O Toulouse
Edwy Plenel dit n’importe quoi. A sa décharge, il n’est pas le seul. Candidats, journalistes, internautes s’appropriaient hier les morts de l’école juive de Toulouse. Le spectacle laisse songeur. Que les autorités politiques en place soient présentes est normal et protocolaire. Le rang de la personne qui se déplace fait mesurer la gravité ressentie de l’événement. Ici c’est le Président lui-même, représentant du pays entier. C’est sa fonction. Présence légitime donc.

Le spectacle venait des autres. Je comprends qu’il y ait un choc et un besoin d’en témoigner. Mais dans ce moment supposé d’unité nationale, à part le président qui se déplace, une marche silencieuse n’aurait-elle pas été préférable ? Un défilé des politiques à Paris, ou dans le centre de Toulouse, sans discours, sans certaines déclarations qui sentent le racolage à des kilomètres ? Une marche blanche où tout le monde puisse être présent, sans aucun signe d’appartenance, sans autre identité qu’une grande clameur silencieuse ? On aurait atteint une puissance bien plus grande que la multiplication des déclarations partisanes - car certaines sont d’évidence partisanes.
La France est répartie en une multitude de parcelles, parcelles politiques, corporatistes, idéologiques, qui même pendant cette trêve de deuil se battent entre elles pour conquérir le pouvoir. Il semble que cette conquête passait hier par Toulouse. Dans ce moment où chacun prêche l’unité et la réconciliation, où l’on « convoque » nos fraternités contre la haine, celle-ci reste savamment distillée, l’air de rien.
Je pense en particulier au directeur du site d’information Mediapart, Edwy Plenel, pyromane politique de son état. Dans un article d’une rare duplicité il appelle à l’union républicaine tout en divisant la France par la désignation des supposés responsables idéologiques de la tuerie - en quelque sorte le bras intellectuel du tueur.
« Ce tueur est peut-être un fou solitaire, sans autre motivation que la folie criminelle qui l’habite. (...) Mais peut-être est-il aussi un fou d’idéologie, un fou saisi par ces passions meurtrières qui, ces dernières années, n’ont cessé de travailler notre modernité, diffusées et alimentées par les tenants des guerres d’identités, chocs de civilisations et affrontements de religions. »
Derrière le tueur il y aurait donc Nicolas Sarkozy et son gouvernement. Ah, la politique comme ça, c’est facile à comprendre ! Et il en rajoute, le Petit Père du peuple de Mediapart :
« Ces crimes nous sont insupportables et, en même temps, nous devons admettre qu’ils ne nous sont pas étrangers. Car ils sont ceux d’une époque et d’un pays, les nôtres, où l’on s’est par trop habitué à ces discours, ces paroles et, parfois, ces actes qui mettent en exergue tout ce qui différencie les êtres humains, les divise et les éloigne les uns des autres, plutôt que ce qui les rapproche, leurs ressemblances partagées ainsi que leurs communes conditions. Où l’on s’est accoutumé, sans réagir outre mesure, à entendre souligner ce qui distingue plutôt que ce qui rassemble. »
Il n’est de rassemblement que parce qu’il y a d’abord distinction. Le rassemblement sans distinction, sans définition des appartenances, sans reconnaissance de l’altérité ni du chemin à faire pour se rassembler, n’est que nostalgie de l’océan prénatal, qui est une forme inconsciente du totalitarisme. « Aimons-nous les uns les autres » sans savoir à qui nous avons à faire. Les bons sentiments génèrent de bonnes affaires et des vases communicants aléatoires ou viraux. Le non-soi, c’est l’immunité, celle qui permet de vivre ensemble en étant différents. Il y a une vraie raison au respect des différences - et donc à leur identification.
Le prêcheur de paix alimente ensuite la guerre :
« Il est temps de nous ressaisir et, sous le choc de l’émotion, de retrouver le chemin d’une concorde républicaine en lieu et place de cette guerre de tous contre tous qui fermente sous l’aigreur de la déraison politique à l’œuvre ces temps derniers – identité nationale contre origine étrangère, civilisations supérieures contre religions inférieures, racines chrétiennes contre invasion musulmane, etc. »
Encore une fois il désigne des responsables intellectuels à ce crime terrible. Le tueur ne serait que le bras armé du sarkozysme. On peut être en désaccord avec une mouvance politique, mais la limite du désaccord est ici dépassée. On est devant la haine attisée, on détourne l’effroi du crime et on le fait porter sur une mouvance politique. L’aptitude intellectuelle d’Edwy Plenel semble altérée.
Il va bientôt nous refaire le coup de Carpentras et de la profanation de son cimetière juif. Cette affaire avait donné lieu à de grandes scènes d’hystérie politique au début des années 1990 et à une campagne d’une rare violence, confinant au lynchage, contre le Front National. Or c’était sous gouvernement socialiste, et après 10 ans de Mitterrandisme. Ciel ! Les socialistes avaient-ils donc mis la France dans un tel état de décomposition morale et intellectuelle pour que ce dérapage ait eu lieu ?
Dans sa Plenélienne pensée unique, il oublie que des actes antisémites sont dénombrés par dizaines chaque année depuis des décennies. Si l’on prend les statistiques de 2003 et 2004 qui figurent dans la page de Wikipedia :
« 75 « actions violentes à caractère antisémite » ont été recensées pendant les sept premiers mois de l'année 2003, et 160 pendant les sept premiers mois de 2004, dont 11 attribuées à l'extrême droite, 50 commises par des « individus d'origine arabo-musulmane », et 99 qui ont obéi à des motivations floues. »
S’y sont rajouté progressivement les actes contre l’islam, en progression sous les gouvernements socialistes dans les années 1980 puis suite aux attentats de 1996 et leurs dizaines de morts et blessés à Paris. Pour rappel, ces attentats ont été commis par des islamistes et visaient des français de préférence. D’autre part en Suède il n’y a pas de débat sur l’identité nationale. Cela n’a pas empêché Breivik de commettre un massacre.
Lier le pouvoir actuel et le drame de Toulouse est donc surprenant, et d'une audace discutable. La messe est dite et l’honnêteté intellectuelle n’est plus de mise. On se dirait à un championnat du procès d’intention, du clivage haineux et des tours de passe-passe rhétoriques.
Edwy Plenel en est un exemple voyant. Un autre en est François Hollande. Fanfrelande, après avoir été hué par les employés de la centrale nucléaire de Fessenheim, s’est précipité avec sa Fanfreluche à Toulouse pour parler au nom de la France comme s’il en était lui-même le président, ou le délégué auprès des familles. Au nom de quelle légitimité va-t-il ainsi représenter le pays ?
Quelle usurpation de posture ! Quelle impudeur. Quelle arrogance. Lui qui se couche à plat-ventre dès que possible, le voici qui se prend déjà pour le Calife et va draguer sur les morts. Demain il ira racoler à l'enterrement des soldats de Montauban. L'important est de se faire voir et d'en faire un peu plus que Sarkozy. Triste business.
Image an. : 1. Toulouse, Pont-Neuf et Garonne. 2. Jardin royal. 3. Canal du midi.
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