Nous sommes disqualifiés !
Les embrassades françaises à la fin du match France-Irlande ont été obscènes. Escalettes dans les bras de Domenech, c’était vraiment l’inertie félicitant l’impuissance.
Quand, en dépit du chauvinisme qui est celui de la plupart des sportifs - surtout de ceux qui le sont par procuration -, des protestations s’élèvent devant la triche, la honte d’un telle qualification, ce pitoyable spectacle couronné par une incroyable fraude, force est d’admettre qu’on a atteint le comble.
Quand François Bayrou, Alain Finkielkraut ou Bixente Lizarazu se rejoignent pour déplorer l’indignité d’un tel succès, quand le président de la République à l’évidence gêné se contente du minimum pour célébrer le résultat final, on est obligé de reconnaître que la polémique dépasse le sport pour concerner à nouveau la morale publique, la morale tout court (TF1, JDD, nouvelobs.com, Le Parisien). Raymond Domenech, pour ne pas changer, fait semblant de ne pas comprendre (l’express.fr). Rama Yade, peu inspirée elle aussi, se laisse aller à une déclaration attristante qui fait passer Thierry Henry pour un débile mettant la main sans savoir qu’il la met. Si quelqu’un devait, au lieu d’endosser le corporatisme tricolore, rappeler l’éthique, c’était bien elle ! La connaissant, on peut espérer qu’elle se rétractera et incriminera les médias.
Je n’irais pas soutenir que Thierry Henry aurait dû accomplir ce qu’aucun sportif, jamais, n’a eu l’élégance de faire : révéler spontanément sa faute au risque de faire perdre son équipe. Comme l’a dit Laurent Blanc moquant "les vertueux", c’est "un fait de jeu" (France 2). Le capitaine de l’équipe de France, le score acquis, a reconnu son double contrôle de la main mais, comme il est habituel, s’est déchargé de sa responsabilité sur l’arbitre. Il n’a pas tort. Sur Twitter, Thierry Henry s’est d’ailleurs excusé auprès de tous ceux qui avaient été choqués par son comportement. Mais qui, à sa place, dans le feu de cette épreuve qui approchait de son terme, n’aurait pas risqué le même geste et l’aurait d’emblée avoué ? Personne évidemment.
Rien ne serait plus ridicule également que s’en prendre aux joueurs qui, en dépit de leur prestation médiocre sauf pour Nicolas Anelka et le formidable Hugo Lloris, n’ont pas à rendre des comptes, pour leur action, à ceux qui se contentent de théoriser sur elle.
Le scandale, en effet, c’est l’étrange attitude de cet arbitre suédois, excellent jusqu’au moment crucial, qui a paru dépassé, incapable de s’enquérir et de réagir. Pour ne pas parler de ceux qui l’assistaient et qui n’ont rien vu ou rien voulu voir. Sans tomber dans le soupçon, comme l’a laissé entendre L’Equipe, était-il concevable pour le monde du football de laisser la France à la porte de l’Afrique du Sud ? Comment cet arbitre a-t-il pu de bonne foi ne pas remarquer ce double contrôle de la main et le hors jeu ? Comment a-t-il osé ne pas même une seconde prêter l’oreille aux protestations irlandaises et à l’embarras français, malgré l’enthousiasme affiché sur le terrain ?
Le gouvernement irlandais a demandé à la FIFA de faire rejouer le match en raison de la tricherie avouée par Thierry Henry qui, même s’il ne pouvait décemment la nier, aurait pu s’enfermer dans un mutisme de mauvais aloi. L’entraîneur italien de l’Irlande lui a d’ailleurs d’une certaine manière rendu hommage et les supporters irlandais ont fait preuve d’une belle sportivité en admettant qu’une erreur à leur bénéfice ne les aurait pas non plus indignés. Il n’y a aucune chance de voir aboutir la requête de l’Irlande. Une fraude qui crève les yeux et qui pervertit l’issue d’une compétition, ce n’est pas suffisant. Il aurait fallu un mort sur le terrain ?
Alain Finkielkraut, en moraliste rigoureux, aurait préféré une défaite honorable à cette victoire lamentable. Pour ma part, sans aller jusqu’à cet absolutisme, je ne peux m’empêcher de relier cette lamentable et honteuse conclusion, au détriment d’une vaillante et robuste équipe d’Irlande, à tout le processus qui a précédé. L’immoralité de la fin à la médiocrité du parcours. La joie choquante au dernier coup de sifflet à ces incroyables péripéties à la fois administratives et sportives, à cette bureaucratie somptuaire et frileuse qui validait sans cesse l’entraîneur Domenech à proportion du jeu catastrophique qu’il inspirait. Ces embrassades obscènes de la fin, elles étaient à l’image de l’histoire décevante et, pire, sans élan ni joie, de l’équipe de France sous Domenech et les apparatchiks du football l’ayant maintenu, parce qu’au fond, là où le citoyen a envie de vibrer, eux ils ont envie de gagner. Dans tous les sens et à n’importe quel prix.
Si on avait une Fédération digne de ce nom, elle aurait déjà proposé une date pour le nouveau match.
A armes égales. Sans coup de main.
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