Nos trois cerveaux face à la pyramide de Maslow
En découvrant il y a peu de temps, à la lecture d’un livre sur le développement personnel, la pyramide des besoins d’Abraham Maslow, j’ai immédiatement pensé au cerveau triunique, une théorie neurologique proposant de considérer le cerveau humain comme étant composé de trois couches.
Modestement, mais avec détermination, je vous invite, chez lecteur, à être témoin de la mise en présence de nos deux challengers. Rapprochement ou confrontation ?
Un article qui vous parlera d’amour, de cerveau dans le ventre... et de notaires.
Des besoins à la pelle
Il existe une quantité importante de références [1] [2] - notamment dans certains articles Agoravox [3] - concernant la pyramide des besoins de Maslow, mais par commodité je me permettrais d’en rappeler les bases. Il existe plusieurs variantes, j’ai retenu une version présentant cinq niveaux de besoins :- physiologiques : tous les besoins vitaux du corps humains (respirer, boire, manger, dormir, etc.) ;
- sécurité : le besoin de se sentir en sécurité physique, morale et matérielle ;
- amour, appartenance : le besoin grégaire d’appartenance à un groupe, d’intégration et d’affection ;
- estime de soi : le besoin de reconnaissance de ses qualités par les autres ;
- accomplissement : le besoin de se réaliser, de faire preuve de créativité.
Niveaux que l’on synthétise bien volontiers sous forme de schéma :
Naturellement comme de nombreux modèles du domaine des sciences humaines, la pyramide peut faire montre de ses limites et ne peut être considérée comme un parangon absolu. Néanmoins et si vous le voulez bien cher lecteur, pour les besoins (justement) de cet article nous la considérerons a minima comme une grille de lecture commode des comportements humains.
Nous lui accorderons un aspect pratique, tant elle s’avère encore tout à fait utile dans différents domaines comme le marketing, le management et le développement personnel.
Mon notaire a trois cerveaux...
... comme vous et moi [4] - même si ça peut paraître étonnant - et ça c’est la bonne nouvelle. La mauvaise, c’est qu’ils ne sont pas tous d’accord !
La vision synthétique du cerveau en trois couches [5] - qui se seraient superposées au fil de l’évolution [6] - a été proposée par le neurobiologiste Paul McLean dans les années 70. Du plus "ancien" au plus "récent", nous trouvons :
- le cerveau reptilien (paleo-cortex) : cerveau primitif assurant les comportements et réflexes nécessaires à la survie (faim, soif, reproduction, réflexe de fuite, combat avec risque mortel) ;
- le cerveau limbique (cortex) : cerveau "émotionnel" gérant nos comportements en société "mammifère" (notamment les différents rituels : intimidation, affrontement, séduction, soumission, etc.) ;
- le néo-cortex : cerveau "intelligent" permettant l’analyse, le langage, l’anticipation d’actions, la pensée abstraite.
Sur le modèle de la pyramide des besoins, osons une représentation sous la forme d’une "pyramide des cerveaux" ; car, en théorie, en matière de comportement c’est toujours le cerveau le plus "profond" qui est prioritaire :
Nous verrons plus loin que l’être humain a cependant cette étonnante capacité de bousculer les priorités.
L’amour, c’est à quel étage ?
Continuons à être audacieux si vous le voulez bien, et rapprochons nos deux schémas :Intéressante concordance, n’est-ce pas ?
- les besoins physiologiques et une partie du sentiment de sécurité (la sécurité physique, dans le sens de l’absence de danger) sont du domaine du cerveau reptilien ;
- la sécurité (affective et matérielle), l’amour, l’appartenance à un groupe et une partie de l’estime de soi (position sociale acquise au sein du groupe) sont du domaine du cerveau mammifère ;
- l’estime de soi (l’ego, définition de la personnalité) et l’accomplissement sont du domaine du cerveau "pensant".
L’une des critiques les plus pertinentes de la pyramide des besoins est la violation ponctuelle du principe de hiérarchie : il arrive que l’assouvissement d’un besoin "supérieur" se fasse au détriment d’un besoin plus "essentiel". Que nous disent nos cerveaux à ce propos ?
Ça monte ou ça descend ?
Dans les deux modèles, on lit le schéma de bas en haut, ce qui correspond pour les deux modèles aux observations les plus communes. Mais, effectivement, il arrive que la hiérarchie des besoins ne soit pas respectée.Dans le cerveau, les informations sont normalement traitées d’abord par le cerveau le plus primitif, puis remontent vers les cerveaux supérieurs. Sauf que, chez l’être humain (vous et moi en fait, inutile de nous dédouaner), le néo-cortex dispose d’une possibilité particulière : l’anticipation. L’anticipation nous permet de simuler mentalement une situation, et de pouvoir ressentir dans une certaine mesure ce que nous ressentirions si cela se passait réellement. Pour cela, on peut dire que le néo-cortex "abuse" ses petits camarades des étages du dessous en leur envoyant de fausses informations sensorielles.
Cette capacité de "visualisation" est utilisée, par exemple, en méditation, en sophrologie, par les sportifs de haut niveau qui visualisent l’épreuve avant la tenue de celle-ci.
Le problème est que ce potentiel de tromperie a des effets pervers à chaque minute, le néo-cortex "égoïste" ayant la fâcheuse tendance à vouloir plier le monde à l’assouvissement de ses désirs, et à le percevoir comme hostile à lui-même dans le cas contraire.
Poussé à son paroxysme, ce travers permet la survenue d’actes "illogiques" extrêmes, comme le suicide (la souffrance affective dépassant alors l’instinct de survie).
Avec plus de mesure, cela peut expliquer aussi d’autres comportements comme l’engouement pour des sports extrêmes : le besoin d’accomplissement et la satisfaction ludique deviennent alors assez forts pour supporter le risque d’atteinte à l’intégrité physique.
Étonnante capacité de l’être humain à tricher avec l’influence des différentes couches du cerveau, et donc avec la hiérarchie de ses besoins !
Cependant je ne suis pas homme à faire porter le chapeau de l’ultime ânerie aux seuls êtres humains que nous sommes : en cherchant bien on pourrait probablement trouver dans le monde animal des comportements démontrant aussi un chamboulement de la hiérarchie des besoins (affrontements mortels entre mâles pour l’accouplement avec une femelle ? suicides collectifs ?)
Pour conclure...
... car, comme moi, vous avez probablement toujours un peu de lait sur le feu, il est intéressant de constater la concordance de ces deux modèles, modeste point de convergence entre les domaines psychologiques et physiologiques.Bien sûr, ce ne sont que des grilles de lecture incomplètes des comportements humains si complexes, et qui soulèvent de nombreuses questions, par exemple, comment concilier en un modèle unifié ces trois cerveaux et les deux hémisphères ? Quid de notre "quatrième" cerveau, le système nerveux entérique (oui, oui, un vrai cerveau dans le ventre !) [7] ?
Encore de nombreuses recherches passionnantes en vue dans le domaine de la neuropsychologie [8]...
Références :
[1] http://fr.wikipedia.org/wiki/Pyramide_des_besoins_de_Maslow
[2] http://www.educspe.com/dossiers/actualites-diverses/la-pyramide-de-maslow.html
[3] http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=5093
[4] http://fr.wikipedia.org/wiki/Cerveau_triunique
[5] http://lecerveau.mcgill.ca/flash/d/d_05/d_05_cr/d_05_cr_her/d_05_cr_her.html
[6] http://lecerveau.mcgill.ca/flash/i/i_05/i_05_cr/i_05_cr_her/i_05_cr_her.html
[7] http://fr.wikipedia.org/wiki/Syst%C3%A8me_nerveux_ent%C3%A9rique
[8] http://fr.wikipedia.org/wiki/Neuropsychologie
11 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON