Nucléaire en France : ça va mal finir !
Omerta, vétusté, fuites et corrosion... Bienvenue dans le monde radieux et irradié du nucléaire français ! Avec près d'un réacteur nucléaire par million d'habitants, la France est le pays le plus nucléarisé au monde. Le risque d'accident atomique est important dans l'Hexagone : une fusion de réacteur nucléaire a été évitée de justesse en 1969, puis une deuxième en 1980, puis une troisième en 1999. Les trois autres pays les plus nucléarisés au monde ont eu moins de chance que la France et ont dû faire face à des accidents dévastateurs (l'URSS avec Kychtym et Tchernobyl, les USA avec Three Mile Island et le Japon avec Fukushima). [22] [27] [60] [77] [106] [107] [108] [160] Avec ses 56 réacteurs vieillissants, ses piscines radioactives bientôt pleines, son site d'enfouissement déjà fissuré et les innombrables défaillances de son EPR, la France réussira-t-elle encore longtemps à éviter le pire ? Les négligences de nos dirigeants ne font-elles pas courir de grands risques aux générations futures et à des centaines de millions d'Européens ?
1°) À force d'entendre Macron, Jancovici et compagnie, vous pensiez que les accidents nucléaires n'étaient finalement pas si dramatiques ? C'est faux ! Le bilan des catastrophes atomiques est minimisé par les autorités officielles, y compris dans la sphère internationale. Ainsi, l'Organisation des Nations Unies possède deux agences : l'une qui défend la santé (l'OMS ou Organisation Mondiale de la Santé), l'autre qui défend le nucléaire (l'AIEA ou Agence Internationale de l'Énergie Atomique). Ces deux agences sont naturellement amenées à défendre des positions contraires. Pour éviter cela, un accord a été signé en mai 1959 qui empêche l'OMS d'informer les populations sur les effets sanitaires de la radioactivité sans l'aval de l'AIEA. [65] [70] [119] À quand un accord similaire entre le GIEC et le lobby du pétrole ? En clair, l'OMS est contrainte d'oublier les études qui font une mauvaise publicité au lobby de l'atome, et notamment cette étude publiée par l'Académie des sciences de New York estimant que Tchernobyl a fait plus de 985 000 morts (dont plus de 700 000 en dehors de l'ex-URSS).[65] [66] [70] [71] [111] Selon le rapport de 400 pages des auteurs de cette étude, suite à l'accident de Tchernobyl, la fréquence de toutes les affections cancéreuses a augmenté de 40 % en Biélorussie entre 1990 et 2000 ; dans la région de Louguina (Lugini) en Ukraine, l'espérance de vie est passée de 75 ans en 1984 à 65 ans en 1996 ; dans cette même région, la mortalité néonatale a été multipliée par 6 entre 1985 et 1995. [65] [68]
2°) À force d'entendre Macron, Jancovici et compagnie, vous pensiez que les retombées de Tchernobyl étaient négligeables en France ? C'est faux ! « Le nuage de Tchernobyl » est à l'origine d'importants dépôts radioactifs sur plusieurs continents. [68] Certains territoires français (Alsace, Jura, Mercantour, Vercors, Corse) resteront, par endroits, très radioactifs durant plusieurs siècles, ce qui impacte la chaîne alimentaire et l'humain. [26] Ces dépôts radioactifs seraient à l'origine de plusieurs centaines de milliers de morts en Europe. [68] En Norvège et en Allemagne, la viande de certains animaux est si radioactive qu'elle est parfois jugée impropre à la consommation. Sur le continent européen, des champignons sont tellement contaminés qu'ils devraient être considérés comme des déchets radioactifs à enfouir dans des alvéoles bétonnées, mais certains dirigeants préfèrent ne rien dire et laisser leurs administrés cueillir ces champignons pour en faire des omelettes ! [7] [8] [88] [105]
3°) À force d'entendre Macron, Jancovici et compagnie, vous pensiez que Fukushima se résumait à un petit problème éphémère et local ? C'est faux ! Certes, les abords de la centrale de Fukushima et certaines villes ont été décontaminés au prix d'un travail colossal, mais l'essentiel de la région de Fukushima est constitué de forêts et de territoires naturels, qui resteront très radioactifs durant des siècles. [104] Les chiffres officiels des autorités japonaises sont souvent biaisés. Certains compteurs, par exemple, sont placés à un mètre de hauteur, alors qu'au niveau du sol, la radioactivité est quatre fois plus élevée. [104] En vérité, les chiffres ont explosé : avant l'accident, le niveau de radioactivité dans les champs proches de Fukushima était d'environ 10 à 20 becquerels par kilo. [104] En 2020, ce chiffre était de 20 000 à 30 000 becquerels par kilo, soit 1000 à 3000 fois plus. [104] Comme en Allemagne et en Norvège, cette pollution radioactive des sols affecte la nature, la chaîne alimentaire et la santé humaine. [7] [8] [104] [105]
L'accident de Fukushima est un désastre (qui a beaucoup plus fortement souillé l'océan que les terres). Au passage, il faut noter que l'impact de cette catastrophe sur l'océan et sa faune n'est quasiment pas étudié. Bref, si l'océan n'avait pas « épongé » une grande partie de la radioactivité issue de Fukushima, ce désastre aurait été bien pire pour les Japonais. Premier ministre du Japon en 2011, Naoto Kan est désormais un des plus grands opposants à l'énergie nucléaire. Au moment de l'accident de Fukushima, Naoto Kan a consulté des spécialistes du risque nucléaire qui lui ont indiqué qu'il fallait envisager « l'évacuation des populations dans un rayon de 250 kilomètres autour de la centrale » ; ce qui signifiait qu'il fallait évacuer « 50 millions d'habitants […] pour plusieurs dizaines d'années » et qu'il fallait « réduire la taille du Japon de plus de la moitié. » [103] [104] Tout s'est joué sur la direction des vents, qui ont, « par chance », repoussé la radioactivité de Fukushima vers l'océan durant les premiers jours de l'accident. [109] [113] En Europe, si un accident nucléaire se produit, il est très peu probable, voire impossible, que les vents soient aussi favorables que lors de l'accident de Fukushima, et l'impact sur les populations serait alors d'un autre ordre.
4°) À force d'entendre Macron, Jancovici et compagnie, vous pensiez qu'il suffisait d'enterrer les déchets radioactifs pour être débarrassé de tout risque d'accident ? C'est faux ! En Allemagne et aux USA, des sites d'enfouissement de déchets nucléaires ont déjà connu de graves accidents (fuites, incendie, problème de ventilation), ayant parfois provoqué, au bout de seulement quelques années, une remontée de la radioactivité à la surface, notamment par le biais des nappes phréatiques. [84] [85] [86] [87] En France, avant même son ouverture, le site d'enfouissement de Bure présente déjà de grandes fissures, mais selon un employé de Bure : « c'est à tout à fait normal parce que ça bouge, donc on a des mouvements et le béton, étant très rigide, lui, il est pas flexible, donc il se casse ». [83] On nous promet des installations sûres pendant des millions d'années, alors qu'elles sont endommagées avant même d'être mises en service ! De plus, pour garantir l'absence d'incendie sur le site de stockage de Bure, il faudrait qu'il n'y ait aucune panne de ventilation et donc aucune panne d'électricité durant plusieurs millions d'années, ce qui est irréaliste. [83] Aucune solution pérenne n'existe pour gérer ces déchets hautement cancérigènes. Si l'espèce humaine perdure, ce sont des milliers de générations qui auront à gérer et à surveiller les déchets radioactifs produits par deux ou trois générations. Bel héritage ! Imaginez que chaque génération ait fait de même depuis l'apparition de nos premiers ancêtres : notre planète serait-elle encore habitable ?
En attendant de faire des folies à Bure, la France stocke « provisoirement » ses déchets hautement radioactifs dans des piscines à La Hague... Petit problème : ces piscines seront vraisemblablement pleines avant 2030 (date à laquelle le site de Bure ne sera pas encore prêt, date à laquelle aucune autre nouvelle piscine de stockage ne pourra être terminée en France). Que se passera-t-il en 2030 ? A priori, deux options. La première, arrêter toutes les centrales nucléaires françaises pour stopper la production de déchets hautement radioactifs. La deuxième, continuer à remplir des piscines arrivées à saturation et augmenter les risques d'accident... [82] [83] [94]
5°) À force d'entendre Macron, Jancovici et compagnie, vous pensiez que les installations nucléaires ne rejetaient pas de radioactivité dans l'environnement ? C'est faux ! En temps normal, les installations françaises rejettent inévitablement d'importantes quantités de tritium dans les airs, les fleuves et les mers, créant des contaminations diffuses chroniques de la chaîne alimentaire et de l'humain. Ce tritium est un déchet radioactif très volatile, dérivé de l'hydrogène, qui émet des rayonnements ionisants et qui n'est pas retenu par les systèmes de filtration. [64] En Moselle, la centrale de Cattenom aurait, par exemple, rejeté environ 96 500 milliards de becquerels de tritium en 2017. [64] L'usine de La Hague bat de tristes records avec, en 2017, ses 11,9 millions de milliards de becquerels de tritium déversés dans la Manche. [64] Il n'est donc pas étonnant que les taux d'incidence de certains cancers soient anormalement élevés à proximité de certains sites nucléaires français. [89]
6°) À force d'entendre Macron, Jancovici et compagnie, vous pensiez que la France était à l'abri de tout accident nucléaire ? C'est faux ! Dans un monde de plus en plus instable, les centrales et les sites de stockage nucléaires pourraient devenir des cibles militaires ou terroristes. La plus grande centrale européenne a d'ailleurs été bombardée en 2022. Les sites nucléaires français sont mal protégés : des militants réussissent à s'y introduire et des drones parviennent à les survoler. [82] [126] Les habitants de La Hague vivraient près de 10 000 tonnes de déchets radioactifs, soit l'équivalent de plus de 100 réacteurs nucléaires ; un accident à La Hague pourrait avoir des conséquences apocalyptiques. [75] [83] Les convois de déchets radioactifs pourraient aussi être des cibles.
Par ailleurs, une rupture de barrage (consécutive à un séisme, par exemple) provoquerait une énorme vague, pouvant conduire à une panne du système de refroidissement d'un ou plusieurs réacteurs, puis à une fusion nucléaire (enchaînement de type Fukushima). Un tel scénario pourrait se produire dans le Sud-Est de la France (sur plus de dix réacteurs à la fois si le barrage de Vouglans se rompt). [161] [162] Les menaces extérieures viennent également du réchauffement climatique (qui accroît sécheresses, incendies et inondations). En 1999, une inondation a failli provoquer la fusion d'au moins un cœur de réacteur nucléaire en Gironde. [107] [108] En 2020, un gigantesque incendie a frôlé le sarcophage de Tchernobyl. [129] Sur le long terme, assurer la sécurité de centaines de sites nucléaires dans le monde semble illusoire. Un jour ou l'autre, l'humanité devra faire face à de nouvelles catastrophes atomiques. Selon Bernard Laponche (physicien nucléaire ayant participé à la conception des premiers réacteurs nucléaires français), la survenue dans les prochaines décennies d'un accident nucléaire majeur en Europe est une quasi-certitude, si l'on se base sur des extrapolations statistiques (en sachant que 5 réacteurs nucléaires sont entrés en fusion entre 1979 et 2011). [12] [13] Et il est très probable que cet accident survienne en France, pays qui compte, de très loin, le plus de réacteurs en Europe. [13]
En France, un accident nucléaire majeur dans un grand bassin de population pourrait provoquer des centaines de milliers de morts et coûterait entre 600 et 1000 milliards d'euros. [11] [12] [163] Frais qu'aucune assurance ne couvre. [12] S'il fallait assurer chaque réacteur à hauteur de 1000 milliards d'euros, le prix du mégawattheure exploserait, ce qui enterrerait définitivement la filière de l'atome. [12] En cas d'accident nucléaire majeur en France, si votre logement se trouve dans la zone à évacuer durablement, il est vraisemblable que vous ne soyez indemnisés pour la perte de cette propriété qu'à hauteur du millième de sa valeur, soit 100 euros pour une propriété valant 100 000 euros. [Source : France Culture]
7°) À force d'entendre Macron, Jancovici et compagnie, vous pensiez que la France était exemplaire en matière de transparence et de sûreté ? C'est faux ! Chercheuse en sociologie ayant travaillé sur le nucléaire, Valérie Arnhold, estime que les pouvoirs publics en France ont été « très dépendants de la filière nucléaire » et que l'analyse de nombreux discours officiels laissent transparaître une « gestion par le secret », visant à minimiser la gravité des accidents et à sous-estimer leur probabilité. [77] [78] La réelle gravité de l'accident de Saint-Laurent-des-Eaux a été rendue public par des journalistes d'investigation 35 ans après les faits ! [60] Et ce n'est que 35 ans après les faits et sous la pression médiatique que « l'ancien patron d'EDF [a] reconnu que du plutonium [avait] été rejeté dans la Loire ». [61] Pour l'anecdote, seuls dix milligrammes de plutonium suffisent à tuer un être humain. [35] [83] La filière nucléaire française se porte très mal. La vétusté de ses centrales devient difficile à cacher. Corrosions et fuites se multiplient. Des lanceurs d'alerte dénoncent un système de plus en plus opaque et de moins en moins sûr. [31] [94] [112] Pour ne rien arranger, la santé financière de l'industrie nucléaire française est catastrophique. [83] [88] [101] Pire, les centrales françaises sont en si mauvais état qu'il n'y aurait plus assez de personnel qualifié pour les réparer... [74]
8°) À force d'entendre Macron, Jancovici et compagnie, vous pensiez que les EPR allaient nous assurer un avenir radieux ? C'est faux ! L'EPR devait donner un nouvel élan à l'industrie atomique, mais l'EPR de Flamanville coûtera au moins 5 fois plus cher que prévu et sera livré avec plus de 10 ans de retard. [14] Comme ses cousins finlandais et chinois, l'EPR de Flamanville présente de graves problèmes de sûreté, dont certains semblent difficiles à surmonter. [88] [135] Les EPR résistent beaucoup plus mal que prévu aux hautes pressions, si bien que pour limiter le risque d'accident, l'EPR de Flamanville pourrait être bridé à 60 % de sa puissance maximale et être moins performant que les centrales construites il y a 50 ans. [112] En ordonnant la construction de nouveaux EPR, l'État français cherche sans doute à sauver les finances d'une industrie en péril, mais à quel prix ? Ne pourrait-on pas léguer autre chose aux générations futures qu'une planète carbonisée ou irradiée ?
Gaspard Bachassons, 02/2023.
Nota bene : Vous trouverez les sources détaillées de cette tribune dans Le Petit Livre des grands dangers du nucléaire (ebook gratuit de 102 pages, synthèse de plus de 150 documents).
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