-ce pas une raison essentielle dont l'explication à l'enfant est exemplaire du point de vue éthique ?
La production carnée est au premier rang des causes du détournement calorique planétaire : 500 calories d'énergie alimentaire issues d’un steak d’un demi-kilogramme demandent 20.000 calories de carburant fossile à produire. Les voilà les chiffres de la gabegie ! Dans le système Nord-américain, la moitié de l’eau dont la majeure partie est non-renouvelable, est dilapidée au profit de l’arrosage d’une agriculture servant à la nourriture des animaux d’élevage. La pollution des eaux, dont celle de nature pesticidaire, est en grande partie le fait des rejets de l’élevage productif. C’est aux méfaits de l’élevage qu’il faut attribuer 85 % de l’érosion de la fertilité des sols (déboisement, création de déserts agraires, désertification), et 20 % de l’augmentation de l’effet de serre causé par le méthane, gaz largement produit par les vaches que nous mangeons. On saccage 17 mètre carrés de forêt tropicale, abritant une phytomasse de 75 kg de plantes vasculaires et de vie animale, pour produire un steak haché de bœuf, chiffre évalué pour l’Amérique centrale. 200 millions d’hectares de forêts tropicales ont été rasés depuis 50 ans pour faire place à des pâturages d’engraissement ou à des fermes "modèles" de bovidés. Ne s'agit-il pas de thèmes chers au WWF et dont l'enseignement peut contribuer à une prise de conscience universelle du futur écocitoyen ? Cela vaut largement un cours d'éducation civique, non ?
En France, plus de la moitié des émissions de méthane provenant des activités anthropiques proviennent de l’élevage du bétail. Les ruminants produisent, par éructation de gaz provenant des fermentations microbiennes du rumen, d’énormes quantités de méthane, gaz à très fort pouvoir d’effet de serre. Ce même bétail induit l’émission de 40 % d’ammoniaque, cause prééminente des pluies acides. Les nuisances environnementales et les atteintes à la santé publique de telles entreprises nocives sont donc peu imaginables. Lorsqu’on découpe un bifteck ou une côte de porc dans notre écuelle zoophage, outre l’acte cruel que cela représente, il faut bien songer à l’égoïsme que cela implique envers les peuples défavorisés et à l’impact incommensurable stupidement accompli à l’égard de l’environnement terrestre. Les déjections porcines représentent 60 millions de litres de lisier (purin) déversés chaque jour en France, au nom du lobby agro-alimentaire. L’exemple breton donne la nausée. Avec seulement un Breton pour trois cochons, et donc presque 9 millions de porcs (60 % de la production française sur seulement 6 % de la surface agricole nationale) – auxquels il faut inclure 77 millions de volailles en batterie - la Bretagne est en deuil de ses eaux de sources et fait face à une permanente marée verte. Les nitrates issus du lisier ont infesté toute la péninsule, à tel point que l’eutrophisation irréversible des rivières et des nappes phréatiques est de l’ordre de 60 % et que les légumes de bien des secteurs sont désormais impropres à la consommation. C’est une pandémie organisée à laquelle on souhaite donc associer les futures générations par l'entremise de l'Éducation nationale ?
En renonçant au régime carné, ou en reléguant la viande à une consommation très secondaire, voire occasionnelle, il s’agit tant de mettre un terme aux affres environnementaux du pâturage intensif, que de soulager considérablement la faim dans les pays exploités, d’assurer aux pays exploiteurs une alimentation moins pathogène et dégénérative, d’établir un rapport moins barbare entre les animaux éleveurs que nous sommes et les animaux élevés, lesquels le sont très généralement dans des conditions abominables.
Quand on médite sur le fait que l’élaboration d’une seule protéine animale demande sept protéines végétales, l’impact du régime carnivore erroné de l’espèce humaine s’avère considérable et déplorable pour l’équilibre mondial. Ces quelques chiffres qui circulent sur Internet et qui sont peut-être approximatifs en disent long : plus de la moitié de l’eau potable des États-Unis est destinée au bétail ; sur un demi-hectare de terre cultivable, on peut produire soit 70 kg de bœuf, soit 10.000 kg de pommes de terre ; de 7 à 16 kg de céréales ou de produits végétaux sont requis pour produire un seul kilogramme de viande ; il faut 30.000 à 60.000 litres d’eau pour faire 1 kg de viande de bœuf, et seulement 800 litres d’eau pour 1 kilogramme de blé ; la moitié des récoltes alimentaires mondiales sont mangées par le bétail ; 64 % des terres cultivables de notre planète servent à la production de viande (pâturage et fourrage) ; un "Multi Dommage" (comme Mc Donald…) s’ouvre toutes les 17 heures dans le monde, ce qui engendre la désertification de 125 km2 par jour de forêt humide ; comme il faut 5 kilogramme de poissons pour produire 1 kilogramme de farine, et qu’il faudra 5 kilogramme de cette farine pour qu’un bœuf ou un porc produise 1 kilogramme de viande, ce sont donc 25 kg de poissons qui ne servent qu’à la production d’un seul kilogramme de viande ! La consommation annuelle mondiale d’engrais de synthèse est passée de 7 millions de tonnes en 1945 à 53 millions de tonnes en 1968, et atteint 150 millions de tonnes aujourd’hui ; 500 types de pesticides sont employés dans l’agriculture industrielle, soit 1,5 à 2 tonnes par habitant, par culture et par an, en Europe ; en 1997, la quantité d’antibiotiques vétérinaires utilisée dans l’Union européenne s’est élevée à plus de 10.000 tonnes ; un panel de plus de quatre-vingt produits différents peuvent être injectés aux cochons modernes durant leur élevage ; les producteurs canadiens de volailles, de porcs, de bovins et de poissons utilisent plus de 20.000 tonnes d’antibiotiques par an en injections, ou incorporées à la moulée ; 80 % des animaux élevés en batterie sont malades ; une trentaine d’hectares de forêts sont détruites chaque minute ; 300 tonnes d’humus disparaissent chaque minute ; plus des trois quarts des terres arables qui existaient lorsque les Européens colonisèrent l’Amérique, ont déjà disparu ; les excréments de bétail représentent 110 tonnes par seconde pour les Etats-Unis et l’Europe, où cela entraine 50 % de toute la pollution des nappes phréatiques ; le bétail des pays riches mange autant de céréales que les Indiens et les Chinois réunis ; un bœuf fournit 200 kg de viande, soit 1.500 repas. Les céréales qu’il a mangées auraient pu servir 18.000 repas ; la consommation carnée utilise 60 % des réserves d’eau mondiale ; il faut 400 litres d’eau à l’heure, 24 sur 24 h, pour faire face aux besoins alimentaires d’une seule personne carnivore ; plus de 50 millions d’enfants meurent de faim chaque année ; un Américain sur trois et un Français sur quatre sont obèses ; 71 % des graisses et protéines qui sont consommées en France sont d’origine animale ; pour fournir 50 kg de protéines, un animal a dû consommer au minimum 800 kg de protéines végétales ; une pisciculture étasunienne de saumons de 8 ha occasionne autant de déchets qu’une ville de 100.000 habitants ; 120.000 tonnes de crevettes ont été produites ces cinq dernières années dans les régions marécageuses de Thaïlande, détruisant ainsi 800.000 tonnes d’autres espèces. Belle leçon de choses à inclure dans le programme scolaire !
Pour un monde équitable, solidaire et durable, une sensibilisation massive s’impose pour la restriction progressive du régime carné, quelles que soient les conséquences pour les filières économiques concernées. Quand un mal est défini, on tente de l’éliminer, du moins de le contrôler. En cas contraire, c’est un contrat tacite d’ordre mafieux. Les mesures à édicter passent par la plus sévère taxation de tous les produits carnés. Il en va de même pour bien des espèces de poisson si l’on veut limiter la casse halieutique. Les ressources des mers sont pour la plupart au plus bas. Et je ne reviendrai pas ici sur la question empathique du "cri du poisson", car après tout un thon mérite tout autant le respect qu’un chien ou un poney, et les méthodes utilisées pour sa pêche sont des plus barbares.
Il a été dit que lorsqu'on présente au bébé les deux jouets que sont une pomme et un mouton en caoutchouc, il mordille toujours la pomme et pas l'animal. Pourquoi donc et au nom de quel diktat culturel imbécile, on cherche dès la cantine maternelle à lui faire ingurgiter de la chair animale ? Par stricte perversion sectaire ?
Nos enfants ne sont pas des Inuits, nous ignorons l'hiver sombre qui dure six mois et où le thermomètre descend à moins 50 degrés. Comme dans l'Arctique les plantes comestibles sont rares, sauf durant la brève saison estivale, les Inuits consomment surtout de la viande provenant de leur chasse : du caribou, du phoque (dont la graisse est riche en fer et en vitamines A), du morse, de l'ours polaire, du lièvre arctique, du bœuf musqué, des oiseaux comme les lagopèdes, et des poissons comme l'omble arctique, le saumon... Ces viandes sont consommées fraiches ou congelées car la cuisson réduit leur teneur en vitamines et en minéraux. Je suppose qu'à la cantine du jeune Inuit, on lui sert du muktut, c'est à dire de la peau et de la graisse de baleine, très riche en vitamine C, plus habituelle dans les fruits. Rien de tel ne peut être motivé dans nos écoles françaises.
Alors, non à la cantine bio carnivore des barbares contre-nature !
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