Où va vraiment la France
La France déjà frappée par la crise économique et monétaire traverse depuis trois semaines une zone de turbulance qui oppose la Rue aux Institutions et particulièrement au président de la République qui est accusé de ne pas avoir tenu les promesses du candidat à la présidence.
La mouvement a pris les aspects d’une telle violence que l’on est tenté de la qualifier de « pré-insurrectionnel ».
Moi non plus, d’ailleurs. Je constate seulement que la situation est grave et qu’elle présente de grands dangers sociaux et économiques pour le pays en dépit de ce que peuvent affirmer les protagonistes de ce drame.
La réforme du système des retraites parait être la cause principale de cet affrontement de la Rue et du Pouvoir. Mais la loi qui devra la régit devrait être approuvée dans quelque jour par le Sénat, affirme le gouvernement. Ce qui signifierait, in fine, son adoption définitive.
Mais après ? Que seront les réactions de la Rue ? Au delà du réaménagement du système par répartition des retraites, ce mouvement parait exprimer une défiance générale à l’égard du système de gouvernement Sarkozy, auquel la multitude reproche sa « surdité », son « autisme » à devant l’opinion populaire. Le président Sarkozy, enfermé dans la tour d’ivoire de son pouvoir tout neuf a inauguré son quinquennat , après avoir fait preuve de réactions de parvenu en dinant avec des amis milliardaires dans un des restaurants les plus snobs des Champs Elysées, puis en entreprenant une croisière de luxe à bord du yacht d’un ami milliardaire, a été ensuite accusé à mi mandat de ne pas d’avoir tenu les promesses alléchantes qui avaient fait élire le candidat à la présidence.
Par conséquent, les motivations principales du mouvement populaire que vit la France doivent être trouvées dans un raz-le-bol général, dans un désarroi provoqué par la paupérisation qui frappe plusieurs millions de citoyens, dans le chômage qui a quadruplé en trente années (près de quatre millions de chômeurs) à la désindustrialisation de la France ; celle-ci étant due à la mondialisation des ressources minérales non renouvelables, à la migration décidée par les chefs d’entreprise ou groupes industriels qui ont délocalisé leurs activités dans des pays d’Asie ou d’Afrique où le coût de la masse salariale est tellement bas qu’il ne peut supporter aucune comparaison avec ceux de la Métropole. Autre cause de de la révolte populaire, la perte d’espoir dans l’avenir, l’attitude des « patrons » et des petits cadres « caporalistes » qui, avec leur orgueil de « petits chefs », harcèlent, par habitude, leurs collaborateurs, l’anxiété de toute une fraction de la jeunesse de toutes origines qui ne croit plus en l’avenir. Qui craignent de ne pas trouver d’emploi à la sortie de leurs études.Qui ne croient plus que la République puisse leur donner les moyens de trouver un « bâton de maréchal » dans leur cartable !
Ils sont scandalisés que la différence abyssale qui existe entre les revenus des « gens d’en bas » (comme disait l’ex premier ministre Jean Pierre Raffarin) et « ceux d’en haut », ne semble pas émouvoir outre-mesure un gouvernement taxé, à tort ou à raison, d’arrogance et stigmatisé a cause de ses faveurs à l’égard du « grand capital » comme le nomment tous ceux qui n’en font pas partie. Ils crient à l’injustice.
Ce désarroi d‘une importante partie des Français ne peut être en aucun cas considéré comme une génération spontanée, comme un gros orage survenu par un ciel clair de printemps.
A plusieurs reprises – disons pour simplifier – depuis le début de l’actuelle décennie, on avait assisté à plusieurs explosions populaires. On s’était efforcé d’expliquer aussi bien dans les milieux cultes que gouvernementaux qu’elles étaient le fait exclusif des « quartiers difficiles » et la conséquence de l’emprise des « grand frères » dealers de drogue dures et douces. La présence de ces caids, dont le revenus sont utiles aux générations successives de famille immigrées affectées par la manque d‘emploi.
L’inefficacité des forces de sécurité avait été mise en avant par les habitants de ces banlieues, dont les appartements sociaux dans des immeubles barres, avaient remplacé avec bonheur les « gourbis » de naguère.
C’était oublier les ratés du système d’intégration de ce pays. Ni la langue, ni les études primaires ou les écoles professionnelles, ni un certain respect de leur dignité, n’avaient permis à ces nouveaux venus d’origines et de croyances différentes de s’intégrer comme en Israël, les Fellaches (noirs) d’Ethiopie, de s’intégrer un tant soit peu à la population dont ils allaient acquérir par naturalisation ou par la naissance (jus soli), la nationalité. Un récent rapport de l’INED souligne le fait que de nombreux citoyens de première ou seconde génération ne parviennent pas à se faire considérer comme Français par leur compatriotes.
De notre temps, l’embauche très difficile d’un Jean-Pierre est beaucoup plus facile qu’un Mohammed ou un Mamadou, dont le prénom est devenu rédhibitoire
Les sociologues ont souvent estimé que l’émigration d’un peuple se produit quand il n’a plus aucun espoir de vie dans son pays. Je crois qu’il en est de même pour les révolutions.
Mais la crise sociale actuelle n’est pas entièrement due à ces ratés de l’intégration. Car l’effondrement économique qui a suivi les « trente glorieuses de l’après guerre » , époque ou le chômage n’avait pas encore dépassé le million d’individu, a frappé la France entière à l’exception des couches les plus établies de la bourgeoisie traditionnelle, qui dominent la population dans presque tout les domaines des activités économiques du tertiaire, du grand commerce, et de l’agriculture.
« Tirer le diable par la queue » est une expression populaire à l’usage de de nombreux Français qui parviennent, grâce à la sécurité sociale qui prend en charge leurs dépenses de santé, de se maintenir la tête hors de l’eau.
Par ailleurs l’inactivité, faute d’emploi quand on a moins de trente ans, ou l’impossibilité pour des millions de se bien loger même lorsqu’on a un emploi, mais un faible salaire, la mise au rancard de « seniors » hommes ou femmes considérés comme « vieux » à partir de 50 ans, la conviction, souvent bien fondée, qu’il n’y a plus aucune perspective d’épanouissement professionnel, peuvent être considérés comme les causes principales de la désespérance de millions de Français.
Les manifestants responsables des chamboulements actuels de la vie dans les grande métropoles, dont le nombre est estimé selon les opinions de un à trois millions, peuvent être, probablement, comme l’arbre qui cache la forêt.
Leur attitude est admise par la Constitution. Leur droit de grève l’est également. Par contre, leur façon de considérer que la volonté de la Rue supplante la légitimité de l’assemblée nationale, du sénat et du gouvernement de la république – qu’on approuve ce dernier – est inadmissible. Ou bien alors on se trouve dans un autre type de régime qui n’a absolument rien à voir avec la démocratie.
Il n’est pas admissible non plus qu’au nom du droit de grève, il soit tenté de prendre en otage un pays tout entier.
Une réglementation du service minimum a été imposée dans les transport ferroviaire ou automobile, dans le métro. Elle a été généralement respectée..
Il n’en est pas de même dans les raffineries de pétrole et dans la distribution des carburants. On peut y voir l’idée maligne de mettre à genoux un pays tout entier, terroriser une population motorisée dont la vie tout entière dépend de l’usage de l’automobile.
La fermeture de quasi 3000 stations fermées (sur 12000) affecte – plus ou moins – toutes les activités du pays. Elle produit un effet traumatisant sur les plus inquiets des Français . Surtout au moment out une immense partie de la population s’apprêtait à aller fleurir en province les tombes de leurs cher disparus.
Preuve, si l’on en avait besoin, de la place primordiale que prennent les carburants dans une société comme la France. Preuve également que l’idée de fermer complètement la fourniture des carburants pourrait s’apparenter un une sorte de terrorisme économique.
Le gouvernement a pris des mesures de réquisition des raffineries et dépôts de carburants. Mais ces mesures nécessaires risquent de se transformer en jeu du chat et de la souris. La Rue et le Gouvernement risquent d’y perdre mutuellement la face, mais ce qui est plus grave, réside dans le fait que le président de république, le gouvernement et le Parlement y perdent leur autorité et leur crédibilité.
Comme au début de toute révolution, on a l’impression qu’une époque se termine.
Même si l’on devait croire les affirmations de la Rue, selon lesquelles les manifestants seraient plus de trois millions, ils ne représenteraient alors, qu’un vingtième de la population, mais on sait malheureusement que ce genre de minorité est capable de mettre à bas un pays pour plusieurs années.
Cinquante-huit millions d’autres citoyens assistent à leurs exhibitions. On attend maintenant de savoir quelles vont être leurs réactions devant un tel spectacle.
Car, au cours de ces deux ou trois dernier jours, une autre catégorie d’intervenants, estimés par la police (?) à mil quatre cents - désignés sous le nom de « casseurs » – ce qui est un fait – se sont mêlés aux manifestants lycéens ou étudiants (de 13 à 18 ans) notamment, à Nanterre, banlieue de Paris, et à Lyon où armés de barres de fer et cagoulés, ils ont incendié des voitures et fracassé les vitrines de commerçant où ils ont pillé Tv, téléphone et le reste.
Le droit de grève constitutionnel doit-il se prolonger en en saccage dans les ville et au blocus d’une économie toute entière ? Tout cela parait dépasser très largement les limites de la démocratie. Quand au gouvernement , premier ministre et président, il n’ont pas cessé de répondre à tout ce tumulte en affirmant que , de toutes façons, ils mèneraient la reforme des retraites à son terme.
Il est à craindre dans ce cas – dans ce dialogue de sourds, – que les syndicats, les partis de gauche et d’extrême gauche qui sont les principaux initiateurs et metteurs en scène de ces débordements, poursuivent leurs actions tout en prétendant que » le responsable de cette situation, est le gouvernement qui refuse de négocier avec eux ».
Il reste que le pays et ses gouvernants expriment un espoir futile – synonyme de « méthode Coué » – en faisant lancer l’idée que "les vacances de la Toussaint commencent vendredi". Ils expliquent que, pendant une semaine, les protestataires partiront et week-end prolongé et mettront fin à à leur manifestations et au désordres qu’ils provoquent.
Tout cela me parait "dingue", surréaliste. Quand la politique se transforme en un partie de poker, on peut se refuser à faire des prédictions sur un avenir incertain.
Déjà en 1789, il y avait une chanson populaire qui disait :
« Il pleut, il pleut bergère, rentre tes blancs moutons… » Marie-Antoinette que cette rengaine populaire visait surement, s’était fait construire en effet une ferme (qui existe toujours) dans la parc de Versailles où on élevait pour elle quelques brebis…Quatre ans plus tard le Tribunal révolutionnaire de Paris lui fait couper le cou !!
Copyright Oct 2010 Bertrand C. Bellaigue
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