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Accueil du site > Tribune Libre > « Notre modèle social se meurt »

« Notre modèle social se meurt »

Nous évoquions l’impunité délirante avec laquelle se meuvent nos politiques dans un système ubuesque, où la limite de l’indécence de la part de nos maîtres n’a visiblement aucun égal.

Alors que le pays tout entier se prépare à recevoir la sacro-sainte décision du vote de la confiance au gouvernement, dont l’issu n’est en réalité un secret pour aucun de ceux qui savent comment sont orchestrés les rouages, nous assistons, deux jours de suite, à des propos de M. Pierre Gattaz, président du Mouvement des Entreprises de France (Medef), lequel nous propose ses petites formules magiques pour réduire le nombre de chômeurs dans le pays. Il avait, précédemment, proposé que lesdits demandeurs d’emplois soient convenablement suivis, et réprimandés s’ils manquaient à leurs obligations de demandeur.

Premier rappel à M. Gattaz : la fraude, bien réelle, aux droits de Pôle-Emploi, ne dépassera pas en 2014 le montant de 50 millions d’euros. C’est certes beaucoup, mais c’est ridiculement faible à côté des 4 milliards d’euros qui s’échappent sous le fait des fraudes fiscales en France. Il s’agirait donc de ne pas se tromper de combat, et d’établir un sens logique des priorités pour « redresser l’économie » du pays.

Pour continuer dans son combat, qu’il veut nous faire croire noble, M. Gattaz, par un savant calcul étalé sur cinquante pages rendues au Premier Ministre (le même qui, quelque temps plus tôt, rendait un hommage tellement vibrant aux entrepreneurs français que même les politiques de droites se sont trouvés mal à l’aise !) qui nous explique que réduire le nombre de chômeurs doit passer par un abaissement du salaire minimum et par la suppression de jours fériés (qui sont aujourd’hui au nombre de onze en France).

Instinctivement, j’ai envie de dire « pourquoi pas ? », de la même façon que j’avais dit « pourquoi pas » à la mise en place, pourtant tellement attendue par les français à l’époque, des 35 heures sous le gouvernement Jospin, en 2000. Là aussi, on nous avait promis des effets directs et efficaces sur l’emploi, plus justement réparti entre des travailleurs plus nombreux, mais également plus désireux d’accéder aux loisirs : résumé, on passe quatre heures de plus par semaine devant sa télévision, et les décideurs de la loi des 35 heures commencent eux-mêmes à admettre que, pour combattre le chômage, ça n’a pas été vraiment efficace. Tiens donc, une décision politique de gauche, éminemment tournée vers le plus grand nombre et l’intérêt commun, qui n’aurait pas marché ? Et on voudrait cette fois-ci laisser le président de l’association représentative des patrons de France décider pour nous ???

Le pire, c’est que je suis intimement persuadé qu’il finira par faire entendeur raison au législateur, mais ne nous y trompons pas. La baisse des salaires n’a jamais été synonyme de relance (j’invite M. Gattaz à lire n’importe quel ouvrage de John Maynard Keynes) ni de multiplication des postes, ni même l’allongement du temps annuel de travail, certainement pas de un ou deux jours de plus.

La seule chose qui se produira réellement, c’est l’accélération de ce qui se produit déjà dans les entreprises depuis dix ans. Le « poste de travail » est ultra-spécialisé, et ce qui nécessitait peut-être trois personnes voilà cinquante ans n’en demande plus qu’une : pourquoi alors en payer trois, si une suffit ? Le poids de la crainte du licenciement (qui ne disparaitra pas grâce aux idées fulgurantes de M. Gattaz) va également pousser les personnes en poste à accepter une dégradation de leurs conditions de travail, et de leur rémunération, et de l’épanouissement qu’ils pouvaient encore trouver à travailler : le seul objectif connu étant la consommation de masse, poussée à une telle outrance qu’elle en est complètement disproportionnelle aux besoins des ménages autant qu’à leur capacité à les assouvir.

M. Gattaz agit dans l’intérêt de ceux qu’il représente, pas les patrons des TPE ou des PME, pas les honnêtes chefs d’entreprise soucieux du bien-être de leurs employés, mais ceux qui font la pluie et le beau temps sur le Marché, et qui ne dépendent que de notre bon vouloir de consommation pour continuer à exister. Il ne peut donc proposer que des solutions qui vont dans ce sens, pas dans celui des gens qu’il méprise par son action. Je voudrais pourtant croire que le Medef est un partenaire social d’importance, mais la promiscuité qu’il entretient avec l’appareil d’Etat n’est pas bon signe.

Enfin, lors de sa dernière intervention médiatique, M. Gattaz se targuait de devenir philosophe, déclarant, et je paraphrase dramatiquement, que notre modèle social se meurt. On l’aurait cru né de la dernière plus, à lire tant de naïveté en si peu de mots. Y a-t-il encore aujourd’hui en France des gens capables de croire que le modèle social des années 60 est encore viable ?

Il me vient à l’esprit deux réflexions. La première : est-ce, encore une fois, au grand patronat d’en proposer un nouveau ? Si oui, serait-ce réellement un modèle social constructif dans l’intérêt de tous ? Permettez-moi d’en douter. La deuxième : est-ce une raison pour tirer à coup de roquette sur l’ambulance ? Pourquoi aucun visage médiatique ne propose une véritable assemblée où seraient discutés et débattus les points qui fonctionnent encore, les points qui ne fonctionnent plus, et où ceux qui veulent proposer des idées nouvelles et y réfléchir en commun puisse le faire ?

J’entends les plus sarcastiques me dire que c’est moi qui suis maintenant naïf. Non, je veux simplement être juste, oserais-je dire un minimum réaliste : ce n’est pas à l’Etat, encore moins au Medef de décider de l’avenir entier d’un pays, d’une nation, sans que ce pays ou cette nation n’ai rien à en dire. Je veux croire que c’est à chacun de nous de se prendre en main, plutôt que de se laisser dicter par des gens qui ne connaissent rien de notre condition. Le changement est inévitable, mais l’on peut toujours le vivre sereinement et de façon entendue, que de le subir par la volonté d’un tiers.

 

@Theo_Tessa


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11 réactions à cet article    


  • foufouille foufouille 16 septembre 2014 13:21

    le mieux est de revenir avant 36 pour gattaz.


    • julius 1ER 16 septembre 2014 15:05

      NON ce n’est pas à Gattaz de dicter au peuple ce qui est bon pour le Medef et à fortiori laisser croire toutes les inepties qu’il raconte depuis plusieurs mois ............ un jour c’est, je m’engage à créer 1 million d’emplois ensuite c’est non je ne l’ai pas dit ou alors je ne l’ai pas dit fort !!!!!!!

      J’entends le Medef dire aujourdhui, supprimons la barrière du smic, abaissons les bas salaires et les salaires bas eh bien complétons-les avec des allocations !!!!!!!!!!!!! totalement génial Mr Gattaz eh bien pour aller dans ce sens je pense qu’il serait mieux et plus simple voir plus constructif de mettre en place un revenu citoyen qui sera complété par l’entreprise pour ceux qui iront dans les entreprises qu’elles soient publiques ou privées....... Mr Gattaz inversons les paradigmes économiques vous aurez tout à y gagner, tout à coup le salarié français coûtera moins cher qu’un salarié chinois, vôtre rêve enfin réalisé qui plus est vous pourrez embauchez plus tellement les salariés français coûteront peu cher...... soudainement plus de chômage de masse, une croissance exponentielle( que demander de plus )et certainement un retour à la« normale » avec des écarts de salaires enfin raisonnable tellement il faudra s’aligner vers le bas............... 

      allez chiche Mr Gattaz, avec çà vous entrerez dans l’histoire alors que jusqu’à présent vous n’avez été que l’intérimaire à peine successeur de Mme Parizot .....................

      • TOUSENSEMBLE OU L ECUREUIL ROUGE TOUSENSEMBLE OU L ECUREUIL ROUGE 16 septembre 2014 16:09

        quand on voit les tetes des débiles du medef gattaz et roux de bezieux on comprend pourquoi  !!

        et vu la CORRUPTION DE NOS ELUS ET PARLEMENTEURS : il n y a qu’a quitter ce pays aux demis

        salaires et doubles loyers !!!!!!!!!!!!!!!!!!! et mini retraites pour les sans-dents ET TRES BONNES POUR LES GENS DU MEDEF ET NOS PARLEMENTEURS !!!!!!!!!!!!!!!!!!!


        • Le421... Refuznik !! Le421 16 septembre 2014 19:03

          Têtes de débiles !! J’avais un mot plus court que « débile » commençant par un « c »...


        • marauder 17 septembre 2014 12:28

          A mais non, un con, c’est mignon et respectable, d’ailleurs, meme les débiles sont respectables (a défaut d’etre tous mignons) quand ils n’ont pas le pouvoir ...


        • chapoutier 16 septembre 2014 16:11
          « Notre modèle social se meurt »

          NON, ils l’assassinent !


          • soi même 16 septembre 2014 18:22

            Oui, et c’est logique. Car un modèle social c’est comme un végétaux, si on l’oublie de l’arroser et de le rempoter, et bien cela meurt !

            D’un autre cote, cela sert à quoi un modelè social, comme par exemple l’état providente, et bien justement cela infantiliser les gens par l’économie et la gratuité.

            Normalisé une société, évité qu’elle se prenne en main, et surtout ne pas dévier par rapport aux choix étatiques .

            Nous sonnes aussi arrivé a la fin de cela, et dans un certain sens, c’est aussi une bonne chose, même il va avoir un chaos sans précédent et être confronter à tous les danger !


            • marauder 17 septembre 2014 12:38

              Chacun pour sois et dieu pour tous c’est ca ?

              Y’a tant d’assistés dans les conseils d’admin d’entreprises a qui on graisse la patte, faudrait un jour qu’ils sachent s’en sortir par eux meme, qu’ils apprennent a récurer leur chiottes, a mettre leur linge dans leur machine a laver, a se faire a manger par eux meme et meme faire le peu de vaisselle restant avec leur petites mimines ...

              Comme ces notaires qui pleurnichent d’ailleurs.

              Cela étant dit, meme si il y a une part de vrai dans ce que tu dis, c’est tres mal dit ni bien compris.
              Il est vrai que l’état utilise le systeme de protection sociale en vue de ficher, controler la population, c’est évident, mais c’est juste une forme de capitalisme un peu plus étatisé, ca n’est en rien socialiste ni communiste. Ces derniers sont justement anti-capitalistes par essence. Tout le reste n’est que capitalisme, sous diverse variantes, tantot « libéraliste », tanto conservatrice, souvent reformistes déguisés (PS voir ump ...).

              Si il est évident qu’un riche apres une crise peut etre moins riche ensuite, la pauvre, lui, peut perdre son habitat, sa voiture son emploi etc ... Mais en afrique, le plus pauvre, perd directement les moyens de se nourrir et peut mourrir.
               Question d’echelle, mais si déja on faisait le ménage chez les riches de ce pays, ca serait pas plus mal et ca donnerait _enfin_ un bon exemple « occidental » a _proposer_ aux pays plus pauvres...


            • soi même 17 septembre 2014 13:02

              @ marauder, visiblement t’as rien compris, il serait temps de voir autrement et de comprendre que c’est a nous de nous organiser !


            • Le421... Refuznik !! Le421 16 septembre 2014 19:06

              Supprimons deux jours fériés !!
              Commençons par Noël et le Lundi de Pâques...
              Je vois d’ici la gueule des cathos de service monter au créneau, sans oublier le manque à gagner sur les cadeaux de Noël !!
              Pauvre Gattaz !!
              Pauvre pipe que je voudrais bien voir déjà élever deux gosses à Paris avec le SMIC pour toute ressource.
              Pauvre taré...


              • sls0 sls0 16 septembre 2014 22:21

                Par solidarité de classe j’ai fais un clic sur le oui indiquant que j’étais d’accord avec l’article.
                Par souci d’équanimité pour l’éventuelle personne qui fait parti des 1% les plus riches donc l’autre classe qui se serait perdu ici je lui donne quelques conseils.

                En regardant l’historique de la croissance du PIB, c’était du 0,1-0,2% ce qui fait il n’y avait que deux classes : les pauvres et les riches.
                Il y a eu quelques sursauts de croissance, l’industrialisation, les colonies et surtout l’après guerre.
                Ces sursauts surtout le dernier ont permis l’émergence d’une classe moyenne et un modèle social.
                Vu que l’on est reparti pour avoir une croissance derrière la virgule, il serait bien que toute cette classe moyenne retourne dans la classe pauvre et laisse tomber ce sois-disant progrès social qui fait que la population mondiale croît d’une façon anarchique, des travailleurs il y en a assez.
                Avec une vie de merde il n’est pas nécessaire de vivre jusqu’à 80 ans d’autant plus que l’on est plus productif à cet âge.

                Du fait que je réside dans un pays où le revenu par habitant est 6 fois inférieur, je peux faire part de quelques observations.
                La pauvreté (surtout celle des autres) on s’y habitue.
                Il est préférable du fait que ce sont les utilisateurs finals que ce soit le MEDEF qui s’occupe du programme scolaire de l’école publique, de ce fait la marche pour passer à l’université sera tellement grande que cela apportera une harmonie de caste dans les niveaux supérieures tout en donnant des ouvriers optimaux dès la sortie de l’école. Pour les écoles privées, un cout mensuel de 1/3 à 1 smic semble optimal.
                Pour avoir testé la vie de pauvre, 400€ semble une bonne base pour le smic, ça permet en se serrant pas trop la ceinture d’acheter un GSM, il faut quand même prévoir d’écouler la production. Vous allez me dire qu’avec 400€ le loyer ne passe pas, la Chine pour arrivé à une croissance à deux chiffres c’est avec des dortoirs à proximité du travail et non avec des pavillons de banlieu. Après 12-16h de travail on a moins besoin d’intimité. En plus pour le bilan énergétique il n’y a pas photo.
                En France il y a parfois l’impression qui y a une justice à deux vitesses, je ne saurais trop vous conseiller le modèle : une justice pour les riches et une justice contre les pauvres.
                Vous verrez les gens s’habituent vite à l’injustice, quand je vois dans le journal : pourquoi le policier a tué c’est que l’autre paraissait coupable (on dit pas coupable de quoi) ça passe comme une lettre à la poste, imaginez la tranquillité d’esprit quand il y a des morts lors d’une manifestation, une ligne c’est tout, simplement pour indiquer qu’il est dangereux de manifester.

                Bien entendu, le pays gagnant sera celui qui aura commencé le plus tôt la régression sociale, les derniers pays n’auront que des pauvres comme clients.

                Contrairement aux pays anglo-saxons ou latino-américains où la pauvreté ne dérange pas de trop, la France avec ses idées vieillottes de la révolution n’aime pas trop ce coté inégalitaire mais vous pouvez compter sur des médias qui sont très efficaces pour faire passer des vessies pour des lanternes.
                Dans les télés réalités il faudrait peut être augmenter le coté compétition pour que les gens s’imprègnent de la notion gagnant/perdant.
                Il faudra aussi remettre la religion à la mode, ’’les derniers seront les premiers’’ comme promesse on a jamais fait mieux en marketing. Déjà l’article 2 du code noir de Louis XIV imposait la religion pour les esclaves, c’est pas pour rien.
                 

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