On est tous des ripoux !
Pire que l’affaire de ce patron de police judiciaire de Lyon, bien pire que ce qu’il a fait - ou pas - il y a les commentaires des uns et des autres à propos de ce désormais définitivement délinquant aux multiples crimes et grand ripoux devant l’éternel.
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Comme d’habitude les médias ont procédé à un paraphrasage de dépêches AFP, piochant de-ci de-là des mots clé percutants et collant bien à l’histoire, ils ont parlé du commissaire Neyret au passé, lui ont fait un rapide hommage posthume à coups de grand flic et de flic à l’ancienne, avant d’attaquer avec délectation le scénario du coté obscur de la police nationale.
Embrayant comme un seul homme, notre grande copine l’opinion publique qui a un avis sur tout, et finit magistralement toutes sortes enquêtes avant que le premier procès verbal soit imprimé, a toutefois hésité entre le goulag pour cet odieux personnage qui transgresse toutes les lois pénales, l’éthique, la morale universelle, les conventions de Genève, et surtout la déontologie (bien que n’étant pas affecté à la PAF), et… le prix Nobel de la police nationale, parce que la sécurité, ma brave dame, ça n’a pas de prix, et qu’importe le nombre de cadavres innocents qui joncheront la route qui nous mènera vers l’absolu sécuritaire.
Mais le meilleur du pire est probablement venu de la police même. On n’est jamais trahi que par les siens, nul n’est prophète en son pays, et patati, et patata... Qu’ils étaient touchants, tous, ministre en tête, syndicats ensuite, la bouche en cul de poule, la mine catastrophée, avec leur séisme et leur grande tristesse, leur coup de tonnerre en forme de commissaire divisionnaire, et l’immense traumatisme pour la police nationale. Immense. Traumatisme. Quelle hypocrisie.
Maintenant, il faut absolument que je vous parle de ma petite boite.
Et en préambule, que je vous explique quelque chose. Quand par exemple vous pénétrez dans un squat ou une cage d’escalier fréquentée par des gens bien sous tous rapports - que nous appelons dans notre jargon des individus - il arrive que des petits trucs en provenance des poches des individus tombent par terre. De la came, héroïne, herbe ou shit, le plus souvent. Logique et bon sens, si c’est par terre, c’est à personne, et si c’est à personne, ce n’est donc pas une preuve de quoi que ce soit.
Pour ne pas gaspiller cette marchandise, et à fortiori dans un louable souci de santé publique, et pour ne pas tirer au sort des coupables aléatoires - c'est-à-dire aussi pour ne pas faire de chiffre à tout prix - il arrivait que nous mettions ces produits de coté. Non pas pour les consommer comme d’aucuns meurent d’envie de le croire, mais pour s’en servir de menue monnaie d’échange. J’avais donc ma petite boite comme pas mal de monde, j’avais même hérité d’un reliquat de saisies à ajouter aux miennes en arrivant en tant que lieutenant dans ma nouvelle affectation. Celui dont j’avais récupéré le placard de vestiaire était un sacré chasseur, et ça se sentait…
Du point de vue des interpellations en infractions à la législation des stupéfiants ou autres délits connexes, je n’ai jamais eu à regretter cette pratique. Ma petite boite m’a bien et souvent servi. Ce n’étaient que de toutes petites choses, mais il faut dire que je n’attrapais que de tous petits dealers. Un gardien de la paix en uniforme travaille rarement sur la branche française du cartel de Medelin, vous vous en doutez. Mais une barrette de shit ou une dose d’héroïne, outre d’entretenir des relations de bon aloi avec des toxicos qui ne sont pas hostiles à un rapprochement police-population, peut aussi ouvrir des horizons bien plus efficaces en matière d’anticriminalité. Je n’étais pas un cas isolé, loin de là. Le recyclage des saisies en stups à des fins d’investigation ou d’information plutôt que leur destruction, ne m’a jamais paru totalement immoral même si c’était illégal. Pas plus que je n'ai eu de scrupule à filer une dose, un soir glacial, à ma copine la pute, enrhumée et fiévreuse, histoire de lui éviter de rester encore dehors, puisque je savais qu'elle irait jusqu'à gagner sa poudre.
Bref. C’est toujours la même histoire, des procédés que l’on sait mais qui ne sont consignés nulle part, une sorte de carte blanche qui apportera pour un objectif similaire, des félicitations dans un cas, et la prison dans l’autre.
C’est toujours la même histoire, tout le monde sait tout, tout le monde couvre et se tait, et ne souhaite que du résultat. A tout prix. Qu’importe le moyen, du moment qu’on n’en saura rien.
C’est toujours la même histoire, celle de la lutte contre la délinquance, une lutte qui oblige parfois à d’autres codes et d’autres méthodes que ce qui est enseigné dans les écoles de police et le code de procédure pénale.
Ma petite boite est vide depuis longtemps.
Je la remplis désormais des petites hypocrisies et grandes lâchetés qui tombent de la bouche des donneurs d’ordres et de leçons.
Bonus : Marc Louboutin, ex (bad) lieutenant, un bon flic, certainement ripou à l’ancienne comme ils disent dans la-télé-qui-dit-la-vérité, qui n’a sûrement pas eu de petite boite mais un tiroir plein, et peut-être même qu’il s’est servi directement dans les prises de guerre pour filer à ses tontons et espérer en serrer des gros, eh bien celui-là qui a toujours préféré un gros malfrat à du gros chiffre, a donné son avis à BFM TV à propos du commissaire divisionnaire Neyret.
Je vous conseille vivement de (re)voir cette affaire sous son éclairage averti :
source : police.etc
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