On ne nous fera pas croire que Hollande est si stupide que ça…

Depuis sa sortie télévisée proposant à Léonarda de rentrer seule si elle en fait la demande juste « vu la situation » à savoir « le manque de discernement » des autorités qui l’ont fait descendre d’un bus scolaire, ce fut l’explosion des sourires à l’indignation face à cette proposition présumée aberrante. Comment, disent-ils, peut-on proposer à une gamine de 15 ans de rentrer seule alors que la loi interdit de séparer parents et enfants à l’heure de l’expulsion ? Comment, disent d’autres, dire que la loi a été respectée et trouver comme le chef de l’état à redire comme s’il était au-dessus de la loi ? Et de conclure que la loi qu’il l’applique ou l’abroge. Comment, disent d’autres, faire revenir une gamine si elle en fait la demande alors qu’elle n’est pas majeure et que ce sont ses parents qui décident ? Comment les parents accepteraient-ils de laisser leur fille partir seule à 15 ans ? Comment ensuite refuser aux parents expulsés le droit de visite ? Comment un chef de l’état peut-il parler d’égal à égal avec une gamine de 15 ans quasiment en direct par média interposé de sorte que la gamine lui claque la proposition au nez ? Comment ? Comment ? Comment ? « Je dis ça suffit » assène Valls.
Hollande qu’on nous a présenté jusque-là comme un fin stratège efficace et discret que personne au PS ni ailleurs n’a vu venir jusqu’à terrasser le Sarko et devenir Président sans jamais avoir été ne serait-ce que ministre, on veut nous faire croire que ce Hollande-là ferait une telle sortie sans en avoir médité la portée ? Il n’avait que deux choix disent les plus avertis : faire revenir tout le monde ou personne. Faire revenir tout le monde eût été désavouer son ministre de l’intérieur, personnage le plus populaire de son gouvernement et ce alors que la loi a été respectée : c’eût été une pure folie qui non seulement donnerait du bonus à la droite et au front national mais en plus donnerait à Valls de quoi s’imaginer tout de suite remplaçant Hollande. Ne faire revenir personne, ne calmerait pas le feu médiatique qu’avait pris cette affaire avec même l’intervention de la première dame scandalisée.
Que faire alors ? Vu les sondages catastrophiques pour Hollande, un pic de plus ou de moins n’arrangerait en rien son affaire car seul un progrès économique majeur peut le sauver et c’est ce qu’il espère encore afin qu’on dise « Hollande avait raison ! Hollande sort vainqueur de la tempête économique, Hollande le capitaine serein contre vents et marée ! ». Que diable a affaire Hollande avec une baisse de sa popularité s’il peut en finir avec cette affaire qui commençait à agiter les jeunes par définition facilement manipulables ? Donc la seule solution était de faire un geste « humanitaire », un geste digne de la France généreuse et de la gauche le cœur responsable sur la main. Le seul geste possible c’était de lui proposer de rentrer quel que soit le côté aberrant juridiquement, qu’importe l’image singulière donnée du chef de l’état en pareille négociation avec une Léonarda de 15 ans, quitte même à faire ressortir le boulet du Hollande qui se croit encore au PS à vouloir ménager la chèvre et le chou.
Voilà pourquoi Hollande a fait cette proposition incroyable qui porte d’ailleurs ses fruits car l’affaire s’apaise. Hollande, comme un démineur, a avalé la grenade, elle a explosé dans son ventre, c’est lui qui a pris. Valls s’en sort. La droite n’a rien à dire à part ses petites piques habituelles. Au PS on n’entend plus personne. La Léonarda restera au kossovo à moins que ses parents le décident, ce qui ne risque pas d’arriver quand on voit le profil de la famille.
Pauvre Léonarda comme tant d’autres pauvres parmi les cas sociaux. Mais, pour nous autres du tiers-monde, nous autres les fameux clients toujours atteints par l’image des immigrés, on en a assez qu’on présente toujours ce visage marginal de l’immigration alors qu’il existe des milliers de gens parfaitement intégrés qui ont tous les problèmes du monde pour avoir des papiers. Il existe des milliers de francophones tranquilles qui ne peuvent pas avoir de visa car chacun malgré-lui représente le clandestin présumé en puissance.
On a l’impression que tout le monde est dépassé et chacun est dans l’excès du militant pour la régularisation de tous à celui qui est pour l’expulsion de tous. Voyez ce qui se passe à Lampedusa : rien n’est pire que de parquer ces immigrants en Europe car le but de ces gens désespérés est de passer le cap, passer de l’autre côté quel qu’en soit le prix. S’ils voient qu’à la fin, ils finiront même dans un camp, ils continueront à venir qu’à l’essentiel est de traverser ; ensuite ils s’arrangeront car ils ont des contacts et l’instinct de survie trouve toujours des issues.
Ce qu’il faut, c’est donner un signal fort pour que tous ces gens sachent que quiconque arrive par là repartira par là. Il n’y a pas d’autre solution. Soigner les arrivants, les nourrir, leur faire comprendre la situation qui interdit pareille immigration car souvent ils arrivent l’esprit plein de fantasmes fruits de la télé qu’ils regardent sans grille de lecture avertie, ce qui les fait courir vers l’Europe sans savoir vraiment ce que les attend puis les remettre humainement dans des bateaux sécurisés à destination de leur point de départ. Les européens ont les moyens de faire prendre à leurs amis états africains leurs responsabilités dans ces affaires. Seul un retour certain à la case de départ sera le signal qui arrêtera ce flot de malheureux et l’effroyable business qui va avec. Faire intervenir l’armée et chasser les mafieux à la source.
Ce n’est pas la fausse culpabilité qui arrangera cela et certainement pas des gestes comme celui du maire de Milan qui propose des papiers à ceux qui ont survécu au naufrage qui a fait 300 morts même si on peut comprendre le geste dans un cas pareil.
Qu’on arrête seulement de faire croire aux français que l’immigration est massive, que les visas sont faciles à obtenir et que tous les immigrés sont des africains illettrés ou des cas sociaux de l’Europe de l’Est. Il y a tant de gens qui ont des vrais liens solides avec la France qui devraient avoir le droit de venir en France à leur guise sans frémir aux services des visas car ces gens sont une chance pour la France et l’Europe. Il faut faire preuve de discernement.
Quant à Léonarda, la presse ferait mieux de parler de cas plus injustes face auxquels ni la droite ni le front national ne trouveront à redire. La Léornada ne parle pas la langue de son pays, eh ! bien écoutez cette histoire comme mille autres, c’est la mienne :
La France vint très tôt sur nos territoires qu’elle colonisa. Elle trouva là quelques tribus et ethnies vivant plus ou moins tranquillement dans un vaste territoire totalement désertique sauf au sud. Ces peuples avaient leur organisation sociale et leur histoire fruit d’un brassage multiséculaire entre divers empires fruits de mille conquêtes, ils vivaient faisant de temps en temps le coup de feu. Ils vivaient avec leurs chefs, leurs marabouts, leurs guerriers, leurs griots, leurs esclaves, leurs affranchis et l’islam comme religion en commun.
La France finit par pacifier tout ce beau monde qui accepta son autorité. Puis vint le temps de la « décolonisation » façon Foccart. La France donna à ce peuple métis, maure et négro-mauritanien, un état avec des frontières tracées à la règle, la France forma les premiers dirigeants, La France donna les institutions, l’organisation de l’armée etc. En somme : la France créa de toute pièce un pays sinon ces peuples eussent été rattachés à d’autres territoires du nord au sud de l’Afrique Occidentale Française qui donnait naissance à des états ici et là.
C’est dire combien, la France et mon pays sont liés de longue date. L’histoire continue : un colonel consul adjoint au consulat général de France a épousé ma mère avant de périr dans un accident de voiture. De là que j’ai des frères et sœur métis ayant son nom et la nationalité française qui va avec de droit. Mon père vient de Boutilimit, fief par excellence de la pacification française. Sans la France, hartani (descendant d’esclaves) il était condamné à une vie de misère et d’ignorance. Grâce à l’arrivée des français, il apprit à lire et eût droit de passer suffisamment de concours pour aller en France et devenir docteur vétérinaire. C’en suit une carrière comme haut cadre de la fonction publique, diplomate et aujourd’hui président de la C.E.N.I, organe indépendant chargé d’organiser les élections dans mon pays.
Quant à moi au milieu de tout ça : toute ma scolarité fut dans l’enseignement français et la partie la plus importante, celle qui structure l’esprit, fut dans l’une des meilleures écoles du Sénégal, où mon père était D.G d’une organisation sous-régionale dépendant de la FAO, c’est une école catholique : l’école des frères maristes, le Cours Sainte Marie de Hann où j’ai passé toute ma scolarité jusqu’à la première.
En 1989, les sénégalais et les mauritaniens ont commencé à s’égorger, se faire rôtir dans des fours, éventrer les femmes enceintes et toutes les barbaries qu’on ne saurait imaginer qui portent depuis le nom « des événements de 1989 ». Là encore sans la France, nous étions finis ou presque, en tout cas pas tirés d’affaire car vu que certains de mes frères et sœur sont français, la France vint à notre secours. C’est ainsi qu’on a pu arriver à l’aéroport en traversant des terres militaires, le tout supervisé par des militaires français même si nous étions dans un camion sénégalais.
De jour au lendemain, il a fallu tout quitter pour rentrer en Mauritanie dont on ne connaissait rien sinon pour les vacances car mon père fut affecté là 18 ans auparavant. C’est d’ailleurs une famille française, que je n’oublierai jamais qui nous a accueillis quand on a fui la maison avant de monter dans le camion militaire.
Ensuite en Mauritanie c’est encore un lycée français. Là à 16 ans, garçon brillant, incontrôlable, fantasque et paumé, je rencontre un professeur de français, une sorte de dandy un peu vieille tante qui était pour les jeunes de notre génération une oreille et qui pour moi fut un ami, un mentor ou plutôt une sorte d’ange gardien car à cet âge on a des rapports difficiles avec les parents surtout un garçon tel que j’étais, indomptable, dont il faut croire qu’il reste quelque chose, grâce à Dieu.
Ce délirant professeur, sorte d’Abbé Carlos Herrera à la noix, me permit de poursuivre mes études en France ce qui me valut, semble-t-il, chez les langues de notre trottoir une réputation digne de jalousie face à quelqu’un qui croyait en moi et pensait que j’étais quelqu’un avec beaucoup de talent et même du génie disait-il et qu’il fallait aider. On se vouvoyait jusqu’à sa tentative de suicide car l’homme était dépressif sévère depuis 20 ans.
http://chez-vlane.blogspot.com/2009/12/acrostiche-h-omme-de-vice-de-tournevis.html
Entre-temps, incapable de présenter des résultats universitaires satisfaisants vu que j’avais l’esprit ailleurs, la préfecture me demanda de quitter le territoire français. Alors j’ai étudié, in media res, une dépression à faire pleurer les pierres. Ayant perdu tout accès aux études académiques, je suis devenu autodidacte avec plus ou moins de bonheur vu que j’anime le blog citoyen le plus visité de Mauritanie avec pour partenaires les sites les plus importants de la place. Cela dit, Je sais ce que c’est d’avoir la France comme unique horizon à l’âge de tous les excès, de toutes les passions et se voir rejeté par la France quand on ne parle que le français et qu’on se rêvait écrivain avant d’enterrer vif cet art par rage d’un esclave de la langue française pour devenir journaliste-blogueur et découvrir que Balzac avait raison en disant :
« Quiconque a trempé dans le journalisme, ou y trempe encore, est dans la nécessité cruelle de saluer les hommes qu’il méprise, de sourire à son meilleur ennemi, de pactiser avec les plus fétides bassesses, et de se salir les doigts en voulant payer ses agresseurs avec leur monnaie.
On s’habitue à voir faire le mal, à le laisser passer ; on commence par l’approuver, on finit par le commettre. A la longue, l’âme sans cesse maculée par de honteuses et continuelles transactions, s’amoindrit, le ressort des pensées nobles se rouille, les gonds de la banalité s’usent et tournent d’eux-mêmes. Les Alcestes deviennent des Philintes, les caractères se détrempent, les talents s’abâtardissent, la foi dans les belles œuvres s’envole.
Tel qui voulait s’enorgueillir de ses pages se dépense en de tristes articles que sa conscience lui signale tôt ou tard comme autant de mauvaises actions. On était venu pour devenir comme Lousteau, comme Vernou, pour être un grand écrivain, on se trouve un impuissant folliculaire… »
12 ans de déchirure à cause de cette invitation à quitter le territoire qui était plus ou moins justifiée. J’ai pris un avocat mais j’ai perdu. L’autre a fait sa tentative de suicide et je me suis retrouvé clandestin de Paris à Nice, de Nice à Bordeaux et de Mac Mahon au Faubourg Saint-honoré ; le tout en fréquentant mes amis du Vésinet.
Puis retour en Mauritanie. Adieu la France pour 12 ans. 12 ans plus tard, la France, au bénéfice de mon actualité, me délivre désormais à l’occasion un visa de circulation dont j’ai bien profité cette année pour rafraîchir ma mémoire et ce, car la France me sait père d’un petit garçon franco-mauritanien.
Ironie du sort ou malédiction du métissage : après le père invité à quitter la France à la fleur de l’âge, voilà le fils franco-mauritanien interdit d’avoir la nationalité mauritanienne. L’enfant à un mois a été bloqué en France par la RAM qui voulait un visa mauritanien pour le petit. Il a fallu remuer la république pour avoir ce papier et depuis on réclame en vain le droit à la double nationalité pour le métis ; ce qui fait le jeu du génocide biométrique dont parlent certains négro-mauritaniens qui manifestent encore à cette heure à Paris car le pouvoir peut leur dire : « voyez même un Ould (fils de, en hassanya, dialecte maure) est interdit de nationalité ». C’est là, l’humour politique de la canaille.
Tout ça pour dire que les relations à la France, de gens comme moi et d’autres parfaitement à l’aise avec leur culture naturelle et leur culture coloniale méritent autant de publicité que cette léonardisation de l’immigration dans le paysage médiatique. Il existe mille sans-papiers qui ne méritent pas d’être interdits d’Europe. L’immigration venant du tiers-monde peut être positive, fraternelle et constructive.
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