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Accueil du site > Tribune Libre > Nous présidents, n’avons commis aucune erreur ... !

Nous présidents, n’avons commis aucune erreur ... !

Déclarent en cœur de nombreux présidents d’entreprise ou d’Etat. Beaucoup d’entre eux ont cependant oublié ce que présider voulait dire. Faisons le point, bien que pour eux cela semble souvent n’être qu’un détail – sans mauvais jeu de mots !

 Présider c’est être payé pour savoir anticiper, savoir prévoir et savoir faire agir immédiatement pour mettre en place les plans d’action qui vont construire, jour après jour, ce qui a été anticipé et prévu. Evident, direz-vous !
 
Pour un président économique, cela s’appelle la gouvernance d’entreprise …
 
Aujourd’hui, nombreux sont les présidents économiques, ceux d’entreprises qui, ayant ignoré ces verbes basiques de toute bonne gouvernance, sont virés. Mais, en empochant des millions à la sortie.
 
Scandaleux bien sûr ! Mais encore plus scandaleux quand c’est avec les deniers du contribuable qu’ils ont été payés pour sortir.

N’ayant pas appliqué les fondamentaux connus par tout bon manager de base – anticiper et prévoir – ces présidents n’ont pas pu agir pour adapter leur entreprise et, en période de crise, leur seule variable d’ajustement a été le nombre de collaborateurs et, in fine, le secours du prêteur de dernier ressort, à savoir l’Etat. Rappelons qu’en appliquant ces fondamentaux de bonne gouvernance, ils auraient peut-être manœuvré différemment et minimisé les effets de la crise, notamment en termes de caisse, c’est-à-dire de trésorerie et bien sûr d’emploi !
 
La presse cite abondamment le nom des plus importants d’entre eux et surtout ceux qui, après avoir failli dans leur présidence, ont reçu des deniers de l’Etat, pour sauver leur entreprise.
 
Nombreux sont aussi les présidents qui, n’ayant rien anticipé du tout et parfois même avaient anticipé le contraire, ont malgré tout conservé leur poste. De plus, certains ont été augmentés.
 
Rappelons à cet égard, qu’un président – comme toute autre personne d’ailleurs – qui conserve son poste en période de crise, de récession, donc de désinflation et de déflation, est un individu qui voit son pouvoir d’achat augmenté de manière importante, et cela sans rien faire. Et si en plus, ce président bénéfice d’une augmentation, alors c’est le jackpot !
 
Pour leur défense, quand ils sont virés, beaucoup de présidents disent qu’ils ne sont pas devins et qu’ils ne savent pas lire dans une boule de cristal.
 
Bien sûr, personne ne leur demande de lire dans une boule de cristal. Mais, s’ils sont présidents, c’est quand même bien pour quelque chose ? 
 
Est-ce pour gérer ? Alors, un simple directeur financier peut faire l’affaire. Est-ce pour rationaliser un système de production ? Alors, un directeur de production et une DRH, font aussi l’affaire. Est-ce pour développer le chiffre d’affaires ? Alors, une directrice commerciale est la personne qu’il faut. Etc.
 
Non, un vrai président est là où il est, pour "anticiper, prévoir et faire agir immédiatement en conséquence". Tels sont les axes majeurs de la stratégie de toute bonne gouvernance d’entreprise. C’est pour cela qu’un président est payé et, souvent très bien payé.
 
Sans avoir de boule de cristal, il ne devait pas être impossible pour un président … d’anticiper et de prévoir :
 
- que la voiture utilisant du pétrole avait un avenir incertain,
- que la consommation de gasoil, en France, allait devenir supérieure à celle de l’essence,
- que le réchauffement climatique finirait par être une vraie préoccupation,
- que l’avenir d’une économie basée sur les énergies nouvelles, n’était pas une utopie,
- …
- que les crédits subprimes, les fameux 2/28 et 3/27, octroyés aux Etats-Unis d’Amérique vers 2002 / 2003, par des vendeurs à domicile peu scrupuleux, au taux fixe de 1% sur 2 ou 3 ans et variable ensuite, étaient en fait des bombes à retardement suspendues durant toute la durée du crédit, c’est-à-dire 30 ans, au-dessus de la tête des emprunteurs, donc de l’économie américaine, donc de la planète par effet systémique interposé,
- que la titrisation pouvait un jour être utilisée par un établissement de crédit indélicat, pour se débarrasser d’actifs pourris en les mélangeant à des blocs d’actifs vraiment sains,
- que la globalisation de l’économie mondiale, engagée depuis le milieu des années 80 – dérégulation et dérèglementation obligent – allait redistribuer le jeu des mouvements de capitaux au niveau planétaire,
- que la mondialisation allait transformer les pays émergents en usines mondiales pouvant fabriquer à des coûts défaillants toute concurrence,
- …
- que l’attribution massive de stock-options conduit inévitablement à piloter l’entreprise par son cours de bourse,
- que les règles de calcul des bonus sont contraires à la raison,
- etc, etc.
  
Comme on le voit, pouvoir anticiper et prévoir ne demande ni boule de cristal, ni surtout un intellect surdimensionné ! 
 
Alors, face à un tel constat, plutôt accablant, beaucoup d’entre nous peuvent légitimement se dire qu’anticiper, prévoir et faire agir immédiatement … n’est finalement pas seulement dévolu à un président de société. C’est aussi et surtout le rôle des Etats, des gouvernements et bien sûr de leur président respectif !
 
… Pour un président politique, cela s’appelle gouverner un Etat.
 

 Aujourd’hui, nombreux sont aussi les présidents politiques qui ont méconnu, depuis leur élection, ces verbes de base – anticiper et prévoir – bien qu’ils président aux destinées de pays. Peut-être que beaucoup d’entre eux croient que présider une entreprise ou un pays c’est pareil. Que cela ne "mange pas de pain" ! En effet, dans les deux cas, l’argent utilisé est celui des autres, nommés actionnaires ou contribuables …
 
Mais, revenons à notre thème concernant l’art de l’anticipation. Quels sont les faits ?
 
Rappelons-nous Jacques Chirac en 1997. Ce dernier avait anticipé et prévu une baisse de la croissance en France et en Europe. Et, en agissant en conséquence, avait dissous l’Assemblée nationale afin de repartir avec une nouvelle majorité plus confortable. Patatras ! Tout faux ! La gauche triomphe et Jospin hérite de la plus belle croissance jamais connue en Europe et donc en France depuis des décennies !
 
Rappelons-nous aussi, qu’en mai 2007, le président Sarkozy, comme tout président, avait anticipé et prévu :
 
- pour 2008 une croissance de 1 % supérieure à celle de 2007, c’est-à-dire de 3 %,
- de favoriser le crédit hypothécaire sur le modèle du "subprime" américain,
- de favoriser les heures sup pour permettre aux ouvriers de gagner plus et aux entreprises de retarder leurs nouvelles embauches,
- …
- malgré des caisses vides, de les vider encore plus, et de 15 milliards, car il pourrait les re-remplir rapidement grâce à la croissance qu’il allait chercher lui-même, tout seul, avec les dents,
- de baisser le bouclier fiscal de 60 % à 50 %,
- de supprimer 40 à 45 000 fonctionnaires chaque année en ne remplaçant pas un départ sur deux à la retraite,
- de supprimer tous les contrats aidés, notamment dans l’éducation nationale,
- etc, etc.
 
Bien sûr, lui, n’a pas fait agir, il n’a pas délégué … non, il a agi lui-même et tout seul en conséquence puis, mis en œuvre ce qu’il avait, très précisément, anticipé et prévu. Et puis, patatras, tout faux !
 
Ayant chanté toute l’année 2007 – comme dans la fable de La Fontaine – une crise venue d’Amérique et naturellement de manière totalement imprévisible, que personne au monde n’avait anticipée... pas même lui bien sûr, vient mettre en l’air tout ce qu’il avait prévu et pensé chaque matin, en se rasant, depuis dix ou vingt ans.

Mais qu’importe. Droit dans ses bottes, ce président nous rappelle à longueur de discours, très nombreux, que d’une part, il ne lit pas, lui non plus, dans une boule de cristal et que d’autre part, il n’a commis aucune erreur (Cf. ses tous derniers discours).
 
De telles affirmations sont pour le moins totalement inexactes, voire peut-être spécieuses, car :
 
Sur le premier point, celui de la boule de cristal, ce président est exactement comme les présidents des entreprises évoquées plus haut, à savoir qu’il ne lui était pas impossible d’anticiper, de prévoir que la voiture… que les crédits hypothécaires … les heures sup, les caisses vides, les crédits subprimes, la titrisation, la globalisation de l’économie, la mondialisation, les pays émergents, les stock-options, les bonus … tout cela allait finir par contrarier ses plans. Pas besoin d’être devin, ni omniscient, ni d’avoir le don d’ubiquité pour le savoir !
 
Reconnaissons qu’il y a de quoi être honteux de ne pas avoir su anticiper et prévoir ce qui crevait les yeux du citoyen lambda depuis au moins dix ans, si ce n’est plus.
 
Mais, quand on ne consulte personne, qu’on décide de tout, tout seul, qu’on a en permanence le nez dans le guidon et qu’on est partout et nulle part à la fois … les choses se compliquent forcément un tout petit peu !
 
Sur le deuxième point, celui de n’avoir commis aucune erreur, c’est tout simplement prendre les Françaises et les Français pour des demeurés, pour des handicapés du nerf moteur.
 
Prenons par exemple la dernière. Celle qui a consisté à donner des liquidités aux banques et à certaines entreprises, sans s’assurer, par contrat, que ces liquidités ne serviraient pas à payer des bonus, des primes ou des parachutes. C’est quand même incroyable ! Quel amateurisme ! Cela n’est pas une bêtise, ni une erreur. C’est une faute professionnelle ! Même un gosse y aurait pensé ! Il faut croire que tous les gosses n’ont pas la même intelligence ?
 
Malgré les fautes professionnelles qui s’accumulent, le président Sarkozy poursuit sa gouvernance et poursuit, imperturbablement, la mise en œuvre de son plan d’action tel qu’il l’avait sûrement conçu il y a 10 ou 20 ans, et seulement mis en œuvre en mai 2007. Tout cela, comme si rien ne c’était passé dans le monde ! De plus, ses actionnaires, nous les contribuables, nous l’avons même augmenté de 167 % !
 
Face à l’"accablance" de cette réalité, qui pourrait d’ailleurs prêter à rire si la situation n’était pas aussi sombre, on comprend mieux pourquoi le président Sarkozy ne fera jamais voter une loi qui punirait financièrement les présidents qui sont virés pour n’avoir pas "anticipé, prévu et su faire agir en conséquence". Si c’était le cas, cette loi serait discutée au Parlement. Et, l’Etat devrait sûrement, tôt ou tard, la faire appliquer à tous ses collaborateurs qui ont failli. Son président en premier.
 
Alors, il agira par décret. Décret qu’il écrira lui-même, tout seul, dès la semaine prochaine. Comme cela, on est sûr que son champ d’application sera parfaitement maîtrisé et peut-être probablement totalement inopérant.
 
Présidents, dormez sur vos deux oreilles ! Le président prend soin de vous et de lui-même en personne.

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8 réactions à cet article    


  • Jean-Pierre Llabrés Jean-Pierre Llabrés 28 mars 2009 10:44

    à l’auteur

    Il me semble que vous avez déjà publié cet article dès le début des années 2000, illustrant ainsi vos capacités d’anticipation. Félicitations ! ! !


    • Radix Radix 28 mars 2009 11:31

      Bonjour

      Si l’on indexait le salaire des PDG non pas sur le cours des actions mais sur le salaire le plus faible de l’entreprise.

      Nul doute que ses priorités changeraient brusquement !

      Radix


      • Geneste 28 mars 2009 12:03

        Bon article, bien équilibré et clairvoyant dont je partage la forme et le fond.


        • herbe herbe 28 mars 2009 16:31

          Bien ciselé l’article !!!

          Pour y apporter une pointe d’humour voici une parodie vue sur lepost :

          http://www.lepost.fr/article/2009/03/27/1473951_panique-au-medef.html

          extrait savoureux :

          "" si je suis riche, c’est grâce à moi seul, D’accord j’ai hérité de mon père, mais sans l’aide de personne !"


          • Romain Desbois 28 mars 2009 19:19

            Ca décomplexe ! Preuve que beaucoup d’entres nous pourraient faire le travail au moins aussi mal. J’ai même tendance à croire que certaisn pourraient le faire mieux.


            • Dominique Larchey-Wendling 29 mars 2009 11:19

              Je me demande si l’auteur se rappelle des articles qu’il écrivait avant la crise ...

              Je suis d’accord avec le fond de l’article mais de la part d’un converti de la dernière heure, toutes ces rodomontates me font bien rire.

              Heureusement, Agoravox a une mémoire plus fiable que celle de l’auteur ... le "coup de la vaseline" comme dirait Frédéric Lordon.




              • chmoll chmoll 29 mars 2009 11:35

                ouai ben je sais toujours pas où sont passé les 600 millions de l’iumm

                c ti ke l’poisson serait noyé ?


                • titi titi 30 mars 2009 09:30
                  "Est-ce pour gérer ? Alors, un simple directeur financier peut faire l’affaire. Est-ce pour rationaliser un système de production ? Alors, un directeur de production et une DRH, font aussi l’affaire. Est-ce pour développer le chiffre d’affaires ? Alors, une directrice commerciale est la personne qu’il faut. Etc.
                   
                  Non, un vrai président est là où il est, pour "anticiper, prévoir et faire agir immédiatement en conséquence". Tels sont les axes majeurs de la stratégie de toute bonne gouvernance d’entreprise. C’est pour cela qu’un président est payé et, souvent très bien payé. "

                  Vision passéiste de la fonction.
                  Un président est là pour atteindre des objectifs. Point barre.

                  Aujourd’hui l’essentiel des objectifs sont des objectifs de gestion : l’évolution de CA et la conquête de nouveaux marchés sont très diffciles avec la concurrence des pays à bas prix ; l’évolution de l’outil de production n’est plus possible en terme d’investissement.
                  Donc ne reste que la gestion : avec la question récurrente.. comment avec des clients qui paient à 90 jours avoir de l’argent le 31 de chaque fin de trimestre pour payer l’ursaaf ?
                  Cette question se pose même pour les entreprises qui font des bénéfices : il ne faut pas confondre situation comptable et situation financière.

                  Depuis déjà plusieurs années, personne ne se projette au délà de l’exercice fiscal et social. Voire du trimestre. Dire qu’il y a encore des hurluberlus pour croire encore au CDI, Contrat à Durée Indéterminé, quand l’employeur ne voit que le 30 avril de l’année N+1 : c’est le moment, date fatidique, où se conjugent les charges du 1er trimestre, le solde et les impots de l’année précédente.


                  Votre parallèle avec l’état est pertinent : comment financer l’investissement et l’avenir lorsque l’on a déjà recours à l’emprunt pour financer le fonctionnement courant ?

                   

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