Oui, l’université doit être chère !
Oui, l’université doit être chère !
Puisqu’il y a trop d’échecs, puisque trop d’étudiants ne se présentent pas aux examens, Il faut augmenter le droits d’inscription à l’Université.
C’est la dernière annonce du président de la République (1)
« Excellente idée !!! » ne pourra-t-on s’empêcher de dire (*).
C’est que ceux qui peuvent payer (ou leurs parents) … réussissent. C’est en effet la conclusion des études de Bourdieu et de Passeron ( « les héritiers », « la reproduction ») qui synthétisèrent les résultats de leurs enquêtes dans la formule connue : l’université reproduit les inégalités sociales sous une forme scolaire.
Le président Macron a donc vu juste. Si l’on ( = les universités « autonomes » et non plus l’Etat) impose aux jeunes venant d’un milieu modeste d’avoir à payer des sommes qu’ils ne peuvent pas débourser, ces jeunes ne pourront pas échouer puisqu’ils ne pourront pas s’inscrire.
C’est si vrai, que les gens de « gauche » non encore ralliés, ne trouvent rien à redire (2) .
C’est probablement qu’il existe dans les corps enseignants (3) un consensus pour considérer que si 50 % des étudiants ne se présente pas aux examens, et qu’ensuite 30 ou 40 % des rescapés sont éliminés, c’est que, nécessairement, chaque cohorte de jeunes, comprend 30 %, 40%, 50% de fainéants, d’idiots, et de débiles mentaux.
Certes, chacun connaît l’histoire de tel étudiant brillant qui a renoncé à s’inscrire à un diplôme (parce que les droits d’inscription étaient trop élevés pour lui ou sa famille). Il ne faut pas manquer de le regretter. Mais on n’y peut rien.
Ou celle d’une autre qui a cessé ses études parce qu’ayant un enfant, elle devait travailler la journée. C’est à dire pendant les heures d’ouverture de l’université. Mais on ne peut quand même pas demander aux universités d’ouvrir la nuit pour des gens qui font des enfants avant d’avoir terminé leurs études !!!
Et puis il ne faut pas oublier que la société peut tirer bien des avantages de cette nouvelle facturation. Deux exemples parmi d’autres.
1/ les jeunes gens issus de « gens qui ne sont rien » ou pas grand’chose participeront activement à l’économie dès leur sortie du lycée. Puisqu’ils devront, pendant une bonne partie de leur vie - au lieu de suivre les cours sur le dos des contribuables - trouver le moyen de rembourser les prêts qu’ils auront souscrits auprès des banques. Lesquelles pourront ainsi, autre effet positif sur le PIB, développer leurs produits.
2/ les jeunes filles, qui se prostituent déjà pour payer leurs études, pourront se prostituer un peu plus et en plus grand nombre. Ce qui fera baisser ( lois de la concurrence) les demandes d’asile présentées par les jeunes prostituées venues d’Afrique ou d’Europe de l’Est pour pouvoir, le temps d’instruction de leur demande, arpenter les allées du bois de Boulogne ou celles du bois de Vincennes.
Cette intention est si louable qu’on doit souhaiter qu’elle s’applique aussi dans les autres ordres d’enseignement. Dans le secondaire et même dans le primaire.
Si les écoles des « quartiers » devenaient chères (et sauf à craindre le développement de la vente des stupéfiants qu’il faudrait alors continuer à limiter à ces seuls quartiers), tous ces enfants des cités ne sortiraient plus de l’école sans savoir ni lire ni écrire … puisqu’ils n’y entreraient pas.
Et, coup double : on pourrait, par voie de conséquence, fermer classes et écoles et réduire le nombre des personnels d’éducation.
Et puis, il était quand même nécessaire de se mettre un peu plus en conformité avec les principes européens.
L’enseignement public et l’enseignement privé font la même chose. Dès lors que l’Etat finance l’enseignement public, la concurrence est faussée. Et ça, « l’Europe » n’aime pas.
L’enseignement, c’est comme la santé. Ce sont (c’étaient) des activités « administratives » dans la tradition française. Mais ces activités ont changé de nature dans l’esprit des textes européens. Il ne faut pas l’oublier !
En faisant payer les inscriptions dans les universités aux tarifs proposés à leurs clients par les établissements privés, on met par ailleurs le « holà » à l’aberration du service public. Qui voulait en dernière analyse que les plus riches payent (via la fiscalité) un « pognon de dingue » … pour que les plus pauvres ( qui avaient renoncé - qui plus est - à devenir riches) aient accès à des prestations jugées, mais dans des temps reculés et révolus, comme indispensables.
Il restera ensuite (4) , mais c’est encore un peu trop tôt, à réformer le statut des universités. Qui pourront devenir des organismes à capitaux mixtes, publics ( de l’Etat et/ ou des collectivités territoriales) et privés. Les capitaux publics étant appelés à diminuer par la suite.
Quand cela sera fait, la transformation « systémique » (5) de nos universités voulue par le président (1) aura été accomplie.
Marcel-M. MONIN
m. de conf. hon. des universités
(*) dans le cadre d’une certaine conception de la société et des rapports humains. Et évidemment dans la logique des traités ( notamment « européens ») organisant le respect et la mise en œuvre de cette conception.
(1) jeudi 13 janvier 2022 .
(2) D’ailleurs et depuis longtemps, les universitaires ( y compris de « gauche ») se sont entendus ( en commençant par méconnaître les textes) pour fabriquer des diplômes à entrée sélective et à droits spécifiques d’inscription, largement supérieurs aux antiques droits fixés par un arrêté conjoint du ministre des finances et du ministre chargé des universités. Donner compétence aux universités pour fixer tous les droits d’inscription, ne fera que généraliser ce qui se passe déjà. Et ce à quoi les étudiants sont déjà habitués. Comme on les a progressivement habitués à perdre le droit séculaire attaché à la possession du baccalauréat (c’est la velléité de trois doyens d’organiser un tri entre les bacheliers qui venaient d’être reçus (en plus grand nombre que les années précédentes), qui est à l’origine du déclenchement (à Nanterre spécialement) des « évènements » de 1968 à l’université) . (Sur ces questions, v. « La loi d’orientation de 1968 et l’université française » https://www.idref.fr/030402522 ). Avec comme dernière étape, le système « parcours-sup ». Système dont l’Etat va pouvoir se dégager. Les bacheliers candidateront alors directement dans une ou plusieurs universités, lesquelles feront ce qu’elles veulent.
(3) dont le statut confère une valeur particulière à ce qu’ils disent, dès lors qu’ils l’ont dit (v. sur les plateaux de TV le caractère de « vérité » attaché aux affirmations de professeurs de médecine mêlant les observations et les certitudes des autres et leurs appréciations et prédictions personnelles).
NB. S’agissant du traitement de l’échec (à tout le moins d’une partie de l’échec) il existe évidemment des solutions techniques. Comme il existe des techniques pour gérer, dans une société, la question de la baisse de la « valeur » sociale d’un diplôme (lorsque le nombre de diplômés dépasse le nombre d’emplois accessibles par la possession de ce diplôme) tout en essayant d’assurer le « brassage » social.
(4) les universités ont déjà reçu la propriété de leurs locaux ( il faut dès lors qu’elles trouvent de l’argent – notamment dans les droits d’inscription- pour les entretenir et pour construire) et ont reçu la gestion de leur masse salariale (il faut qu’elles trouvent de l’argent pour attirer et payer leurs futurs intervenants, évidemment non fonctionnaires).
(5) sur la transformation systémique … de notre régime politique, v. :
https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/e-macron-et-l-auto-entreprenariat-237262
https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/l-article-123-de-christine-lagarde-230823
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