Nucléaire, H1N1, climat… bientôt l’apocalypse
Le scénario médiatique consécutif au tsunami japonais et aux incidents nucléaire ressemble de près à celui constaté lors des premiers éléments disponibles sur la grippe H1N1 au Mexique. Les ressorts sont les mêmes mais le timing différent. Le phénomène observé n’a pas encore de définition sociologique mais la notion de tsunami de la peur convient assez bien. A l’origine, un épicentre phénoménal. Un virus sitôt suspecté, sitôt identifié comme nouveau et la conjonction de la dispersion virale et médiatique d’informations elles aussi virale, susceptibles d’engendrer une fièvre psychologique sauf chez les individus pourvus d’une immunité rationnelle. Comme j’ai tenté de le montrer dans H1N1 la pandémie de la peur (Xenia), le phénomène de panique engendré par le virus grippal en 2009 est du même ressort que la chasses aux sorcières pratiquée entre la fin du 16ème et la fin du 17ème siècle. Le philosophe Malebranche étant alors l’inventeur de l’immunité rationnelle contre la folie des chasseurs de démons.
La diffusion du virus H1N1 a suscité une peur démesurée. Des pays comme la Grande-Bretagne ou la France se sont placées en état d’alerte maximale, les services de l’Etat étant promis à une menace sans précédent, les transports arrêtés, l’économie au bord du précipice, les gens calfeutrés chez eux, pris de fièvre et les services hospitaliers débordés par l’afflux de malade et de cadavres. On connaît la suite. En mars 2011, les écolos sont eux aussi paniqués, atteints d’une crainte face au nucléaire qui les obsède, demandant dans l’urgence la convocation d’un débat, d’un moratoire, d’un référendum, obligeant les autorités à avouer que le nucléaire est une menace, comme en d’autres temps les sorcières devaient s’expliquer devant l’inquisition sur leur fréquentation avec le malin. Vu d’ici, nous avons l’impression que l’accident nucléaire de Fukushima s’est produit en Europe et que quatre réacteurs français sont en fusion, rejetant des cendres radioactives dans l’atmosphère, de Gravelines à Tricastin. Les politiques sont en état d’urgence, le président Sarkozy met la question du nucléaire à l’ordre du jour pour le G-20 et le premier ministre s’est s’exprimé solennellement à l’Assemblée. On dirait presque que nous sommes en guerre, comme du reste cet été 2009 lorsque le virus attaquait nos chers bambins dans les centres de vacance. Qu’attend donc Roselyne Bachelot pour commander des millions de doses d’iode. Désolé pour cette ironique remarque qui sera considérée comme déplacée au vu du contexte tragique des événements au nord du Japon, mais qui illustre le contexte des peurs contemporaines auxquelles il ne semble plus possible d’échapper. Grippe, tempête, maladies nosocomiales, cendres volcaniques, centrale nucléaire, pollutions, économie en crise, fonte des glaciers, poisons chimiques, 21 avril, terrorisme, disparition des espèces, crise alimentaire, peur du franc parler, flux migratoires, pas un seul jour exempté d’anxiétés et pas plus tard que hier, l’Invs annonçant la présence de polluants dans le sang des Français.
Bien évidemment, en ignorant les médias, on peut contourner ces peurs, du moins celles qui ne concernent pas le quotidien et le proche environnement ou alors sont exagérées. Ou bien observer avec une distance rationnelle les images et autres déclarations. Tout en réfléchissant sur l’origine de la menace. Il est loin ce temps où les grecs craignaient les dieux, la foudre et les orages. Les peurs contemporaines ont pour origine l’homme. Elles sont en quelque sorte un dégât collatéral du progrès. Dès lors qu’il y a un savoir, des peurs sortent du « logiciel existentiel ». Peur du démon à l’époque des sorcières et de la théologie. Peurs diffuses et multiples à notre ère technoscientifique qui pourrait être porteuse d’espérance si elle n’était pas étouffée par toutes ces craintes dont quelques individus bien placés savent profiter. On peut se demander pourquoi le président de l’ASN communique si aisément en aggravant semble-t-il la situation, annonçant sans disposer des éléments tangibles un niveau 6 dans l’incident nucléaire, sans savoir si l’enceinte est endommagée ou percée. Bruxelles fait mieux, évoquant une apocalypse, quant à NKM, elle mérite le prix citron pour avoir envisagé l’arrivée du nuage à Saint-Pierre-et-Miquelon. Autant consulter l’avis éclairé de Paco Rabane pour décider de l’action à mener.
Le marché a su récupérer les contestations après 68, l’esprit rebelle, des Stones à Galliano et maintenant, il fait du profit avec les craintes et les critiques menées contre le système. Les écolos sont, comme Besancenot, les idiots utiles du capitalisme. Aux Etats-Unis les populations sont logées à la même enseigne. Les Californiens ont dévalisé les tablettes d’iode en prévision du nuage nippon franchissant le pacifique.
L’apocalypse ne vient pas tant de la bête comme l’avait écrit Jean mais de la bêtise qui accompagne ces temps apocalyptiques où l’ignorance, les peurs et aussi les addictions consuméristes sont devenus un fardeau dont on ne se débarrassera pas de sitôt. Le progrès, dirait Desproges, a consisté à transformer l’ignorance en bêtise ; grâce à un savoir scientifique perverti par la propagande et l’opinion, ajouterait Ellul. Un fardeau qui s’ajoute aux problèmes sérieux à résoudre car il ne faut pas que la légèreté du traitement médiatique et politique des événements masque les véritables enjeux économiques et techniques qu’il faut solutionner pour continuer à profiter un minimum de ce progrès si utile pour enrichir nos existences de moyens afin d’inventer la vie et non pas la subir.
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